vendredi 2 novembre 2007

Rabelais et Montaigne en avant-garde ! : Pédagogies , Savoirs et Réflexions d'autrefois et de notre temps ?

RABELAIS , le conteur , le satirique , le philosophe , le pédagogue ; MONTAIGNE , peintre de lui-même , de la philosophie de ses idées et de sa pédagogie .

Ces deux plus grands prosateurs du XVIeme siècle vont faire , ici , l'objet d'une analyse critique concernant les rapports à la formation et à la maîtrise des compétences , jadis, en ces temps de la Renaissance et, présentement, dans notre période contemporaine .

La Bruyère , portant sur Rabelais un jugement qui paraît sans appel , a bien mis en lumière le double caractère de son oeuvre :

"Cest un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse et d'une sale corruption .Où il est mauvais , il passe bien loin au-delà du pire , c'est le charme de la canaille ; où il est bon , il va jusques à l'exquis et à l'excellent , il peut-être le mets des plus délicats" .(Les caractères, chap. 1 :Des ouvrages de l'esprit ).

Rabelais lui-même, dans son prologue, a reconnu que son livre était à double face . Dans les conseils à ses lecteurs il précise sa pédagogie :


"Mais par (avec) telle legiereté (légèreté) ne convient estimer les oeuvres des humains ; car vous-mêmes dites que l'habit ne fait point le moine... C'est pourquoi faut ouvrir le livre, et soigneusement peser ce que (ce qui) y est déduit . Lors connaîtrez que la drogue dedans contenue est bien d'autre valeur que ne promettait la boite , c'est-à-dire que les matières ici traitées ne sont tant folâtres comme le titre au-dessus prétendait ..."

Les Essais de Montaigne sont le journal , non pas de sa vie , mais de sa pensée . Il a lui-même , au début de son livre , expliqué son intention première :


"C'est ici un livre de bonne foi, lecteur . Il t'avertit dès l'entrée que je ne m'y suis proposé aucune fin , que (sinon) domestique et privée ; je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein . Je l'ai voué à la commodité (avantage, profit) particulière de mes parents et amis : à ce que (afin que) m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) , ils y puissent retrouver aucuns (quelqes-uns) traits de mes conditions et humeurs (mes manières d'être et mes goûts), et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu'ils ont eu (Montaigne n'applique pas toujours la règle d'accord du participe passé conjugué avec avoir) de moi ... Ainsi , lecteur , je suis moi-même la matière de mon livre ..."



RABELAIS , le Pédagogue :


Comme tous les grands esprits dans les périodes de rénovation intellectuelle , Rabelais s'est préoccupé de réformer l'éducation de la jeunesse . Sa pédagogie , dont nous indiquerons plus loin les rapports avec celle de Montaigne , découle de sa philosophie générale qui, nous venons de le voir, a prêché l'ardent amour de la vie et le libre épanouissement des individualités humaines .

Les idées pédagogiques de Rabelais se trouvent exposées dans deux passages principaux de son roman : dans l'histoire de l'éducation de Gargantua (Livre I, chap. XIV , XV , XXIII , XXIV) et dans la lettre de Gargantua à Pantagruel (Livre II, chap. VIII). De ces deux morceaux le second a dû être composé avant le premier , puisque le Livre I de Pantagruel a paru avant Gargantua .

Dans le récit de l'éducation de Gargantua Rabalais critique sévèrement l'enseignement scolastique du moyen âge .


Gargantua est d'abord confié aux soins de Thubal Holoferne, docteur en théologie, puis de maître Jobelin Bridé "un autre vieux tousseux" . Ces deux précepteurs ne s'adressent qu'à sa mémoire et emploient pour la développer d'extravagantes méthodes :ils lui font, par exemple, réciter toutes ses leçons à rebours .

A la fin , dit Rabelais (Livre I, chap. XV) "son père s'aperçut que vraiment il étudiait très bien, et y mettait tout son temps ; toutefois qu'en rien ne profitait, et, qui pis est, en devenait fou, niais, tout rêveux et rassoté (sot) ... Car leur savoir n'était que bêterie (bêtise) ; et leur sapience (sagesse) n'était que moufles (niaiseries) ,abâtardissant les bons et nobles esprits et corrompant toute fleur de jeunesse ." C'est alors que, sur le conseil d'un de ses amis , Grandgousier met Gargantua entre les mains d'un nouveau maître, Ponocrates, dont les méthodes diffèrent heureusement de celles des vieux précepteurs .


La journée de gargantua enfant ... S'éveillait donc Gargantua environ quatre heures du matin ...(Livre I : Gargantua , chap. XXIII .)


Quant à la lettre de Gargantua à Pantagruel, empreinte d'un profond amour paternel et d'un grave accent religieux, elle contient un vaste programme, dont le caractère encyclopédique nous déconcerte, mais dont nous ne pouvons que louer le souci constant de moralité et la sage préoccupation pratique .


Letttre de Gargantua à Pantagruel étudiant ... Mon fils, je t'admoneste (je t'engage) qu'employe (que tu employes) ta jeunesse à bien profiter en étude et en vertu . Tu es à Paris ...( Livre II : Pantagruel, chap. VIII.)


MONTAIGNE , ses idées pédagogiques .


Si Montaigne fut un fils très affectionné [il parle avec émotion de son père , le meilleur père qui fut onques (jamais), il ne paraît pas avoir été un père bien tendre .(voir le chapitre :De l'institution des enfants Livre I, chap. XI, addition de 1595) . A la demande de Mme Diane de Foix, contesse de Gurson, qui allait être mère, il a exposé, sans doute vers 1579-1580, ses idées sur l'éducation dans ce chapitre fameux des Essais (Livre I, chap. XXV ).


Montaigne pédagogue est d'accord avec Rabelais sur plusieurs points .


Lui aussi, par réaction contre l'éducation des collèges, trace le plan d'une éducation individuelle ;lui aussi poursuit le complet développement du corps et de l'esprit :"Ce n'est pas assez de lui raidir l'âme ; il lui faut aussi raidir les muscles ..." -" Ce n'est pas une âme, ce n'est pas un corps qu'on dresse, c'est un homme ..." Lui aussi s'élève contre la méthode d'autorité en faveur au moyen âge : Qu'il lui fasse tout passer par l'étamine (étoffe servant à filtrer. D'où le sens de la phrase : qu'il l'oblige à tout examiner soigneusement par lui-même ), et ne loge rien en sa tête par simple autorité et à crédit ."Lui aussi enfin assigne un but moral à l'éducation : Le gain de notre étude, c'est en être devenu meilleur et plus sage ".

Mais si Montaigne et Rabelais ont adopté vis -à -vis du passé une attitude semblable (puisqu'ils rejettent et condamnnent tous les deux la vieille éducation), ils ne s'accordent plus ensemble quand il s'agit de préconiser pour l'avenir des méthodes nouvelles . Rabelais, s'adressant à la mémoire , cherche surtout à faire un érudit, un "abîme de science" ; Montaigne, songeant à façonner le jugement, vise plutôt à former un esprit cultivé, qui des sciences goûtera seulement "la croûte première" . Le danger de la méthode de Rabelais serait de surcharger le jeune homme d'une foule de connaissances encombrantes et de submerger sous cet abus d'érudition sa personnalité naissante . Le danger de la méthode de Montaigne serait de faire de l'adolescent un esprit plus brillant que solide, un causeur aimable et superficiel dont le vernis aura du succès dans le "monde", mais un caractère fortement trempé et puissamment armé pour la lutte de la vie .

De ces deux pédagogies, qui auraient gagné de se compléter l'une par l'autre, la plus rapprochée de notre idéal moderne, volontiers positiviste et utilitaire, c'est plutôt , semble -t-il, celle de Rabelais, vu la plus grande part qu'elle fait à la science et aux connaissances pratiques .


Entre ces deux extrêmes , tout l'art pédagogique que préconise Gerboise : c'est , tout d'abord, d'apprendre à être capable de "se forger soi-même" un esprit et un entendement qui seront les plus "ouverts et plus réceptifs" possibles ; ensuite d'être apte à acquérir les connaissances les plus opérationnelles envisageables , dans le plus grand nombre de contextes ouverts dans les réalités matérielles du monde et non dans des vues simplement théoriques et philosophiques !

Nous serons amenés à mettre en application cette façon de considérer la pédagogie , lors de l'acquisition des "tours de mains" , [qui sont aussi importants que celle des "tours d'esprit"] , dans des exemples concrets choisis dans les entreprises terre à terre de nos occupations habituelles .



A bientôt , Gerboise .


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Savoir par coeur n'est pas savoir dit Montaigne

Anonyme a dit…

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