dimanche 28 février 2010

Réflexions sur le rôle primordial qu'ont joué les événements importants; décisifs, cruciaux* durant les premières étapes de notre vie:Henri Laborit*

* -décisifs : qui conduisent à un résultat définitif, capital pour ce qui va suivre ; qui résolvent une difficulté, tranchent un débat ; qui vont amener une solution ou une orientation définitive dans une situation. Ce qui est décisif fait cesser l'irrésolution, entraîne une conviction profonde .


-cruciaux : points les plus importants, déterminants, qui permettront de choisir entre des voies différentes , plusieurs hypothèses ; se dit plutôt d'un moment où l'on est devant une sorte de carrefour, où un choix sera fait ou imposé .





**-Henri Laborit : cet homme extraordinaire, hors du commun , prodigieux, d'exception, souvent "rejeté " , réfuté, dont il est important de " démonter " (analyser les différentes parties , comprendre ainsi les raisons de ses actes , de ses réactions et de ses pensées) les comportements .





Voici un extrait de son livre : L'alchimie de la découverte, publié chez Grasset et Fasquelle en 1982 .

Ce texte va nous faire prendre conscience des enjeux qui se trament dans toute société humaine et en particulier dans certains milieux dits scientifiques , ainsi que du rôle essentiel , déterminant des "hiérarchies " , des clans ,[des chapelles (des groupes de personnes soucieuses de demeurer entre elles, ayant des idées, des conceptions imaginaires, fausses ou irréalisables ; des façons particulières de se représenter le réel, de juger les choses, les faits) ] .

Ces comportements ont eu lieu à toutes les époques naturellement, mais ces temps-ci , il semble qu'ils soient arrivés à un point culminant, à une sorte de paroxysme, de déchaînement, d'exacerbation . Des phénomènes comparables, semblables en tous points, tels que ceux concernant par exemple le soi-disant rôle du CO2 relatif au : " réchauffement climatique ", ainsi que de nombreux autres problèmes actuels non résolus avec certitude .

Voici cette réflexion concernant la notion de hiérarchie :

" " Ces événements (toutes les vicissitudes , les " coups-bas " que l'auteur, ce chirurgien, à ses débuts, a supporté , a toujours su maîtriser ...) m'ont aidé à comprendre que le destin d'un homme n'est pas le résultat d'un choix délibéré, mais celui d'un ensemble de déterminismes qui le dépassent . On conçoit qu'aussi longtemps que le comportement humain n'aura pas trouvé ses lois de la gravitation, qui ne peuvent lui venir que de l'étude biologique de ses comportements, la domination sous toutes ses formes sera l'objectif essentiel à combattre .


Quand on comprend que les hommes s'entretuent pour établir leur dominance ou faire disparaître celle qui les opprime, on est tenté de conclure que la maladie la plus dangereuse pour l'espèce humaine n'est ni le cancer, ni les affections cardio-vasculaires (ni actuellement le SIDA), comme on veut nous le faire croire, mais tout simplement le sens des hiérarchies, de toutes les hiérarchies (organisations sociales dans lesquelles chacun se trouve dans une série ascendante de pouvoirs ou de situation ; hiérarchie se dit de toutes sortes de pouvoirs, d'autorités, de rangs ou même de valeurs subordonnées les unes aux autres et implique une autorité ou au moins une éminence reconnues des degrés supérieurs par rapports aux degrés inférieurs) " "



Cordialement, bien à vous, Gerboise .

mardi 23 février 2010

Herbier de nos Montagnes,où une représentation magique,séduisante,de la vie végétale,lors de randonnées aux retentissements inattendus, nous subjugue*


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*nous fascine, nous incite
à la réflexion, à l'observation, s'empare de notre esprit et de tous nos sens . La vue des floraisons, les senteurs des parterres de fleurs, les saveurs des baies, les sensations tactiles,auditives et olfactives des ruptures de tiges des plantes que l'on peut prélever, échantillonner : celles qui ne sont pas protégées.

(Pour lire les textes et apprécier les détails des images, vous pouvez les agrandir en réalisant sur chacune d'entre elles un clic gauche, puis chaque fois, revenir à la page précédente) .


C'est au cours d'une de mes fréquentes balades vers le " hauts " de la Butte de Montmartre à Paris, que le fil de mes idées, de mes réflexions fut i interrompu par la vue de l'étalage de la boutique d'un brocanteur . Surgie entre de nombreux livres , une couverture colorée attira mon attention : devant mon regard émerveillé, un ensemble de plantes fleuries des prairies alpines de ma jeunesse, Anémone soufrée, Soldanelle, Edelweiss, Compagnon rouge et Tussilage, apparu !

Surpris de trouver là un Herbier (aquarelles représentant une collection de plantes desséchées destinées à l'étude, et conservées aplaties entre des feuillets de papier épais; ou album où elles sont représentées, dessinées et peintes) , par surcroît, de nos Montagnes , intitulé : Itinéraires d'une aquarelliste, itinéraires croisant le mien [interception liée au hasard ?] sur les pentes de " ma Butte " , modeste colline, bien entendu !

J'examinais avec de plus en plus d'intérêt cet ouvrage des Éditions EQUINOXE
, publié en Juillet 2004 [ 36 euros]. La Massane, Les Joncades Basses, 13210 Saint Rémy de Provence . Je regardais son contenu : l'ouvrage était présenté avec un index des noms des plantes en français, à la fin de l'ouvrage se trouvait une description de la flore de nos montagnes par ordre alphabétique avec des planches illustrées explicatives des termes utilisés . L'ensemble de ces aquarelles était organisé selon les quatre saisons de l'année .

Ces Aquarelles et ces Textes ,réalisés par Michèle Delsaute ,étaient d'une qualité exceptionnelle . J'en faisais l'acquisition pour " une bouchée de pain " !

Aujourd'hui, devant mon écran, nous prenons la liberté, comme toujours, de suggérer à nos lecteurs, de se procurer cet Herbier d'Aquarelles . Ces dernières sont magnifiques, elles ont été peintes avec " amour ". Elles sont d'une grande exactitude, et d'une représentation fidèle de la réalité ; par ailleurs, elles vous feront rêver à ces alpages et plus haut, à ces sommets enneigés jusqu'au milieu du printemps . De plus , peints au fil de certaines pages, de petits oiseaux donnent vie à cet ensemble végétal .

En vue de vous convaincre d'acheter cet album, ou de le faire acquérir par une bibliothèque, je me suis permis de sélectionner quelques feuillets pour vous donner envie d'admirer l'ensemble de son contenu .

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Ci-dessus voici le Verso de l'ouvrage, message dédicace de l'auteur, Michèle Delsaute, faisant l'apologie des valeurs montagnardes, le plaidoyer de ces randonnées dans la nature où on est libre, libéré des contraintes de la ville, libre d'observer et de réfléchir pleinement, pour une fois, sur les choses saines qui nous entourent, sur ces plantes et ces oiseaux, sur ces roches, le long de ces sentiers accidentés ,mais pleins de vie et de matières naturelles.

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Présentation de ces promenades " actives " et des états d'esprit de l'auteur de ces merveilles .

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Image de la boîte de peinture de l'auteur et coordonnées des Éditeurs .

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Une des quatre saisons : l'Hiver



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Les Oiseaux s'ébattent sur ce perchoir-mangeoire en hiver .

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Une, parmi les très nombreuses planches de l'Herbier : coquelicot ou Papavei Rhoeas



Lecteurs, si j'ai privilégié cet ouvrage , l'œuvre de Michèle Delsaute , c'est pour plusieurs raisons :

La première a déjà été précisée au début de ce billet : vous faire admirer et apprécier ces splendides planches de l' " Herbier " dont on ne peut se lasser ...

La deuxième raison est liée à la prise en considération de l'état d'esprit et des conditions dans lesquels l'auteur a réalisé ces aquarelles : posséder en soi une passion qui vous prend une grande partie de votre temps et, en conséquence, accapare ,occupe toute votre pensée et se substitue à d'autres néfastes pour la personnalité . C'est un exemple judicieux de comportement qui peut être présenté à beaucoup de jeunes désoeuvrés et qui parfois se laissent entraîner à la consommation de produits nocifs pour leur santé [voir les deux billets déjà présentés dans notre blog sous le libellé :" Drogue :ce fléau ".

Une troisième raison logique , c'est que le contenu et les commentaires de la publication de l'auteur correspondent à l'éthique même de ce blog, rappelée sous la photo d'une gerboise en haut,à droite de tous les billets : développer l'esprit critique de chacun d'entre nous et apprendre à jauger la qualité des informations qui nous arrivent de toute part .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

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jeudi 18 février 2010

Bases* des désirs devenus extrêmes,à la source des dépendances néfastes en cas de contacts inopportuns**, fâcheux, dans des circonstances défavorables

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*conçues par Gabriel Tarde .

**malencontreux, qui viennent mal à propos, indésirables, parfois désastreux, préjudiciables .

Les idées et les concepts développés dans ce billet s'appuient sur une partie consacrée à la notion de désir de l'ouvrage de Gabriel Tarde, de l'Institut, Professeur au Collège de France : Psychologie économique, publié en 1902 par Félix ALCAN, Éditeur .

Jean-Gabriel Tarde,1843-1904, était un juriste, juge à Sarlat en Dordogne, sociologue et philosophe français et l'un des premiers penseurs en criminologie moderne . Il s'est fait connaître notamment par son ouvrage intitulé Les Lois de l'Imitation [1890] , qui rend compte des comportements sociaux par des tendances psychologiques individuelles .

Dans le cadre d'une série d'articles qui seront présentésdans ce blog , concernant la "drogue et ses dépendances " , la notion de " désirs " liée aux attitudes comportementales et addictions (états de dépendance à une substance ou à une activité nocive pour la santé) aux drogues étant très complexe , nous allons progressivement analyser tous les facteurs intervenant dans ce redoutable problème qu'il faudra cerner, circonscrire, appréhender et chercher à comprendre en vue d'envisager des conseils et des solutions .

Le texte qui va suivre, extrait du premier tome de la psychologie économique de Gabriel Tarde, chapitre II : Rôle économique du désir, page 161 à 168 , va nous permettre , dans une première étape, de situer nos réflexions dans un ensemble de contextes opérationnels concernant les " penchants " ( les inclinations, les tendances naturelles ou " épousées " c'est-à-dire s'attacher de propos délibéré et avec ardeur à quelque chose, ici une " drogue " ) , habitudes acquises
survenant lors de ces états de dépendance.

Voici le texte de l'auteur :

"" ... Une illusion à craindre, quand on vit comme nous à une époque [ publié en 1902] de progression rapide et fiévreuse des besoins, est de croire qu'elle est l'état normal de l'humanité et pourra se poursuivre sans fin .

Il viendra nécessairement un moment où le cœur humain, même américain, ne suffira plus à cette émission continue de nouveaux désirs que les développements de la " machinofacture " exigent de lui pour qu'il offre des débouchés sans cesse croissants à sa production toujours plus abondante .

La nature humaine n'est pas inépuisable en besoins, ni en caprices même, et, tôt ou tard, chaque homme, même le plus ambitieux et le plus imaginatif, se heurte aux limites [ à une sorte de frontière plus ou moins impénétrable ? ] non seulement de sa force, mais de son désir , devenu inextensible .

Quand ce heurt final, quand cet arrêt de croissance se produira pour l'humanité, il est bien certain que le progrès ne pourra plus consister dans un accroissement continu de la production, idéal de tant d'économistes .

Il ne pourra plus viser que l'abréviation croissante du travail humain et l'augmentation du loisir .


En résumé, chacun de nous tourne ainsi, à chaque instant, dans un cercle plus ou moins grand de désirs périodiques, - aux périodes régulières ou irrégulières - et, à chaque instant, est lancé sur la voie de quelque fantaisie, de quelque passion entraînante, qui tend toujours, souvent parvient, à entrer à son tour dans la ronde des désirs enchaînés, à s'y fixer en habitude .

D'autre part, chaque peuple, composé d'un certain nombre d'individus, est l'entrelacement, pour ainsi dire, de ces cercles individuels et aussi bien de ces paraboles individuelles, de ces habitudes et de ces fantaisies qui, considérées en masse, prennent le nom de coutumes et de modes . Or, si le vœu du bonheur était le désir unique et fondamental , on verrait chaque peuple, comme chaque individu, une fois son cercle d'habitudes ou de coutumes tracé, s'y enfermer, s'y clore à jamais .

Mais nous voyons au contraire que, par l'insertion de nouvelles fantaisies et de nouvelles modes, ce cercle tend sans cesse, en général, à s'élargir en se déformant, dans une fièvre de croissance continue, dans une inquiétude constante . Ce n'est donc pas le vœu du bonheur qui explique cet élargissement fiévreux . Dira-t-on que c'est le vouloir vivre de Schopenhauer ( philosophe allemand, 1788-1860,dans son œuvre principale : Le Monde comme volonté et comme représentation,1818 , il affirma que si l'univers est en apparence " le jeu sans but et par là incompréhensible d'une éternelle nécessité " , il est en réalité, comme chose-en-soi, " volonté absolument libre " dont tous les phénomènes naturels sont les degrés progressifs d'objectivation ) ? Mais qu'est-ce autre chose qu'un nom générique donné à l'enchaînement même des désirs successifs et divers?

Les nommer, ce n'est pas les expliquer .

D'où proviennent donc tous ces désirs nouveaux qui viennent s'insérer de temps en temps dans la ronde de nos désirs ?

Et d'où proviennent aussi bien les désirs anciens ?

On peut répondre, si l'on veut, que la source de tous nos désirs, même des plus raffinés, est de nature organique et vitale . Il n'est pas jusqu'au désir de voir jouer des tragédies ou de composer des opéras wagnériens qui ne soit le rejeton d'une souche physiologique, le besoin de se divertir, de dépenser ses forces, tout comme le besoin de manger des gâteaux procède du besoin de nutrition, tout comme le désir de monter à bicyclette ou en automobile procède du besoin de locomotion .

LES BESOINS SONT LE TRONC DONT LES DÉSIRS SONT LES RAMEAUX ,

et il n'appartiendrait donc, semble-t-il, qu'au naturaliste de résoudre notre problème .

La vérité est que tous les désirs possibles sont LATENTS (virtuels, inexprimés, en germes) qui ne se manifeste pas dans les profondeurs de notre organisme ; mais ils y sont cachés comme toutes les statues possibles sont enfermées dans un bloc de marbre (
clandestines tant que le sculpteur n' en a pas fait surgir une, délivrée , matérialisée par son imagination, avec ses outils matériels) .

En définitive, cela n'empêche pas le statuaire d'être le véritable auteur de la statue .

Le statuaire ici est multiple :

C'est l'ensemble des circonstances de la vie .

Ces circonstances peuvent être divisées en deux groupes :

En premier lieu, la série des rencontres - chacune accidentelle prise à part, toutes nécessaires dans leur ensemble - de l'individu avec les êtres extérieurs qui composent la flore et la faune, le sol et le climat de la région ;
En second lieu, la série des rencontres, - non moins accidentelles et non moins nécessaires en même temps - avec les autres hommes qui composent le milieu social .

Ces rencontres avec les êtres extérieurs provoquent autant de sensations spéciales, véritables découvertes de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût, du tact, qui éveillent certains modes d'actions spéciaux, cueillette, poursuite de tel ou de tel gibier, pêche, primitives inventions presque instinctives ; et ce sont ces découvertes et ces inventions élémentaires, plus ou moins spontanées, qui, en se propageant imitativement des premiers qui les ont faites aux individus de leur voisinage et de ceux-ci à d'autres, grâce aux rencontres des hommes entre eux, ont fait naître et enraciner dans tel pays le désir de manger des dattes ou des figues, ailleurs l'appétit de tel poisson ou de tel gibier, ou bien le goût de tel genre de poterie, de tel genre de tatouage et de décoration " ".

Mais malheureusement, également parfois, des addictions à des produits et à des habitudes nocives, telles que les diverses drogues .

" " Les rencontres des hommes entre eux n'ont pas seulement servi à cette propagation des découvertes ou inventions spontanément nées chez les individus les mieux doués en face de la nature .

Elles ont servi surtout à susciter des découvertes et des inventions d'un degré supérieur qui, en faisant apercevoir la nature à travers les sentiments caractéristiques de la vie sociale, amours et haines, adorations et exécrations, peines et colères, sympathies et antipathies, à travers les " verres réfringents des mots " ( au sens propre,qui produit la réfraction, une déviation d'un rayon lumineux ou d'une onde électromagnétique qui franchit la surface de séparation de deux milieux où la vitesse de propagation est différente ; dans notre cas, au sens figuré, image concernant le rôle des mots qui peuvent posséder des sens différents selon les circonstances, les milieux dans lesquels ils interviennent ) et des dogmes, des langues et des religions, des théories philosophiques, des notions scientifiques, donnent au désir une foule d'objets entièrement nouveaux, poursuivis par des voies d'activité tout à fait nouvelles " ".

Un peu plus tard, dans d'autres billets, après avoir défini les notions de maîtrise de soi, donc de la volonté, nous aborderons les bases des diverses dépendances . Mais particulièrement celles des multiples influences de l'entourage, de la sphère sociale dans laquelle nous sommes amenés, lors des diverses circonstances de la vie, à établir des fréquentations avec une totale insouciance, quant à la moralité des groupes de copinage...!

" " Prenez un désir quelconque, même des plus anciens, des plus enracinés, le désir de manger du pain en Europe, de boire du vin dans le midi de la France, de se vêtir de drap, etc. , vous n'en trouverez pas un qui n'ait commencé par une découverte ou une invention, dont l'auteur le plus souvent reste inconnu . Mais une invention non limitée est comme n'existant pas socialement, économiquement surtout .

C'est seulement quand elle se propage, et dans la mesure où elle se propage, qu'elle prend une importance économique, parce que le nouveau désir de consommation ( de produits nuisibles à la santé physique et psychique) - et aussi bien le nouveau désir de production - qu'elle a engendré, s'est répandu à un certain nombre d'exemplaires .

Une industrie, née d'une invention, ou plutôt, toujours, d'un groupe d'inventions successives, n'est viable qu'autant que le désir de consommation auquel elle correspond s'est suffisamment répandu d'individu à individu, par une action inter-psychologique curieuse à étudier ; et le développement de cette industrie est entièrement subordonné à la propagation de ce désir . Tant que ce désir, par suite de certains obstacles opposés par la difficulté des communications, les frontières d'états, la séparation des classes, les mœurs, les idées religieuses, restera renfermé dans une étroite région ou dans une certaine classe peu nombreuse de la nation, cette industrie ne pourra devenir une grande industrie . Elle ne le pourra non plus si le désir se propage, à la vérité, très vite d'individu à individu, de pays à pays, mais, en chaque individu, en chaque pays, est éphémère et ne s'y enracine pas " ".

(
Nous nous rendrons compte de l'importance de plus en plus prépondérante des "industries " concernant les stupéfiants !)

" " Ce qu'un industriel, ce qu'un producteur quelconque doit savoir, avant tout, c'est si le désir qu'il satisfait est de ceux qui s'étendent loin mais durent peu, ou de ceux qui, resserrés dans d'étroites limites géographiques, durent fort longtemps .

Il est - les éditeurs le savent bien - des livres d'archéologie locale que les archéologues de telle province peuvent seuls désirer lire, mais qui seront lus avec le même intérêt par dix ou vingt générations d'archéologues de cette province ; et on se garde bien d'imprimer et d'éditer ces livres dans les mêmes conditions que les romans en vogue aujourd'hui, dévorés dans le monde entier, et qui demain ne trouveront pas un acheteur . Il y a ainsi, pour toute industrie, pour toute production, à considérer deux sortes de débouchés ,

- un débouché dans l'espace, pour ainsi dire,et

- Un débouché dans le temps,

Le premier formé par la répétition- mode, le second par la répétition- coutume du désir spécial que cette industrie doit satisfaire . La proportion de ces deux débouchés varie extrêmement d'une industrie à une autre et, dans chacune d'elles, d'un âge à un autre âge, d'un pays à un autre pays . La difficulté, pour l'industriel avisé, est de se plier à ces conditions si complexes, et, pour l'économiste, de démêler quelques faits généraux parmi cette broussaille de faits particuliers .

Le problème se résume, en somme, à ceci : serrer le plus près possible la genèse des inventions, et les lois de leurs imitations .

Le progrès économique suppose deux choses :

-D 'une part, un nombre croissant de désirs différents ; car, sans différence dans les désirs, point d'échange possible, et, à chaque nouveau désir différent qui apparaît, la vie de l'échange s'attise .

-D'autre part, un nombre croissant d'exemplaires semblables de chaque désir considéré à part ; car, sans cette similitude, point d'industrie possible, et, plus cette similitude s'étend ou se prolonge, plus la production s'élargit ou s'affermit . - Or, nous venons de le dire, l'apparition successive des désirs différents qui sont venus s'ajouter ou se substituer les uns aux autres, - s'ajouter plus souvent que se substituer - a pour cause la succession des découvertes ou des inventions non pas seulement pastorales, agricoles, industrielles, mais religieuses même, scientifiques, esthétiques ; et la diffusion de chacun de ces désirs, son extension ou son enracinement, a pour cause l'imitation, la contagion mentale d'homme à homme . ( Ceux en particulier, concernant notre propos au sujet de la dépendance )

Il y a donc là, encore une fois, deux problèmes qui s'imposent au seuil de l'économie politique :

A - Y a-t-il un ordre, ou plusieurs ordres, de la succession des inventions et découvertes ; et quel est-il, ou quels sont-ils ?

B - Y a -t-il des faits généraux présentés par la propagation imitative des lois qui les régissent ; et quelles sont ces lois ?

Si l'on pouvait répondre à la première de ces deux questions aussi nettement qu'à la seconde, l'économie politique, dans certains cas, appuyée sur la statistique, pourrait se permettre d prédire, presque à coup sûr, quel sera l'état économique d'un pays, de la France, de l'Europe, dans vingt ans, dans un demi-siècle . Malheureusement, quand le statisticien, voyant la courbe graphique de tel ou tel article de commerce, de tel ou tel mode de fabrication ou de locomotion, qui fait des progrès graduels, se hasarde à dire que, dans cinquante ans, telle industrie aura envahi le monde entier ou telle partie de la planète, cette prédiction ne peut jamais être que subordonnée à cette condition expresse :

" en admettant que, d'ici là, aucune invention rivale et mieux accueillie ne vienne à surgir " .

L'invention future, c'est là l'écueil de tous les calculs, c'est l'imprévu où se heurtent toutes les prophéties .

J'ai répondu ailleurs, autant que j'ai pu, aux deux problèmes ci-dessus posés * ( voir, Logique sociale, le chapitre intitulé les " lois de l'invention " , et les Lois de l'Imitation, Paris, Félix Alcan ) ,mais surtout au second qui se prête à des solutions précises . Je me permets d'y renvoyer le lecteur . Ici, je n'ai à dire qu'un mot de la première question, tout simplement pour montrer sa place et la profonde erreur de ceux qui l'oublient .

Si dissemblables, si variées que soient les découvertes ou les inventions, elles ont toutes ce trait commun de consister, au fond, en une rencontre mentale de deux idées qui, regardées jusque-là comme étrangères et inutiles l'une à l'autre, viennent, en se croisant dans un esprit bien doué et bien disposé, à se montrer rattachées l'une à l'autre intimement, soit par un lien de principe à conséquence, soit par un lien de moyen à fin, ou d'effet à cause . Cette rencontre, cette jonction féconde, voilà l'événement, le plus souvent inaperçu à l'origine, l'événement caché dans la profondeur d'un cerveau, d'où dépend la révolution d'une industrie, la transformation économique de la planète .

Le jour où Arstedt a vu l'électricité et le magnétisme par un côté qui les liait l'une à l'autre, le jour où Ampère a repris et développé cette synthèse, le télégraphe électrique était né, destiné à enserrer
le globe de son réseau aérien et sous-marin .

Ces croisements heureux d'idées dans des cerveaux, peut-on dire qu'ils sont toujours le fruit du travail ? Et osera-t-on prétendre que l'inventeur est un travailleur comme un autre ?

L'inventeur peut être un travailleur, il l'est souvent, il ne l'est pas toujours ; mais ce n'est pas précisément en travaillant, c'est dans ses loisirs qu'il invente, quoique ce puisse être parce qu'il a travaillé ; et son invention n'est jamais un travail . Loin d'être un travail, c'est-à-dire un effort et une peine, elle est une joie intense et profonde, qui dédommage celui qui l'éprouve des fatigues de toute une vie .

Quand son invention porte des fruits et lui vaut la gloire ou la fortune - rarement la fortune- c'est la joie, non sa peine, que l'humanité lui paie ainsi .

Ne disons donc plus que le travail est la seule source de la valeur .

La source première, c'est l'invention qui n'est pas un travail; car le travail, c'est de l'imitation à jet continu, c'est une série périodique d'actes enchaînés, dont chacun a dû être enseigné par l'exemple d'autrui et fortifié par la répétition de soi-même, par l'habitude " ".

A suivre, lors notre prochain billet concernant ce thème : " La maîtrise de soi-même " , dans quelques jours .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .


vendredi 12 février 2010

La bourse:déroulement des mécanismes subtils liés aux événements, à la psychologie réaliste ou insensée* des intervenants,sur les marchés financiers .

Début du texte ci-dessus .

* parfois absurde, déraisonnable, aberrante, irréaliste .

(Pour lire le texte, vous pouvez agrandir les quatre images numérisées en réalisant sur chacune d'entre elles un clic gauche, puis chaque fois, revenir à la page précédente) .

John Train
: Les nouveaux Maîtres de l'argent, 1994, Éditions VALOR .

John Train est président de Train & Smith, la plus prestigieuse firme de consulting boursier de New York, qui prodigue ses conseils aux familles les plus riches des États-Unis .
Il écrit des centaines de colonnes pour des journaux aussi prestigieux que le Wall Street Journal, le New York Times, Forbes et bien d'autres .

Ci-dessous, Suite 1 du texte
Ci-dessous, Suite 2 du texte
Ci-dessous, Suite 3 du texte
Fin du texte de John Train .

Nous vous présentons ici, aujourd'hui, IN EXTENSO ( intégralement, dans toute son étendue) son texte, sans réaliser de commentaires .

Dans un prochain billet, dans une réflexion approfondie, nous apporterons de nombreuses précisions ainsi que des schémas interprétatifs commentés finement , concernant l'ensemble des commentaires précieux de l'auteur .

A ce moment là, vous pourrez apprécier pleinement toute la substance et la subtilité contenues dans les 12 points [ refrains] réalistes du texte de John Train et comprendre l' importance de la psychologie des investisseurs en relations avec tous les événements programmés ou/et aléatoires des marchés financiers .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .



mercredi 10 février 2010

Paul Valéry : " Je n'hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l'ennemi mortel de la culture " .*


* Oui,c'est une vérité évidente, incontestable, mais, dans notre environnement actuel,[ indépendamment des arguments impérissables (qui se dit que des choses qui ne cesseront pas d'exister, en fait ou dans la mémoire des hommes) , indéfectibles (qui ne peuvent cesser d'être) , présentés ci-après par Alain ] , il ( ce diplôme) est cependant nécessaire, indispensable, incontournable, [même pour un technicien de surface] car en l' absence de cette " épreuve " (de cet examen permettant d'obtenir ce diplôme) de ce " challenge " , de cette compétition, de ce " défi " , vous serez rarement pris en considération, sélectionné, apprécié ; de plus si vous êtes, malgré l'absence de ce " morceau de papier " ! , retenu occasionnellement, par les hasards de la vie, vos revenus seront sans consistance, insignifiants, sans stabilité , en deux mots : vous serez, à n'en pas douter, inévitablement " exploité ".


Paul Valéry, 1871-1945, écrivain français, grand liseur, amateur de poésie, il poursuivit à Paris des études sans éclat, par " horreur des choses prescrites " . Élu à l'Académie française en 1925 , nommé professeur de poétique au Collège de France en 1937 . Étudiant, il fut attiré par la poésie symboliste ; curieux d'art et de science, de psychologie et de droit, requis par l'amour, l'amitié et le besoin de créer, fasciné enfin par l'exactitude des techniques, à l'écrivain universellement célèbre, absorbé par les travaux de commande et les servitudes de la notoriété, l'unité profonde échappe à toute définition simple . Plus que ses textes publiés, les Cahiers, longtemps tenus secrets et qui traversent une période de silence apparent, témoignent de ses thèmes privilégies : la psychologie [ l'attention, le rêve] , le langage et la création poétique, le temps, le destin des civilisations et l'histoire, l'art, le calcul et l'action réglée sur les choses, la technique . Essayiste, Valéry énonça et analysa avec une lucidité, une intelligence et une force d'expression quasi constantes les conditions de toute activité mentale . Peu sensible à l'influence des principales philosophies modernes, influencé par la pensée bergsonienne .
Valéry occupe cependant, surtout par les Cahiers, une place éminente dans la philosophie du langage et dans la théorie littéraire, comme en épistémologie . Le caractère isolé de ses recherches, à l'écart des sciences constituées pour lesquelles il professait une saine méfiance , ne doit pas en masquer l'importance .


Ce jugement de Paul Valéry figure dans " Bilan de l'intelligence " . Il s'agit d'une conférence prononcée à l'Université des Annales le 16 janvier 1935 . Le texte a ensuite été repris dans Variété III .

Après avoir montré que l'avenir de l'intelligence dépend de l'éducation et écarté, dans ce domaine, tout ce qui ressemble à un endoctrinement, Valéry s'arrête sur la nature de l'enseignement dans son pays .

Il constate que la hantise du diplôme contribue à dévoyer le projet éducatif :

" Il est cependant un point où tout le monde s'entend, s'accorde déplorablement . Disons-le : l'enseignement a pour objectif réel le diplôme .

Je n'hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l'ennemi mortel de la culture .

Plus les diplômes ont pris d'importance dans la vie [ et cette importance n'a fait que croître à cause de circonstances économiques], plus le contrôle s'est exercé, s'est multiplié, plus les résultats ont été mauvais "
.


Mauvais par ses effets sur l'esprit public et sur l'esprit tout court . Mauvais parce qu'il crée des espoirs, des illusions de droits acquis . Mauvais par tous les stratagèmes et les subterfuges ( moyens habiles et détournés pour se tirer d'embarras, stratagèmes) qu'il suggère ; les recommandations, les préparations stratégiques, et, en somme, l'emploi de tous les expédients ( mesures qui permettent de se tirer d'embarras momentanément) pour franchir le seuil redoutable . C'est là, il faut l'avouer, une étrange et détestable initiation à la vie intellectuelle et civique .

D'ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute matière, aboutit à vicier l'action, à la pervertir ... Je vous l'ai déjà dit : dès qu'une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n'est plus l'action même, mais il conçoit d'abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle . Le contrôle des études n'est qu'un cas particulier et une démonstration éclatante de cette observation très générale .

Le diplôme fondamental, chez nous, c'est le baccalauréat . Il a conduit à orienter les études sur un programme strictement défini et en considération d'épreuves qui, avant tout, représentent, pour les examinateurs, les professeurs et les patients, une perte totale, radicale et non compensée, de temps et de travail . Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini , vous voyez aussitôt s'organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens . Le but de l'enseignement n'étant plus la formation de l'esprit, mais l'acquisition du diplôme, c'est le minimum exigible qui devient l'objet des études . Il ne s'agit plus d'apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie . Il s'agit d'emprunter, et non plus d'acquérir, d'emprunter ce qu'il faut pour passer le baccalauréat .

Ce n'est pas tout . Le diplôme donne à la société un fantôme de garantie, et aux diplômés des fantômes de droits .

Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d'une science momentanée et purement expédiente ( qui convient pour la circonstance) . D'autre part, ce diplômé au nom de la loi est porté à croire qu'on lui doit quelque chose. Jamais convention plus néfaste à tout le monde, à l'État et aux individus, [ et, en particulier, à la culture ] , n'a été instituée . C'est en considération du diplôme, par exemple, que l'on a vu se substituer à la lecture des auteurs l'usage des résumés, des manuels, des comprimés de science extravagants, les recueils de questions et de réponses toutes faites, extraits et autres abominations . Il en résulte que plus rien dans cette culture adultérée ne peut aider ni convenir à la vie de l'esprit qui se développe " . ..


Parlant en particulier du baccalauréat, Valéry constate que le but n'est plus la formation de l'esprit, l'acquisition d'une culture authentique, mais l'obtention du diplôme par tous les moyens .

Un diplôme qui va ensuite être pour toute une vie un garant de savoir .

C'est donc en 1935 que Paul Valéry tirait la sonnette d'alarme quant à l'excessive importance accordée aux diplômes . Les choses ont peu changé depuis, au point qu'on peut se demander s'il y avait lieu de s'inquiéter autant .

Tout en reconnaissant le bien fondé des arguments de Paul Valéry, on est tenté de lui opposer le point de vue de son contemporain Alain .

Pour Alain, tout ce qui concerne le savoir est d'abord une affaire de volonté .

Même pour la mémoire, il s'agit d'abord de vouloir .

Alain, comme Paul Valéry, est pour une formation large, s'appuyant notamment sur la lecture des grands auteurs . Mais il considère que l'examen a du bon parce qu'il met la volonté à l'épreuve . Il écrit par exemple dans son " Propos " du 20 juillet 1926 :

" Les examens sont des exercices de volonté . En cela, ils sont beaux et bons . Ceux qui s'excusent de ce qu'ils sont timides, troublés, vidés par l'angoisse s'excusent très mal ; ces fautes de trop espérer, de trop craindre, enfin de ne point se gouverner virilement, sont les plus grandes fautes et peut-être les seules fautes .
[...]

C'est pourquoi l'épreuve de l'examen est utile et juste ; et en dépit de faciles déclamations, celui qui ne l'a point surmontée n'en surmontera aucune autre " .

Par son caractère impersonnel, l'épreuve de l'examen tranche avec la vie ordinaire . Un père , une mère, un professeur peuvent se laisser émouvoir :

~Mais le problème est sourd et muet ~

Régulièrement, quelques démagogues ( démagogie :politique par laquelle on flatte les passions populaires pour mieux les exploiter) proposent la suppression du baccalauréat en s'appuyant sur des arguments proches de ceux avancés par Paul Valéry[ à quoi il faudrait ajouter la part du non-dit] . Toute personne qui connaît l'enseignement secondaire de l'intérieur sait que cette panacée aurait des effets pervers autrement graves que les maux auxquels elle voudrait remédier .

Et rien ne prouve que les jeunes seraient ravis de voir disparaître cette " épreuve " initiatique (qui introduit à la connaissance de choses difficiles , des premiers éléments d'une science, d'un art) qui leur permet d'entrer dans le clan des adultes .

Nous reprendrons nos réflexions sur ce thème en considérant cette nouvelle affirmation :

La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

jeudi 4 février 2010

Rire, son* de l'esprit !; quelques Réflexions cruciales sur le risible** .

.

* son : sensation auditive , émission sonore ; ici, image qui évoque une réalité, expression de l'abstrait par le concret .
** risible : qui provoque le rire .

Si le rire pouvait être acheté dans les pharmacies comme les autres remèdes, tous les médecins feraient des ordonnances pour plusieurs rires par jour ... !

" Pour comprendre le rire, il faut le replacer dans son milieu, qui est la société, il faut surtout en déterminer la fonction utile, qui est une fonction sociale "
Henri Bergson, Le rire



Comment envisageons-nous les manifestations de notre gaîté par le rire ?

Les comportements de ceux qui rient, d'autres qui font rire ? Aimons-nous faire rire autrui ?

Voici une série de questions pertinentes qu'il va falloir envisager dans nos réflexions sur nos us et coutumes .

De manière générale, nous pouvons affirmer que nous nous abandonnons au rire sans être arrêtés par des inhibitions ( inhiber: empêcher d'agir, de manifester ses sentiments, ses opinions, de mettre fin à ses actions) qui entravent certaines manifestations de nos sentiments, tel que la colère, l'amour ou la haine et surtout la douleur .

Dans un lieu public, dans une salle de spectacle, même de classe, de réunion, nous laissons libre cours à nos rires, tandis que, devant une scène émouvante ou tragique, nous retenons, le plus souvent, nos larmes .

A la sortie, les rieurs cherchent les regards des autres spectateurs et se réjouissent d'y lire le contentement joyeux qu'ils ressentent eux-mêmes . Ils échangent volontiers à ce sujet des propos de satisfaction avec de parfaits étrangers au hasard des rencontres .

Au baisser du rideau sur une scène qui leur a arraché malgré eux des larmes, ils fuient les yeux de leurs voisins, tant pour leur dérober leur propre émotion que par pudeur de découvrir celle qui étreint ceux-ci .

Il faut que les circonstances rendent le rire manifestement inconvenant (déplacé, indécent) pour que nous le retenions - non sans peine, d'ailleurs .

La Bruyère l'a noté dans un passage célèbre des " Caractères " .

" D'où vient que l'on rit si librement au théâtre et que l'on a honte d'y pleurer ? Est-il moins dans la nature de s'attendrir sur le pitoyable que d'éclater sur le ridicule ? Est-ce l'altération des traits qui nous retient ? Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur ; et l'on détourne son visage pour rire, comme pour pleurer, en la présence des grands et de ceux que l'on respecte ( quand notre rire est moqueur, mais non quand il a été provoqué par un bon mot de notre part) . Est-ce une peine que l'on sent à laisser voir que l'on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux et dont il semble que l'on soit la dupe ? ... "

Nous recherchons les occasions de rire, non seulement dans les lieux réservés aux amusements, dans les fêtes et les réunions, dont le rire est le but, mais encore chaque fois que nous sommes en groupe et non absorbés par des occupations graves .Nous aimons à nous détendre, à entremêler de plaisanteries nos propos plus sérieux .

La Bruyère a envisagé la question plutôt sous son aspect littéraire et théâtral . Cependant du point de vue psychologique général, il nous paraît avoir dégagé la raison essentielle, à savoir que les larmes dénotent quelque défaillance . Nous luttons contre notre émotivité . Nous avons la pudeur de nos émotions profondes que nous cherchons à dissimuler de notre mieux .

Tandis que le rire est plus généralement une marque de supériorité, de confiance en soi - au pis aller, un moyen de se rassurer . Ceci particulièrement du rire moqueur .

Quant au rire d'origine comique, nous croyons avoir démontré qu'il est provoqué par la perception de rapports intellectuels . Nous n'avons donc pas plus de répugnance à le laisser éclater que nous n'en éprouvons à exprimer nos jugements, à exposer tout ce qui touche à notre vie intellectuelle .

Le rire joue un grand rôle dans la vie .

Selon l'usage qu'on en fait, les mobiles et les sentiments qui l'inspirent, il peut avoir une action malfaisante, simplement plaisante ou hautement morale .

De tous les moyens indirects de blesser, se défendre contre un adversaire, charmer ou convaincre, le rire est un des plus efficaces .

Tel qui se détournera dédaigneusement quand on le montre du doigt, qui laissera passer un haussement d'épaules et attribuera ces gestes à la mauvaise éducation, qui essuiera sans sourciller une critique acerbe, rougira, par contre, ou s'indignera sous les rires et les quolibets .

S'il nous arrive de rire sans arrière-pensée, il nous arrive également de réprouver le rire chez les autres ; en particulier, lorsque nous ne partageons pas les sentiments qui ont déclenché leur gaîté .

Enfin, il ne faut pas avoir une grande expérience psychologique pour se rendre compte que ceux qui se gaussent (se moquent, rient ) des autres devant nous ne nous épargneront pas davantage quand nous serons absents .

Ajoutons une autre remarque, qui a été faite par La Bruyère : c'est que " l'esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu'à en faire trouver aux autres ; celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit, l'est de vous parfaitement . Les hommes n'aiment point à vous admirer, ils veulent plaire ; ils cherchent moins à être instruits et même réjouis qu'à être goûtés et applaudis, et le plaisir le plus délicat est de faire celui des autres " .

Autre question qui nous vient naturellement à l'esprit :

Aimons-nous faire rire ? et si oui, dans quelles circonstances ?

Cette question ne se pose pas au sujet des gens ridicules qui font rire à leurs propres dépens : c'est là une vérité première .

Mais dérider ses auditeurs par des saillies, ses bons mots ou ses tours plaisants, est un des arts les plus recherchés où ceux qui excellent trouvent une vive satisfaction d'amour-propre, le succès et parfois les honneurs . On préférera toujours Candide [ou de l'Optimisme, Voltaire, 1759, éditions de la Sirène Paris ] à Rasselas [ Prince d'Abyssinie, S. Johonson, 1819, éditions Louis Paris] , le conférencier spirituel au moraliste ennuyeux .

Si l'on pouvait acheter l'esprit, les queues seraient longues devant la boutique où il se vendrait .

Est-ce à dire que nous aimions faire rire en toute circonstance, ou, du moins, en dehors des moments que nous avions choisis, et autrement que par certains moyens ?

Il nous reste à regretter, encore une fois, que l'on n'ait pas marqué la distinction entre la raillerie (action de tourner en ridicule) ou l'esprit mordant et le comique gracieux ou l'humour bienveillant . Sans aller, comme Diderot, jusqu'à dire que " tout ce qui amuse et fait rire est fort bon " , il nous semble que nous devrions retirer notre estime à ceux qui usent des moyens de faire rire avec discernement que nous devons apporter en toute action, et qui savent à propos dérider leur interlocuteur et dissiper l'ennui qui tombe parfois sur les meilleures réunions .

En fait, nous cultivons leur société . Est-il commerce plus agréable que celui de ces gens du monde affables et cultivés, pleins d'indulgence et d'expérience, qui savent rehausser la banalité de la conversation de quelques plaisanteries fine, de rapprochements classiques sans pédantisme, aussi plaisants qu'ils sont appropriés, qui, d'un mot spirituel, réconcilient dans le rire les adversaires qui s'affrontaient déjà ?

Quelle reconnaissance ne devons-nous pas aux délicieux fantaisistes qui nous charment par leur badinage, aux humoristes dont les pièces et les nouvelles nous font passer des heures insouciantes - et pas toujours sans profit intellectuel ou moral !

La faculté de jouer est une marque de perfectibilité . C'est parce que l' homme n'est jamais adulte qu'il continue à s'amuser à tout âge . L'art, au sens large, est un jeu . C'est quand l'artisan est en pleine possession de son métier, maître de ses outils et de la matière, qu'il peut se permettre d'ajouter à son œuvre la touche artistique . Le style ne vient que lorsqu'on exprime ses pensées avec aisance .

Ne rit que celui qui n'est pas surpassé par sa tâche . L'humoriste est l'homme qui domine la vie et la vit en artiste .

J'espère et souhaite que tout ceci vous entraînera dans cette liberté personnelle de vous gausser sainement, de vous amuser judicieusement des situations de bon aloi, qui méritent de nous y attacher car estimables, sensées, salutaires et dignes d'intérêt . En deux mots : le plaisir de vivre !

Cordialement, bien à vous, Gerboise .