jeudi 30 avril 2009

Une vieille servante, " bonne à tout faire !" : un portrait de Gustave Flaubert dans son roman, Madame Bovary, . Commentaires,suite du 26 Avril 1857 .

Nous reproduisons ici , ci-dessous, le texte avant de présenter les commentaires .

" Catherine- Nicaise- Élisabeth Leroux, de Sassetot-la-Guerrière, pour cinquante-quatre ans de service dans la même ferme, une médaille d'argent du prix de vingt-cinq francs .

- Où est-elle Catherine Leroux ? répéta le conseiller .

Elle ne se présentait pas, et l'on entendait des voix qui chuchotaient :
- Vas-y.
- Non .
- A gauche .
-N'aie pas peur .
- Ah ! qu'elle est bête .
- Enfin y est-elle ? s'écria Tuvache .
- Oui ! la voilà !
- Qu'elle approche donc .

Alors on vit s'avancer sur l'estrade une petite vieille femme de maintien craintif, et qui paraissait se ratatiner dans ses pauvres vêtements . Elle avait aux pieds de grosses galoches de bois, et, le long des hanches, un grand tablier bleu . Son visage maigre, entouré d'un béguin ( sorte de coiffe qui s'attache sous le menton) sans bordure, était plus plissé de rides qu'une pomme de reinette flétrie, et des manches de sa camisole rouge dépassaient deux longues mains à articulations noueuses .
La poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies, qu'elles semblaient sales, quoiqu'elles fussent rincées à l'eau claire et, à force d'avoir servi, elles restaient entr'ouvertes, comme pour présenter d'elles-mêmes l'humble témoignage de tant de souffrances subies . Quelque chose d'une rigidité monacale relevait l'expression de sa figure . Rien de triste ou d'attendri n'amollissait ce regard pâle . Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur plasticité . C'était la première fois qu'elle se voyait au milieu d'une compagnie si nombreuse ; et, intérieurement effarouchée par les drapeaux, par les tambours, par les messieurs en habit noir et par la croix d'honneur du conseiller, elle demeurait tout immobile, ne sachant s'il fallait avancer ou s'enfuir, ni pourquoi les examinateurs lui souriaient .

Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude . "

Madame de Bovary, VIII , de Gustave Flaubert, 1857 .

Que pensez-vous de ce beau texte et surtout de son sens moral ?

Nous espérons que ce récit de Gustave Flaubert vous a inspiré de nombreux commentaires qui auront pour but de mieux le faire comprendre . Ces derniers consistent en une série d'explications sur l'ensemble du contenu et sur la forme .

1 - ÉCLAIRCISSEMENTS ET PRÉCISIONS .

1er - Nature du morceau :

un portrait, c'est-à-dire la description physique et l'analyse morale d'un personnage vivant .
Tous les historiens et tous les auteurs de Mémoires ont fait des portraits, d'après des documents, ou d'après nature : Saint Simon (Louis de Rouvroy, duc de, 1675-1755 ; mémorialiste français qui fut un des plus grand prosateur dans notre langue) , en particulier, y excelle, et il n'y est pas moins remarquable par le pittoresque que par la profondeur . Mais les romanciers, eux aussi, se plaisent à tracer des portraits ; en effet, ils donnent ainsi la vie à leurs créations . Les uns, qui s'attachent davantage à la psychologie et qui négligent le décor et le costume, font surtout des analyses de caractères : on connaît l'âme et le cœur de l'homme ainsi décrit, mais on ne voit pas ses yeux ;
- d'autres, réalistes ou naturalistes, dédaignent l'analyse des pensées : ils dessinent minutieusement les traits, peignent le costume, saisissent les gestes : l'oeil est satisfait, mais point l'esprit ; _ d'autres enfin savent, comme Saint Simon, coordonner les deux procédés, et, n'oubliant pas que l'homme est composé d'un corps et d'une âme, ils essaient de nous donner à la fois la silhouette et le cerveau, le costume et la pensée, le geste et les passions . C'est la méthode de Balzac, et c'est celle que suit, ici, Gustave Flaubert, dans ce portrait qui nous occupe .

2eme - Ce morceau est tiré d'un roman célèbre, Madame Bovary,

publié en 1857 ; il forme un épisode qui se suffit à lui-même, et qui n'a aucun lien nécessaire avec l'ensemble du roman . Il s'agit d'une distribution de récompenses, au comice ( réunion des cultivateurs d'une région pour le développement de l'agriculture) agricole d'Yonville, en Normandie . Le conseiller de préfecture qui préside la cérémonie remet des médailles aux vieux serviteurs ; il lit un palmarès (liste des lauréats, de ceux qui ont mérité les honneurs) , il appelle le nom d'une servante .


2 - LE PLAN ET LA STRUCTURE DU TEXTE .

1er - Nous rentrons tout de suite dans le sujet ;

lecture de l'article du palmarès relatif à Catherine Leroux, et répétition du nom par le conseiller .

2eme - des voix chuchotent,

et l'on entend les encouragements et les réflexions ironiques de la foule, l'appel brusque et familier du maire Tuvache ... C'est bien ainsi que la scène a dû se passer .

3eme - Apparition sur l'estrade, de Catherine Leroux ;

son portrait, qui se subdivise ainsi :

a) son costume ;
b) ses mains ;
c) sa physionomie ;
d) ses hésitations devant les autorités ;
e) moralité du portrait, en deux lignes .

Remarquez la méthode à la fois simple et savante du romancier : c'est bien le costume, depuis les galoches de bois jusqu'au béguin sans bordure et à la camisole (vêtement court, à manches, porté sur la chemise) rouge, qui doit frapper tout d'abord les yeux ; et avec le béguin, on regarde aussi le visage, dont l'aspect physique est noté . Puis l'attention se fixe sur ce qu'il y a de plus caractéristique dans cette pauvre femme : deux longues mains à articulations noueuses ; et l'analyse s'y arrête ... Mais pour chercher l'explication de son immobilité, on observe ses yeux : leur expression acquise, et leur émotion actuelle .
Enfin, une impression d'ensemble, une douloureuse et poignante antithèse où, en deux larges traits, apparaissent le symbolisme et la moralité de tout ce portrait .

3 - LA TOURNURE, LA FACTURE, LE STYLE, L'ALLURE .

1er - Gustave Flaubert s'efforce d'abord de reproduire,

avec sobriété, le mouvement et les paroles de l'assistance quand le conseiller appelle Catherine Leroux . Là, point de développement : des mots brusques, vifs, vulgaires, tels qu'on peut les entendre partir d'une foule rurale : ... Vas-y ... N'aie pas peur ! Ici, l'art consiste à ne chercher aucune fausse élégance, et à donner l'impression de la réalité .

2eme - Dans le portrait,

il faudrait distinguer ce qui est description physique [vêtement ou corps] de ce qui nous fait pénétrer dans la psychologie du personnage . Mais nous allons nous apercevoir, en tentant de séparer ces deux éléments, qu'ils sont dépendants l'un de l'autre, et que Flaubert a choisi chaque trait physique de manière à nous suggérer, point par point, la connaissance de cette âme résignée .

- a] son maintien est craintif ;

elle paraît se ratatiner dans ses pauvres vêtements . Quelle énergie, et quelle pitié dans l'expression : se ratatiner ! Saint Simon a dit de Mme la marquise de Castries : " C'était une petite vieille ratatinée, tout esprit et sans corps ... " Mais chez lui le mot est ironique, et comique . Chez Flaubert, au contraire, il est préparé par maintien craintif, et expliqué par pauvres vêtements ; aussi produit-il une impression de douloureuse sympathie ; sa trivialité même s'accorde avec l'aspect de la pauvre paysanne .

- b] Catherine n'a pas de toilette pour les cérémonies :

ses grosses galoches de bois (en bois !) , son grand tablier bleu, son béguin sans bordure, sa camisole rouge sont bien le commentaire de l'expression précédente : ses pauvres vêtements .
- Voilà pour le costume ; un peintre n'aurait qu'à suivre à la lettre ces brèves indications : il y trouverait jusqu'aux dimensions et aux couleurs .

- c] Maintenant le visage et ses mains .

Le visage est maigre, plus plissé de rides qu'une pomme de reinette flétrie . Ce n'est pas au hasard, sans doute, que Flaubert compare ce visage à une pomme de reinette ; le mot pomme, sans aucune détermination, pouvait évoquer un visage coloré, brillant ; mais la reinette est grise, ou jaunâtre et tachetée ; et, de plus, la peau de la reinette conservée se ride d'une infinité de petits plis . On voit quelle scrupuleuse exactitude Flaubert apporte dans les moindres détails .

- d] Les mains sont annoncées par le mot dépassaient ...

qui, lui non plus, n'est pas écrit au hasard . En effet, il prépare l'épithète (qualificatif) longues ... car il donne la sensation de quelque chose qui excède les dimensions normales ; sortaient n'aurait pas eu un sens aussi précis ni aussi pittoresque .
- Deux longues mains à articulations noueuses ... Il semble que Flaubert ait voulu surcharger et durcir [ au moyen d'un hiatus (lacune, rupture) ] cette expression descriptive .
- Pour expliquer l'aspect sale de ces mains pourtant rincées d'eau claire, il rappelle quelques-uns des pénibles et rebutants travaux de la ferme ; et il use de termes à la fois simples et techniques : la poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines ...
- Il note trois effets de ces travaux sur les mains : celles-ci sont encroûtées, éraillées, durcies .
- Voyez comme ces mains sont devenues pour nous la partie la plus caractéristique du portrait ; c'est en les contemplant que nous devinons les occupations quotidiennes de Catherine ; et ces mains nous attirent à tel point que nous les regardons de près : elles sont encroûtées ; de plus près : elles sont éraillées ; enfin nous les touchons : elles sont durcies ;
- A force d'avoir servi, ces mains restaient ouvertes ... Tous ceux qui ont observé la manière dont les vieux paysans tiennent leurs mains, jugeront du réalisme de ce trait : la main habituée à tenir l'outil n'est, au repos, ni fermée ni ouverte, mais entr'ouverte, et les doigts écartés . Il y a là un effet purement physique, et comme une déformation professionnelle . Mais Flaubert, en moraliste et en poète, y voit un admirable symbolisme : ces mains restaient entr'ouvertes, comme pour présenter d'elles-mêmes l'humble témoignage de tant de souffrances subies . Remarquer ici le choix des épithètes : humble, subies . Par là, Flaubert écarte toute idée de révolte, de protestation : ce sont les choses qui parlent d'elles-mêmes .

3eme - Cette dernière phrase sert de transition pour passer du costume au geste, à l'expression .

- Flaubert note d'abord sur ce visage quelque chose d'une rigidité monacale (Monacal, du latin monachus, moine) . Cela signifie que Catherine Leroux paraît avoir été tenue à l'observance d'une règle sévère comme celle d'un couvent ; elle a pris l'habitude d'obéir, sans protester même par sa physionomie : de là cette rigidité, cette immobilité, cette froideur, cette impassibilité, qu'une longue discipline donne aux visages des moines et des soldats de métier . Ici, les élèves doivent saisir la différence entre rigidité et raideur, qui sont des doublets : raideur serait impropre, ou, du moins, donnerait une nuance très différente ; au sens moral, la raideur implique quelque chose de hautain, de provoquant, et la figure de Catherine est au contraire résignée .
- Mais signalons aussi le verbe relevait, qui a pour sujet la rigidité monacale : c'est que l'idée de sacrifice et d'humilité évoquée par monacale éclaire et ennoblit ce pauvre visage .
- L'analyse devient de plus en plus précise et caractéristique dans les phrases suivantes . Flaubert tient à ce que nous saisissions très exactement ce qui fait l'originalité de cette servante; il corrige, par de nouvelles touches ce que les précédentes pourraient avoir d'un peu vague .
- Rien de triste ou d'attendri n'amollissait ce regard pâle : Si Catherine était triste, c'est qu'elle aurait conscience de sa servitude ; si elle était attendrie, c'est qu'elle chercherait à exciter la pitié . Mais non, elle est passive; et pour expliquer ce fait, Flaubert nous rappelle, en réaliste et en positiviste, qu'elle a été ainsi formée et déformée par l'influence quotidienne du milieu où elle a vécu : dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur plasticité .
- Maintenant le portrait est complet .

4eme - Il ne reste plus à Flaubert qu'à noter l'impression que cause à Catherine la cérémonie brillante et bruyante dans laquelle elle joue son rôle .

Ici, voyez comme tout est bien enchaîné : habituée à la fréquentation des animaux muets et placides, elle se trouve tout à coup dans une compagnie nombreuse ; elle est effarouchée [ quelle propriété dans ce terme, appliqué à cette pauvre femme qui est devenue une sorte d'animal ! ] par les drapeaux, les tambours, les messieurs en habits noir , la croix d'honneur du conseiller ... Ces rapides indications sont à dessein accumulées, jetées comme en désordre : Catherine doit être prise d'une sorte de vertige ; toutes ses couleurs, tous ces bruits, agissent sur elle à la fois ; elle ne comprend rien, pas même le sourire bienveillant des examinateurs [c'est-à-dire des membres du jury qui ont examiné les titres des lauréats ] . Aussi ne s'étonne-t-on pas qu'elle reste immobile, ne sachant s'il fallait s'annoncer ou s'enfuir [ là, encore, c'est une exacte comparaison avec ce que ressentirait un animal ] .

IV - LA SIGNIFICATION ÉTHIQUE , MORALE DE CE PORTRAIT , DE CETTE REPRÉSENTATION .

Nous avons déjà vu, constaté, par l'analyse du style, que Gustave Flaubert est, si l'on peut dire, un réaliste psychologue . Ce qu'il y a de précis, de pittoresque, dans sa description, tend à nous faire connaître par degrés non pas un costume ou une attitude, mais une âme . Le concret n'était chez lui qu'un moyen d'arriver jusqu'aux sentiments les plus intimes . Mais surtout [ et c'est en cela qu'il faut bien saisir l'art savant et caché de ce réaliste . Gustave Flaubert nous a donné cette impression que Catherine Leroux était une créature simple, presque inconsciente, qui ne semblait pas se douter des sympathies douloureuses qu'elle provoque en nous . Il y a là une vérité poignante et digne d'être méditée : certains êtres humains ont été voués par la société aux besognes dures et déprimantes . Ils ont peut-être longtemps espéré, ou protesté au fond d'eux mêmes . Puis l'habitude a engendré la résignation ; ils ont perdu le sentiment de leur misère ; et, un beau jour, on les retrouve apaisés et muets, tout surpris que cette même société ait songé à eux, et veuille les récompenser de s'être ainsi sacrifiés pour elle .
La dernière phrase de Gustave Flaubert est sublime dans sa simplicité :

Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude .

Ces bourgeois sont épanouis : ce sont les heureux du monde, les personnages officiels, les gros propriétaires ; ils ont de l'embonpoint, le visage coloré, les yeux brillants [pensez au visage maigre, au regard pâle, aux mains noueuses de Catherine ... ] , et peut-être sortent-ils, à cette heure, d'un banquet de comice agricole .
- Et Flaubert emploie, pour désigner une dernière fois Catherine, une définition, à la manière classique, afin de généraliser la leçon et l'impression . Il ne dit pas : cette vieille servante ; il ne dit pas même : ces cinquante ans de servitude, mais ce demi-siècle, et combien cette formule est plus large ! et il termine par le mot servitude (état de dépendance totale d'une personne ou d'une nation soumise à une autre) . L'antithèse ( figure de rhétorique consistant à rapprocher deux idées ou deux expressions de sens contraire, afin de donner plus de relief à la pensée) entre épanouis et servitude a quelque chose de saisissant ; elle frappe à la fois les yeux, l'esprit et le cœur .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .


mercredi 29 avril 2009

Le langage : manifestation, concrétisation de la pensée, mais surtout de tout ce qui affecte la conscience, la réceptivité et la sensibilité .



Prétendre d'une rose qu'elle est rouge, c'est décrire, représenter pour autrui cette fleur . Dire qu'elle est belle, plus, qu'elle est splendide, c'est exprimer, à propos d'elle, un sentiment, une sensation, mieux, une perception personnelle, intime, subjective !

Le premier mot " rouge " parle, présente l'objet, la chose ; le second " elle est belle ", parle de nous-mêmes, de nos sentiments . La rose rouge, belle pour nous, attirante , pourrait ne pas l'être à d'autres yeux .

Il est un monde extérieur que l'art de décrire, de dépeindre, nous l'avons constaté, recrée devant nous, lorsque le vocabulaire des sensations est riche et varié, lorsqu'un choix d'artiste ordonne les perspectives . Il est un monde intérieur, inséparable de l'autre, car tout ce que nos sens saisissent devient en nous joie, douleur, désir, curiosité, réflexion .
... Mais ce sont d'autres mots qui le recréent .

Un écrivain[toute personne qui écrit] , selon son génie, s'exprime plus volontiers par des visions, ou des analyses, ou passe tout naturellement de la description à la pensée .
Voici qu'un vieil homme regarde la fleur :

Une abeille, dont le corsage brun brillait au soleil comme une armure de vieil or, vint se poser sur une fleur de mauve d'une sombre richesse et bien ouverte sur sa tige touffue .

Puis, à propos d'elle, il médite :

Je reconnus qu'il y avait entre l'insecte et la fleur toutes sortes de sympathies et mille rapports ingénieux que je n'avais pas soupçonnés jusque-là ...
- Adieu ! dis-je à la fleur et à l'insecte . Adieu ! Puissé-je vivre encore le temps de deviner le secret de vos harmonies !

Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard .

Voici la solitude effrayante d'un tout puissant ; pour Victor Hugo, c'est une silhouette de Philippe II d'Espagne :

C'est un être effrayant qui semble ne rien voir .
Il rôde d'une chambre à l'autre, pâle et noir .
Il colle aux vitraux blancs son front lugubre et songe .
Spectre et blême ! Son ombre aux feux du soir s'allonge .
Son pas funèbre est lent comme un glas de beffroi .
Et c'est la mort, à moins que ce ne soit le roi .

Pour Corneille, c'est une confession de l'empereur Auguste :

J'ai souhaité l'empire et j'y suis parvenu .
Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu .
Dans sa possession, j'ai trouvé pour tous charmes
D'effroyables soucis, d'éternelles alarmes,
Mille ennemis secrets, la mort à tous propos,
Point de plaisir sans trouble et jamais de repos .

Léonard de Vinci, qui rêvait en visionnaire au " grand oiseau blanc " de l'aviation future, pouvait, à d'autres moments, exposer le mécanisme d'une aile . La grâce de la danseuse pose à l'esprit d'Henri Bergson des énigmes tout intellectuelles, et le mathématicien trouve aux flancs du vase une courbe dont il résume le secret dans les nombres .
Ainsi le monde est pour nous spectacle, émotion, pensée, et, comme le monde, la langue qui s'efforce d'en donner une traduction ( traduire : exprimer, de façon plus ou moins directe, en utilisant les moyens du langage ou d'un art) totale .

Nous nous pencherons par la suite sur les instruments, les moyens d' expression nécessaires à l'utilisation, au maniement du langage dans la communication humaine .

Voici pour amorcer le sujet un début de réflexion :

Nous appelons mots abstraits les mots destinés à signifier les sentiments et les idées . Leur usage est difficile, car si la traduction du monde sensible requiert une langue très variée, celle du monde intérieur exige plus de nuances encore, et plus difficiles à saisir, à démêler en nous-mêmes . Avoir peur est très clair, raconter les circonstances où l'on a eu peur est facile, raconter sa peur l'est beaucoup moins ... [à suivre]

Bien à vous, cordialement, Gerboise .

mardi 28 avril 2009

Jeanne d'Arc: l'Héroïne de Domrémy . En souvenir de celle qui fut capable de cette prodigieuse émulation* sans bornes dans notre douce France !



* sentiment qui porte à égaler ou à surpasser quelqu'un en mérite personnel , en savoirs de toute nature , en travail productif , en influence efficiente et positive sur les autres ... quels qu'ils soient .

Nous avons repris la Préface d'un très bel ouvrage publié vers 1889 par Marcel Poullin aux Éditions Marc Barbou et Cie, Limoges, Rue Puy-Vieille-Monnaie : " L'Héroïne de Domrémy " , pour honorer Jeanne d'Arc , pour participer aux fêtes de ce mois de Mai 2009 et commémorer ainsi le souvenir de cette fille de Lorraine devenue une des plus glorieuse, illustre et prestigieuse Dame de France .

PRÉFACE de l'auteur,

. " Venir, après Michelet , après Wallon, après Henri Martin et tant d'autres historiens, présenter une histoire de Jeanne d'Arc peut paraître quelque peu téméraire .

Il n'est point d'éditeur, en effet, dont le catalogue ne possède, au moins une fois, ce titre ; comme il n'est point de Français qui n'ait lu, dans un livre, au moins, avec l'intérêt et l'admiration qu'elle commande, la vie si étrange et si glorieuse de l'humble bergère de Domrémy .

Nous croyons, cependant, que l'ouvrage que nous offrons aujourd'hui à la jeunesse française méritera, par un point surtout, d'attirer et de fixer son attention .

A l'époque où nous vivons, Vers 1889, au lendemain de la plus effroyable catastrophe dont la France ait été frappée [ Guerre de 1870] , depuis le jour à jamais néfaste où un roi dément ( Charles VI " le fol ") et une reine criminelle cédèrent, par un traité de Troyes, le royaume de France à un roi d'Angleterre ( Henri V) ; au lendemain, disons-nous, d'une catastrophe comme celle de 1870, il est bon, il est salutaire, de montrer à nos enfants comment, dans des circonstances plus terribles encore, leur pays fut arraché des mains de l'étranger, par l'intervention miraculeuse d'une femme, d'une enfant .

Ils verront, en lisant ces pages, à la fois si tristes et si réconfortantes, qu'il ne faut jamais, aussi grand que soit le malheur qui nous accable, désespérer du succès, quand la cause pour laquelle on lutte est celle du droit et de la justice .

Ils verront que tous les moyens sont bons à la Providence, pour manifester son intervention protectrice dans les choses d'ici-bas, et que, ceux de ces moyens qui nous paraissent les plus extraordinaires, les plus invraisemblables, sont ceux-là mêmes dont elle se sert, parfois, pour nous faire triompher .

Ils verront, enfin, comment la pauvre fille des champs qui fut l'instrument de notre salut, par l'ensemble des vertus sublimes qui l'animaient, et par son ardent patriotisme, a mérité d'être placée au premier rang des enfants que vit naître cette terre de France, si féconde pourtant en justes(qui se comportent, qui agissent conformément à la justice, à l'équité, cette vertu qui consiste à régler sa conduite sur le sentiment naturel du juste et de l'injuste) , en génies et en héros .

Les annales des peuples n'offrent aucun autre exemple d'une incarnation aussi pure et aussi élevée que celle de Jeanne d'Arc . Sa grande et merveilleuse figure est unique dans l'histoire .

Cela ne suffit-il pas pour nous tracer notre devoir et nous soutenir dans les épreuves les plus terribles ?

La vierge lorraine possédait, entre tant d'autres, deux vertus primordiales :

La Foi et l'Espérance !


Comme elle, conservons ces deux vertus ineffaçablement gravées au fond du cœur, et, quels que soient les coups qui nous frappent, ne désespérons jamais du lendemain : ayons foi dans les destinées de la patrie française .

La France a, pour la protéger, un palladium (une garantie, une sauvegarde) que rien ne saurait lui ravir : c'est l'ombre même de sa glorieuse héroïne . Tant qu'elle fixera sur elle ses regards, nul ne pourra jamais dire :

.......................................................... FINIS GALLIAE ! ........................................... "

Bien à vous, cordialement et respectueusement, Gerboise .

lundi 27 avril 2009

La poste

Recto de l'ouvrage .

Voici un merveilleux ouvrage édité par LA POSTE, que nous vous recommandons fortement d'acquérir . Les auteurs ont réalisé un outil pédagogique remarquable, accessible à tout âge ! L'illustration est très riche et d'une très grande qualité, tant visuelle qu' instructive . Un vrai régal pour enrichir nos connaissances dans de nombreux aspects de Histoire des techniques et des Hommes qui ont participé à la grandeur de la France .

PHIL@POSTE
28 rue de la redoute, 92266 FONTENAY-AUX-ROSES CEDEX

que vous pouvez vous procurer dans tous les bureaux de la Poste .

Verso de l'ouvrage
Vous pouvez agrandir ces trois images en réalisant un clic gauche sur chacune d'entre elles .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .

dimanche 26 avril 2009

Une vieille servante," bonne à tout faire ! " : un portrait de Gustave Flaubert dans son roman, Madame Bovary, 1857 .

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" Catherine- Nicaise- Élisabeth Leroux, de Sassetot-la-Guerrière, pour cinquante-quatre ans de service dans la même ferme, une médaille d'argent du prix de vingt-cinq francs .


- Où est-elle Catherine Leroux ? répéta le conseiller .

Elle ne se présentait pas, et l'on entendait des voix qui chuchotaient :
- Vas-y.
- Non .
- A gauche .
-N'aie pas peur .
- Ah ! qu'elle est bête .
- Enfin y est-elle ? s'écria Tuvache .
- Oui ! la voilà !
- Qu'elle approche donc .

Alors on vit s'avancer sur l'estrade une petite vieille femme de maintien craintif, et qui paraissait se ratatiner dans ses pauvres vêtements . Elle avait aux pieds de grosses galoches de bois, et, le long des hanches, un grand tablier bleu . Son visage maigre, entouré d'un béguin ( ) sans bordure, était plus plissé de rides qu'une pomme de reinette flétrie, et des manches de sa camisole rouge dépassaient deux longues mains à articulations noueuses .
La poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies, qu'elles semblaient sales, quoiqu'elles fussent rincées à l'eau claire et, à force d'avoir servi, elles restaient entr'ouvertes, comme pour présenter d'elles-mêmes l'humble témoignage de tant de souffrances subies . Quelque chose d'une rigidité monacale relevait l'expression de sa figure . Rien de triste ou d'attendri n'amollissait ce regard pâle . Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur plasticité . C'était la première fois qu'elle se voyait au milieu d'une compagnie si nombreuse ; et, intérieurement effarouchée par les drapeaux, par les tambours, par les messieurs en habit noir et par la croix d'honneur du conseiller, elle demeurait tout immobile, ne sachant s'il fallait avancer ou s'enfuir, ni pourquoi les examinateurs lui souriaient .

Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude . "

Madame de Bovary, VIII , de Gustave Flaubert, 1857 .

Que pensez-vous de ce beau texte et surtout de son sens moral ?
Nous vous en parlerons dans un prochain billet de Gerboise, bien à vous .

samedi 25 avril 2009

Simples réflexions .

" Nous devons nous garder de penser que la pratique de la méthode scientifique accroît les pouvoirs de l'esprit humain . Rien n'est plus nettement contredit par l'expérience que la croyance selon laquelle un homme qui s'est illustré dans un - ou plusieurs - secteurs de la science est plus à même (est plus en mesure de) que quiconque de réfléchir de façon sensée sur les questions courantes . "

Wilfred Trotter

" De même que l'instinct est plus ancien que la coutume et la tradition, celles-ci sont plus vieilles que la raison : la coutume et la tradition se tiennent entre l'instinct et la raison . Logiquement, psychologiquement, temporellement . Elles sont ni le fruit de ce qui est appelé parfois l'inconscient, ni celui de l'intuition, ni celui de la compréhension rationnelle .Bien qu'elles soient dans un certain sens basées sur l'expérience humaine, en ce qu'elles ont été formées dans le cours de l'évolution culturelle, elles n'ont pas été formées par l'établissement de conclusions raisonnées concernant certains faits ou par une prise de conscience de ce que les choses se comportaient d'une façon particulière .

Bien que régis en notre conduite par ce que nous avons appris, nous ne savons souvent pas pourquoi nous faisons ce que nous faisons .

Les règles morales apprises, et les coutumes, ont remplacé progressivement les réponses innées non pas parce que les hommes reconnaissaient rationnellement qu'elles étaient meilleures, mais parce qu'elles rendaient possible la croissance d'un ordre étendu, excédant la vision de quiconque, au sein duquel une collaboration plus efficace permettait de maintenir en vie plus de gens et aux groupes concernés de supplanter d'autres groupes ."


Friedrich A. Hayek .

vendredi 24 avril 2009

Interrogations actuelles de l'auteur de l'Homme Neuronal sur le fonctionnement complexe du cerveau .

" Qu'en est-il de fonctions encore plus élaborées du cerveau comme la conscience ?

Nous sommes capables d'intervenir à ce niveau pour proposer des modèles, des schémas rudimentaires (qui n'a atteint qu'un développement très limité, qui est à l'état d'ébauche) , mais nous sommes encore très loin d'avoir une parfaite compréhension des processus conscients . On peut dire qu'ils sont abordables (accessibles,atteignables, dans lesquels on peut accéder, juste pénétrer, à peine compréhensibles ) sur le plan scientifique et c'est déjà beaucoup .

Ne nous laissons pas éblouir ni terroriser par ces recherches sur le cerveau . Pensons d'abord que le cerveau est extrêmement vulnérable ( qui peut être facilement atteint, qui se défend mal, sensible, sans défense) et que cette connaissance de la chimie du cerveau nous permet d'évaluer cette vulnérabilité . De nombreuses maladies (dysfonctionnements, troubles dans ...) neurologiques et psychiatriques affectent notre cerveau . Maurice Tubiana, ce grand médecin, a écrit récemment que " les problèmes psychologiques et les maladies psychiatriques occuperont au XXIe siècle le devant de la scène médicale et heureusement les progrès des neurosciences donneront aux médecins des armes pour faire face à ces problèmes " .

La chimie du cerveau se dérègle par exemple au cours du vieillissement, entraînant morts cellulaires et dégénérescences ( perdre des qualités héréditaires, altérations , dégradations anatomiques des cellules vivantes) des voies nerveuses . Il faut espérer que nous arriverons à trouver des médicaments qui la ralentissent ou, au moins, en minimisent les effets .

Pourquoi être effrayé de ces connaissances sur le cerveau ?

Une meilleure connaissance de notre propre nature devrait, au contraire, nous aider à mieux nous comprendre ."

Jean-Pierre CHANGEUX , professeur au Collège de France [chaire des communications cellulaires] , dirige le laboratoire de neurobiologie moléculaire à l'Institut Pasteur à Paris.

Bien à vous, Gerboise .

mercredi 22 avril 2009

Simples réflexions .

" Il faut des esprits très forts pour pouvoir résister à la tentation des explications superficielles " ( qui ne sont ni profondes, ni essentielles, qui restent à la surface des choses) .

" La rigueur ( l'exactitude, la logique implacable, la cohérence) doit être une volonté et non pas une condition préalable à l'exercice de la pensée " .

Albert Einstein .

lundi 20 avril 2009

Le langage : Fonction d'expression de la pensée, des sentiments, des passions et de communication entre les hommes [*]


.

[*] Cette compétence est mise en œuvre au moyen d'un système de signes vocaux [parole] et éventuellement de signes graphiques [écriture] . Façon de s'exprimer . Faculté d'exprimer sa pensée, tout ce qui se passe dans l'esprit . Langue propre à une Nation .

Observez l'image ci-dessus !

Regardez ce tableau montrant la frégate la " Confiance " commandée par Robert Surcouf, et le vaisseau anglais, le " Kent " de la Compagnie anglaise des Indes , lors de l'abordage du 7 Octobre 1800 , peint par Louis Garneray, aide de camp du Capitaine, grand peintre et écrivain de la Marine .

Cette représentation par l'Image ( peinture) est saisissante, mais elle laisse l'imagination de l'observateur interpréter la situation à sa guise (selon son goût,à son gré, à sa fantaisie, selon sa volonté propre et toutes ses expériences vécues antérieurement) .
La description narrative en langage écrit qui suit va nous permettre de nous faire une certaine représentation imagée plus précise des événements .

Le 30 Mars 1800, sur la jolie frégate la Confiance, réputée rapide et ardente, Surcouf appareille pour une nouvelle campagne . Le 7 Octobre, il croise la route du Kent, vaisseau de la Compagnie anglaise des Indes , déplaçant 1200 tonneaux, armé de quarante pièces de fort calibre, mené par un équipage nombreux et expérimenté, soutenu par un groupe du corps d'élite des Royal Fusiliers de l'infanterie de marine .
Une manœuvre magistrale permet à la Confiance d'agripper le Kent .

Surcouf a vite compris qu'un duel d'artillerie lui serait fatal et c'est avec un art consommé (accompli, parfait) qu'il place sa frégate pour prendre le Kent à l'abordage . Alors les Anglais, passant des sarcasmes à l'incrédulité voient surgir à leur bord une meute en furie .
Tel un correspondant de guerre, Louis Garneray, aide de camp de Surcouf, grand peintre et écrivain de marine, nous a laissé le récit de ce combat de légende . Dans le fatras de la fusillade et des hurlements, c'est un affrontement d'une férocité atroce .

Une " boucherie " , écrit Garneray, Surcouf lance ses hommes à l'assaut du gaillard arrière (sur un voilier, partie extrême du pont supérieur) et de la dunette (superstructure élevée sur le pont arrière d'un navire et s'étendant sur toute sa largeur à la différence du rouf ) , en se frayant, à la hache, un passage dans les rangs anglais :
" Là est la victoire ! " . Le carnage ( massacre, tuerie) s'achève dans la batterie ( réunion de pièces d'artillerie et du matériel nécessaire à leur service ; emplacement destiné à les recevoir) .
Puis tout s'arrête, le Kent est pris .

C'est un triomphe qui accueille Surcouf à l' île de France [aujourd'hui l' île Maurice] , tandis d'humiliation et rage s'expriment en Angleterre !

Vous ne pensez -vous pas que , si nous avions vécu à l'époque, et pu assister à l'arrivée de la frégate à l' île Maurice[ l' île de France à l'époque],

Nous n'aurions pas entendu des récits oraux , des narrations de toute autre nature, susceptibles de nous présenter des événements, des anecdotes très diverses ?,

provenant de tous les protagonistes, de tous les acteurs survivants ?

Et puis se pose des interrogations primordiales, fondamentales, incontournables, liées au fait que chaque intervenant dans les combats , lors de l'abordage, n'a pas été en mesure de se rendre compte de l'ensemble des combats : d'où l'impossibilité de narrer avec toute l'objectivité nécessaire, plus tard, les événement du 7 Octobre, après la durée de navigation pour rejoindre l' île de France, après toutes les soirées où l' On racontait ses exploits personnels lors des affrontements .Les protagonistes, les participants survivants Anglais n'étaient-ils pas , eux aussi, enclins, prédisposés à présenter les faits relatifs à leurs propres comportements, de manière plus ou moins différente ? De plus, la psychologie des équipages de l'époque , dans la marine à voiles, était d'une autre nature que les contemporaines, ce qui devait influer fortement sur les témoignages .



" Le langage de la passion, de la peur, etc. Quel étrange langage tenez-vous là ?
Que votre langage soit doux, franc, sincère, rond, naïf et fidèle . Gardez-vous des duplicités ( qui a deux attitudes, exerce un double-jeu, fait preuve d'hypocrisie, de dissimulation) , artifices (des ruses, des pièges) et feintises (actions de donner pour réel un sentiment, une qualité que l'on n'a pas , faire semblant) ; bien qu'il ne soit pas bon de dire toujours toutes sortes de vérités, si n'est-il jamais permis de contrevenir (transgresser,désobéir ) à la vérité ." [Saint-François de Sales]

" Le langage fait avec des mots et de la logique ce que la musique fait avec des notes et du sentiment " [H. Delacroix, langage et pensée] .

" Un langage n'est pas une chose arbitraire, une convention ; loin de là , cela pousse comme une plante " [S. Weil, Écrits de Londres] .



" On ne sait que trop, de nos jours, à quel point les hommes possèdent une perspicacité (une habileté, un discernement) dans leur langage correspondant à celle apprise dans leur enfance, puis au cours de leur vie .
Leurs réactions, leurs relations, leur mode de comprendre et d'être, situés dans le culturel, sont de l'ordre du langage . Les " tenants du féminisme " ont raison d'affirmer que la structure même de la langue place la femme au second plan . Dire Homme pour désigner en même temps le masculin et le féminin est dans l'ordre des choses dans nos sociétés . Construire grammaticalement le féminin à partir du masculin et cent autres exemples de vocabulaire et de syntaxe font comprendre l'attitude masculine [ bien plus que les jeux soi-disant orientant la fille vers la cuisine et l'homme vers la guerre !] .


Le langage est déterminant de la psychologie en même temps que du mode de raisonner.

Nous ne cherchons pas à revaloriser le culturel par rapport au naturel , ce n'est pas ici notre propos, mais à marquer la singularité de ce mécanisme de parole dite et entendue qui détermine à la fois l'être psychique et l'être connaissant, comme si tout ce qui est de cet ordre dépendait de l'expression verbale .

La vue et la parole déterminent plus encore deux modes de penser différents .

Le langage qui s'écrit, implique un cheminement processif ( procédurier) . Mes yeux suivent les mots les uns après les autres, et c'est une succession de compréhensions qui s'enchaînent les unes aux autres . La pensée se développe selon l'axe même de cette succession de mots . La connaissance que je reçois est progressive, les éléments de ce que j'ai à comprendre s'enchaînent successivement et le dévoilement (la révélation, l'explication, la connaissance ) s'effectue au fur et à mesure que je suis la phrase . Elle se déroule dans un certain temps, et cette connaissance est forcément alors discursive ( qui procède par une série de raisonnements ordonnés, qui suit le cours spontané du discours ) , elle progresse au travers des détours de ce discours, elle implique une continuité dans la phrase, une rationalité dans le rapport des mots les uns aux autres .Et finalement elle implique toujours la conscience . Le langage est doté d'une rationalité (qui provient de la raison et non de l'expérience, logique, sensé ) : il faut bien que je comprenne ce que me dit l'autre, et je ne puis le faire que s'il y a une rationalité dans la structure même de ce qu'il dit [rationalité qui n'est pas suffisante mais qui est nécessaire] ; c'est donc une opération consciente à laquelle je suis appelé par la parole qui m'amène non seulement à une connaissance nouvelle mais à une conscience accrue et développée .

Le visuel et la signalisation par images est d'un tout autre ordre :

L'image nous transmet instantanément une globalité . Elle nous donne d'un coup d'œil toutes les informations dont nous pourrions avoir besoin . Elle dispense un stock de connaissances que je n'ai pas à détailler, ni à coordonner autrement que l'image le fait, c'est-à-dire de façon spatiale . Et l'instantanéité de la transmission s'effectue dans la mesure où je me situe dans le même espace que l'image .

Ce que me transmet l'image visuelle est de l'ordre de l'évidence, et nous accédons à une conviction sans critique .

Il est étrange que si souvent on puisse considérer que la photographie puisse être considérée comme une preuve alors que l'on restera hésitant [le manque de " fiabilité " ( digne de confiance) des témoignages ! ] ou devant une démonstration discursive . Là où il y a marque visible, il y a sûreté d'information . Et cette conviction est immédiate, elle ne passe pas par un cheminement de l'inconnu à l'incertain et de l'incertain au connu . Mais cette certitude est fondée sur une absence de conscience .

La connaissance produite par l'image est de l'ordre inconscient .

Nous nous rappelons rarement tous les éléments de l'image, ou du spectacle, mais elle a fortement frappé toute notre personnalité, elle a produit un changement en nous qui a son fondement dans l'inconscient .

Cette saisie globale et inconsciente de tout un lot [ " un paquet " ] d'informations sans suivre le cheminement lent et pénible du discours explique aussi que l'homme soit par paresse naturelle porté à regarder les images plutôt qu'à lire un long texte ou à écouter une démonstration . La paresse intellectuelle fait nécessairement gagner l'image sur la parole, ce que nous constatons en effet très largement .

Et finalement le mode de pensée change : car les images s'enchaînent les unes aux autres selon un mode discursif . On procède par associations d'images et par mutations de clichés . Les éléments qui changent dans l'image présentée ne sont jamais que l'état présent du spectacle, et non pas une série cohérente . Ce n'est pas la caractéristique des signaux électriques qui est à l'origine, mais le mode de succession des images, la pensée par images [ typique dans les bandes dessinées] dont chacune est un tout, et dont la succession s'effectue par bond et par saccade .


Voici des éléments de réflexion donnés ici en vue de pouvoir poursuivre notre interrogation sur la valeur des informations de toute nature , images orales (narrées, chantées ou [ interprétées à l'aide d'un instrument de musique ] ) et/ou écrites ( imprimées ou peintes) qui nous parviennent de toute part !

Bien à vous, cordialement, Gerboise

lundi 13 avril 2009

Les erreurs concernant les observations, les constatations,les contrôles,les témoignages,les défauts de vigilance et les diverses sortes d'ignorance*.

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* - Troisième partie, suite du Jeudi 2 Avril 2009 .


VOIR ...! percevoir, distinguer, embrasser, saisir,[ les images des objets et des êtres que nous entendons, oyions (ouïr) , écoutons; sentons,humons ; goûtons, savourons ! ; touchons, palpons] , par le sens de la VUE . C'est une des conditions primordiales pour éviter toutes sortes d'erreurs ... Ne voir que d'un œil ! Regarder sans voir ou " Voir sans regarder "! conduit à des ignorances néfastes ... La sagesse populaire dit : Ne pas voir plus loin que le bout de son nez ! Nous commençons à y voir clair, à voir loin, prévoir ... : C'est le commencement du discernement, du bon sens !

I - APPARENCES, allures* des choses, des perceptions, des paroles erronées .

* manières de se comporter, de se tenir, d'être .

A - Erreurs systématiques : ( systématique, qui procède dans un ordre défini, constant, invariable, répétitif).

Les erreurs systématiques sont celles qui dérivent ( découlent, proviennent ) d'une cause constamment présente au cours de la série d'observations. le type de l'erreur systématique est l'erreur due à un instrument défectueux (qui présente des imperfections, des défauts, donc imparfait) : chaque fois qu'on se servira de cet instrument, l'observation sera affectée d'une erreur toujours la même . Ainsi une montre chronomètre fonctionnant trop rapidement par rapport à une allure normale, sans cesser de marcher d'une façon régulière : son aiguille parcourra constamment une portion du cadran correspondant à 12 secondes pendant une durée réelle de 10 secondes . Son erreur, soit +20% n'empêchera pas de réaliser des observations correctes, puisqu'elle est constante et qu'on pourra toujours corriger le résultat en le diminuant de 20% .

Les physiciens et les ingénieurs donnent à l'erreur systématique le nom d'erreur constante . Cette appellation est justifiée si cet adjectif s'applique à la CAUSE de l'erreur, mais non s'il qualifie sa grandeur . En effet, et surtout en psychologie, les erreurs de cause constante n'ont pas une grandeur restant absolument constante . Et nous avons trois cas à considérer :

1° L'erreur systématique est de grandeur constante ;

2° elle est de grandeur uniformément variable, régulièrement croissante ou décroissante au cours de la série d'expérience ;

3° elle est de grandeur irrégulièrement variable ; ainsi les erreurs qui pourraient tenir à la température, ou à la pression barométrique, à supposer que ces agents influencent le sujet et soient capables de modifier son attitude à l'égard de l'expérience .

Ces trois cas sont moins aisément délimitables en pratique qu'en théorie : il est difficile d'affirmer qu'une erreur systématique est de grandeur tout à fait constante [ sauf s'il s'agit de l'erreur d'un instrument], et difficile d'affirmer que des facteurs " croissant " ou " décroissant " pendant les expériences le font d'une façon absolument uniforme .

Comme types d'erreurs systématiques constantes ou régulièrement variables, d'origine psychophysiologique, il faut mentionner les deux erreurs classiques, constatées déjà par Gustave Fechner, 1801-1887, Physiologiste et philosophe allemand :

- l'erreur spatiale, qui dépend de la disposition des phénomènes et/ou des objets dans l'espace,
- l'erreur temporelle, qui dépend de leur disposition dans le temps et la durée .

Lorsqu'on compare des excitants ou des objets, il est impossible de présenter les choses à comparer à la fois au même endroit et au même instant .
Nécessairement si la présentation a lieu au même endroit, il faudra ordonner les choses dans le temps, et si leur présentation est simultanée, il faudra les ordonner dans l'espace .

- Conséquences de la disposition spatiale .

Soit deux tiges dont il s'agit de comparer les longueurs : si vous les présentez ensemble, forcément l'une devra être à droite ou au-dessus de l'autre ; et si vous les présentez au même endroit de votre champ visuel, l'une devra être aperçue après l'autre
. Or, lorsqu'on compare deux objets, leur situation respective dans l'espace, n'est pas sans influence sur le résultat de la comparaison . Comparez par exemple les deux boucles de B , ou les deux crochets de cette S ; les deux boucles paraissent égales entre elles . Mais placez ces lettres la tête en bas,ou dans une position horizontale, c'est-à-dire dans une autre disposition dans l'espace, et vous constaterez immédiatement que les deux moitiés de ces lettres sont inégales . Votre jugement variera donc suivant la disposition spatiale des objets à comparer, et par conséquent cette disposition spatiale est une cause d'erreur, puisqu'elle influe sur le jugement, toutes choses restant égales d'ailleurs .

- Conséquences de l'évolution dans le temps et de la durée .

Bien plus importante encore est l'erreur temporelle, car il n'est guère d'expérience dont elle ne risque d'affecter les résultats . En effet, tout sujet qui exécute une épreuve durant un certain temps ou qui répète une même épreuve, est soumis à l'influence de l' exercice d'une part, de la fatigue d'autre part .
Le premier de ces facteurs tend à améliorer les résultats, le second à les amoindrir .
Suivant donc qu'une épreuve occupera la première, la troisième ou la dixième place dans la série, ses résultats seront entachés d'une erreur positive ou négative .

L'exercice et la fatigue ne sont du reste pas les seuls agents dépendant de l'ordination temporelle :

- la nouveauté de l'expérience,
- l'intérêt porté aux conséquences des résultats,
- la curiosité concernant les connaissances acquises,
- l'appréhension des difficultés qui peuvent survenir,
- l'émotion - surtout chez les enfants et certaines grandes personnes qui ne sont jamais entrés dans un laboratoire par exemple, ni restés en présence d'une situation perturbante, ou qui ne connaissent pas les lieux et les participants de l'opération en cours,
- l'adaptation à l'expérience, à la situation de recherche,
-l'ennui devant une situation pour laquelle ils n'ont pas été sensibilisés, préparés ,
- ....

Peuvent jouer un rôle important .

- Erreur d'observation et Erreur de jugement .

Afin d'éviter toute confusion, nous devons noter que les erreurs d'observation considérées ici n'ont rien à faire avec les erreurs consistant dans un désaccord entre l'objet extérieur et sa perception subjective, erreurs sur lesquelles la psychométrie fonde certaines de ses mesures [ si nous trouvons constamment de lourdeur égale deux poids dont l'un pèse 100 grammes et l'autre 103 grammes, nous commettons une erreur en les déclarant objectivement égaux ; mais il y a de ma part aucune " erreur d'observation " psychologique, si vraiment ils ont donné à notre conscience l'impression d'égalité, quelle que soit leur disposition spatiale ou temporelle ].
C'est ainsi que l'erreur moyenne à laquelle aboutit la " méthode de l'erreur moyenne " des psychophysiciens, ou " l'erreur d'appréciation " ( action de déterminer la valeur de quelque chose, estimation, évaluation, discernement) d'une grandeur physique, ne sont pas des erreurs d'observation [psychologiques] au sens où nous l'avons entendu ici ; - ce ne seraient des erreurs d'observation que si le but de l'investigation était une mesure physique . - De même si nous déclarons qu'une personne rencontrée portait une robe foncée, tandis qu'elle portait un pantalon clair, nous commettons une erreur de témoignage, en ce sens que notre souvenir ne correspond pas à la réalité objective .Mais si nous sommes certain de voir dans notre mémoire une robe foncée, et non un pantalon clair, nous ne commettons aucune erreur d'observation psychologique, car notre témoignage correspond à la réalité subjective .

Nous pouvons et nous devons nous rendre compte ici, mais également dans beaucoup de circonstances (constituées par un ensemble de faits qui forment, à un moment et en un lieu donnés une situation bien définissable) et de conjonctures diverses (résultant d'un ensemble de coïncidences qui peuvent être le point de départ d'une situation nouvelle) se produisant durant nos diverses activités , que les réalités objectives et les états de choses subjectifs ont une importance considérable et des conséquences non négligeables .

Nous progresserons dans notre investigation des contextes et des phénomènes qui ne correspondent pas à la réalité , lors d'une quatrième partie où nous aborderons les erreurs accidentelles ou fortuites, avant d'aborder le sujet le plus important : celui de l'élimination de ces erreurs , ou de leur maîtrise, dans les circonstances propices .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .

vendredi 10 avril 2009

La LECTURE, cette ouverture de l'esprit dont nous ne devons pas nous priver si nous ne voulons pas stagner, " faire du sur place" ! [troisième partie]

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Présentation d'un extrait des Cahiers de Science et Vie [les Racines du monde] , Les origines de l'écriture, n° 107, Octobre-Novembre 2008 . Gerboise vous recommande et vous demande avec insistance de vous procurer et de lire l'ensemble des articles de ce numéro, et d'ailleurs, de tous les autres de cette série , pour enrichir vos connaissances et donc vos capacités de Réflexion . Ces revues sont passionnantes !


LIRE , c'est déchiffrer, c'est décoder, c'est interpréter, pénétrer, c'est découvrir l'auteur de l'ECRITURE, et de ses Réflexions sur le monde qui nous entoure.

Un écrit, l'écriture, essaye (essaie) , s'évertue, tente de retenir, de capter, de sélectionner, de mémoriser, l'inspiration ( souffle créateur qui anime tout homme) quand elle est présente .

Un décodage de signes, la lecture , éveille le désir, l'envie de connaître , sollicite l'esprit, tente de suppléer à son absence, à combler un vide, remédier à un manque .

Cette activité ludique, l'écriture, est un mouvement qui permet de s'acheminer du dedans au dehors de soi-même , comme la lecture, ce décryptage des idées d'autrui, permet de faire route du dehors au dedans de sa propre conscience .

L'écrivain (personne qui compose des ouvrages) , le scribe (celui qui écrit, celui qui écrivait les textes officiels, copiait les écrits, dans les civilisations sans imprimerie et où les lettrés étaient rares), cherche, construit des signes à la pensée, alors que (là où) le lecteur ( désigne toute personne qui lit pour apprendre où s'informer ou pour se distraire) extrait la pensée des signes .

Le premier crée, édifie, élabore , un monde et le second le déchiffre, doit en pénétrer le [ les] sens, en décodant, en perçant les subtilités de la pensée exprimée par le texte .

Le rôle de l'écriture, c'est de fixer toutes les touches ( images, équivalentes aux touches d'un piano, d'un clavier d'ordinateur ) de l'esprit pur, mais le rôle de la lecture, c'est de les imprimer ( image signifiant : la fixer , la graver, la faire pénétrer ) en nous par l'intermédiaire d'un autre . L'écriture donc suppose un contact immédiat et premier de l'esprit avec le réel ; il suffit qu'elle nous permette de le retrouver ; mais elle lui demeure toujours inégale . Le lecteur n'a avec le réel que ce contact indirect que l'auteur lui a suggéré ( inspiré, faire penser quelque chose à quelqu'un sans l'aide du langage qui l'exprime , faire naître une idée dans l'esprit) : mais il mesure ses forces avec lui et il lui arrive de le surpasser , de l'emporter.

Pas une personne n'écrit, que pour se trouver ( pour enfin savoir ce que nous avons en nous, au fond de nous-même ! ) elle-même ; nul n'écrit jamais tout à fait pour celui qui le lit, bien que son amour propre puisse tirer vanité de cette existence même qu'il acquiert tout à coup pour un autre . Or il sait pourtant que le lecteur ne doit point avoir de regard pour lui, mais seulement pour son œuvre, qui s'est maintenant détachée de lui, qu'il a oubliée et où il ne se reconnaît plus . Avez-vous déjà relu un de vos textes écrit, il y a quelques années ? C'est parfois surprenant n'est-ce- pas ? Ce n'est pas Dieu possible ! C'est-y moi qui a écrit ça ! comme on pourrait l'entendre au fond de nos campagnes,dans nos fermes d'antan !

Dans tout ouvrage que je lis, c'est moi-même encore que je cherche ( j' essaye ou j'essaie de découvrir) , c'est-à-dire l'éveil de mes puissances (capacités) , comme je cherche (ce qui correspond à mes croyances) leur exercice dans un livre que l'écris . Mais il y a une paresse de la lecture et qui n'est souvent qu'une complaisance dans le jeu de nos puissances inemployées : au lieu que l'écriture les met toujours en œuvre d'une manière plus directe et plus forte .

La LECTURE est une révélation ( le fait de faire connaître ce qui était secret ou inconnu) dont la matière est déjà donnée ; c'est pour cela que, si ELLE ne nous atteint ( ne parvient pas jusqu'à notre entendement ,notre conscience ) pas, nous nous en prenons à l'auteur (s'en prendre à quelqu'un : le rendre responsable) quand il faudrait souvent nous en prendre à nous-même ( nous considérer comme responsable, conscient de ne pas avoir maîtrisé,comme nous aurions dû le faire, la situation) .

Nous prolongerons la présentation de ce thème (en vue de le dominer) riche en connaissances utiles pour la maîtrise de notre esprit d'analyse critique en ce qui concerne surtout la lecture, dans une quatrième partie .

Bien à vous, Gerboise .

mercredi 8 avril 2009

Les plantes carnivores: des pièges fascinants,ici les passifs des Nepenthes:Belle leçon d'adaptation*,de mise en harmonie avec les circonstances ** .

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Zone apicale d'une ascidie peu vascularisée . Photographie Canon réalisée par Gerboise .


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adaptation : ici, transformations qui conditionnent ce résultat, appropriation d'un organisme aux conditions internes et externes de l'existence, en particulier avec le milieu, soit physique soit vivant, permettant à cet organisme de durer, de se reproduire et de se mettre en symbiose, de s'accommoder, avec de nouvelles conditions de ressources, avec les circonstances, avec le milieu, et les différents contextes interactifs.
** - circonstances : particularités favorables ou défavorables, qui accompagnent, entourent, un fait, un évènement, une situation ; ce qui constitue, caractérise le moment présent .

Les feuilles , ou ascidies des Népenthès se transforment en larges cornets ou urnes . Les insectes attirés par le nectar viennent se noyer dans le liquide remplissant le fond du piège . Ces plantes tropicales ne prospèrent que dans les endroits très humides de la jungle, condition essentielle pour la genèse des urnes foliaires .
Leurs feuilles peuvent mesurer jusqu'à un mètre . Chacune est constituée d'un pétiole (partie rétrécie de certaines feuilles vers la tige) très différencié et d'un limbe fort discret . Le pétiole comprend le plus souvent, tour à tour : une partie plus ou moins ailée, une portion cylindrique, un segment étalé-orbiculaire prolongé en vrille se terminant par une ascidie, appelée parfois outre ou urne . Le limbe foliaire réduit mime un pseudo-couvercle pour cette urne, non mobile et apical .
Le folklore extrême-oriental s'est emparé de ces curieuses formations : en Extrême-Orient on a longtemps récolté des ascidies de Népenthès pour les soumettre à la dessiccation puis les bourrer de coton, afin de les utiliser comme objets de décoration .

Le symbolisme actuel des Népenthès, c'est leur aptitude à " garder " , à " économiser " l'eau...
Zone apicale d'une ascidie très vascularisée . Photographie Canon réalisée par Gerboise .

Ces feuilles transformées, ou ascidies sont toujours verticales, plus ou moins cylindriques , parfois pseudo-hexagonales, légèrement comprimées à leur partie supérieure . Chez certaines espèces, elles peuvent atteindre 30 centimètres de hauteur et s'avérer assez volumineuses pour accueillir de petits oiseaux ou mammifères . Mais, de toute manière, elles hébergent une curieuse faune constituée d'espèces animales pourvues d'antipepsines les mettant à l'abri de la lyse (destruction d'une cellule vivante avec libération de son contenu, dissolution ) : des animaux qui vivent normalement ailleurs (des népenthoxènes) , protozoaires, crustacés, larves d'insectes ; des animaux qui trouvent là de bonnes conditions pour passer la phase aquatique de leur vie mais ne sont pas confinées aux Népenthès (ce sont seulement des népenthophiles) . D'autres animaux qui ne se rencontrent que dans les urnes de ces plantes ( ce sont des népenthobiontes) .

Grâce à la présence d'un renforcement vascularisé ( qui contient des vaisseaux) l'outre est maintenue ouverte . Sa face interne possède deux sortes de glandes ( organe dont la fonction est de produire une sécrétion) : celles qui sécrètent un nectar ( substance sucrée que sécrètent les fleurs, les feuilles) et attirent les proies, et celles à vocation digestives, productrices d'enzymes . Ces dernières peuvent être fort nombreuses ( 1000 à 6000 par centimètre) . Le liquide contenu dans les ascidies est, avant la chute d'une proie, neutre et dépourvu d'enzymes . L'arrivée d'un insecte déclenche les sécrétions ( phénomène physiologique par lequel un tissu biologique produit une substance spécifique) acides et diastasiques .

La digestion des proies est-elle une activité propre aux Népenthès lui-même ? ou sont-ce, dans le liquide que renferment les ascidies, des bactéries qui " font " le travail pour le bénéfice de la plante supérieure ? Il semble que la lyse des victimes puisse se faire en l'absence de bactéries . Il n'est pas rare de rencontrer, hormis des bactéries, des cyanobactéries et des algues, ainsi qu'une riche faune à l'intérieur des urnes . Leur comportement est digne d'intérêt .

Népenthès avec ses nombreuses ascidies . Photographie Canon réalisée par Gerboise .

Guerre dans le monde végétal
: pour les Phanérogames ¨carnivores¨ , " tous les coups sont possibles, permis " ! Ces espèces dans ce monde sont capables d'immobiliser ou d'emprisonner des proies animales, et d'en assimiler certains constituants à la faveur de la mise en œuvre d'enzymes ( substances organiques produites par des cellules vivantes, qui agissent comme catalyseurs : catalyse, action par laquelle une substance rend possible une réaction chimique, par sa seule présence, en augmentant la vitesse de réaction et sans l'altérer) dans les changements chimiques protéolytiques ( qui décompose les protéines).
Beaucoup de ces espèces se rencontrent dans les stations [endroits où l'on se place pour effectuer des observations scientifiques, des recherches] acides, pauvres en nitrates ; on peut penser que, chez elles, la capture et la digestion partielle de petites proies leur permettent, peu ou prou, ( quasiment, à peu près) de faire face à la disette (manque, carence, insuffisance) en azote minéral du lieu en s'adressant directement à des sources de protéines .

L'existence de ces plantes carnivores permet de constater l'existence de caractères belliqueux dans le règne végétal de certaines espèces qui les conduisent à " chasser " la proie qu'elles affectionnent (avoir une prédilection, une préférence, une véritable attirance pour ... ; comportement similaire, qui semble être à peu près du même ordre, équivalent à des comportements d' êtres du règne animal !) . On en vient très rapidement à la différenciation de véritables pièges dont l'ingéniosité n'a d'égale que leur efficacité . L'élaboration de raffinements encore plus surprenants : ruses pour inciter les futures victimes à s'approcher des pièges eux-mêmes : odeurs, aspects , formes couleurs, ports ( manières naturelles de se tenir) ...

Une organisation, aussi savante parfois, n'a d'autre objet, apparemment, que de faciliter l'approvisionnement du " végétal-chasseur " en protéines, assurément, mais aussi, sans aucun doute, en composés phosphorés ou potassiques, et même en vitamines .

L'antagonisme [la guerre] (état d'opposition de deux entités, de deux forces ; rivalité, agressivité, concurrence) , le synergisme[l'association pacifique] (état dans lequel se produit une activité simultanée, un concours d'action entre divers organismes dans l'accomplissement d'une fonction) sont partout dans le règne végétal . Il ne demeure aucune place pour l'autosuffisance ou pour l'indifférence .

L'observation attentive des formations végétales qui nous entourent avec les yeux du " sociologue des plantes " ( on dit du phytosociologue ) est très riche d'enseignement . Peut-on tirer un parti positif de certains cas d'antagonisme ( état d'opposition de deux forces, de deux principes, conflits, rivalités) ? C'est évident, en vertu de la formule classique selon laquelle :

" les ennemis de mes ennemis sont mes amis " .

" ... il existe dans la matière vivante des potentialités qui ne se manifestent que dans des conditions très spéciales . Les phénomènes du vivant [symbiose (association biologique durable et réciproquement profitable entre deux ou plusieurs êtres vivants) ... etc....] révèlent comment ces potentialités peuvent engendrer des réactions qui ont des effets créateurs importants " .
R. Dubos .

Peut-on envisager un véritable projet de survie dans l'évolution de cette espèce végétale, une trace du début de mécanisme pouvant conduire vers un comportement tendant progressivement vers un début de réflexion, inné ou, acquit au cours des millénaires ?

Nous pourrons ainsi, mieux comprendre, ces " mécanismes " surprenants, très complexes, très riches de connaissances, tenant un peu du merveilleux(!) , conduisant à un jalon ( ce qui sert à situer, repère) permettant , peut-être une meilleure compréhension de l'évolution de la vie .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .

lundi 6 avril 2009

La LECTURE, cette ouverture de l'esprit dont nous ne devons pas nous priver si nous ne voulons pas stagner, " faire du sur place" ! [deuxième partie]

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A l' ECOLE

" Répandre l'instruction est le premier devoir d'un peuple qui veut rester libre " .

Jean AICARD, 1848-1921 . Il est à la fois un romancier estimé et l'un de nos plus charmants poètes contemporains . A une forme poétique très délicate, il sait ajouter un sentiment exact de la réalité . Les poésies qui composent le Livre des Petits et La Chanson de l'Enfant sont remarquables par la grâce des détails et le charme de l'expression .

" Notre mère, la douce France,
La chère France, dit un jour :
~ Notre ennemi, c'est l'ignorance :
Il faut le vaincre par l'amour ~.

" Au bord des mers, le long des fleuves,
Dans la vallée et sur les monts,
Bâtissons des écoles neuves
Pour les petits - que nous aimons . "

Et pour bâtir maisons nouvelles,
Jamais les maçons plus gaîment,
Ne sont montés sur leurs échelles
Et n'ont pétri plus dur ciment .

Les anciens, se sentant revivre,
S'écriaient, - car beaucoup d'entre eux
N'avaient jamais lu dans un livre :
" Nos enfants seront plus heureux ! "

Alors, la Muse* de l'histoire *1
Vit surgir, d'un coup, par milliers,
Tout blancs sur le vieux territoire,
Des palais - pour les écoliers .

Les livres prirent la parole,
Quand les maçons furent partis,
Et l'on vit courir vers l'école
Tout le peuple des tout petits...

Le cartable battant l'échine* *2
Ou bien leurs cahiers sous le bras,
Les uns, là-haut dans la colline,
D'autres, dans la plaine là-bas,

Tous allaient vers la maison blanche,
Ceux-là se tenant par la main,
Ceux-ci retardés par la branche
Qui met des fleurs sur le chemin .

On quittait la campagne aimée,
On regrettait les papillons,
Mais on chantait comme une armée :
" Enfants ! ... Formez vos bataillons ! "

Et le livre sacré, le Livre,
Avec tous ses feuillets chantants,
Leur criait : " C'est moi qui délivre* ! ... *3
Je brille sur la nuit des temps ! *4

" Venez ! Je donne à qui sait lire
Des bonheurs qui sont infinis ... *5
Les moindres accords de la lyre *6
Sont plus doux que le chant des nids ...

" Je montre aux peuples, dans un rêve,
Ce* que les yeux ne sauraient voir ; *7
L'âme qui rampait, je l'enlève
Sur l'aile d'aigle du savoir !

" Par moi, l'Idée, éblouissante
Et prompte comme les éclairs,
Dispersée et partout présente,
Donne un seul cœur* à l'univers ... " *8

- Par moi, l'âme individuelle
Vit dans tous et* vivra toujours, *9
Et dans la pitié mutuelle
J'ai rassemblé tous les amours ! "

Et les chers petits, sans comprendre,
Couraient vers l'école, - sentant
Quelle amour maternelle et tendre
Les appelait tous en chantant .

Au miel doré de la Parole *10
Ils couraient, filles et garçons,
Et l'essaim*entra dans l'école, *11
Ruche où bourdonnent les leçons .

Or, depuis que la France libre
A des écoles par milliers,
C'est son âme même qui vibre
Dans son rucher plein d'écoliers .

Depuis l'heure toute première
Où l'école neuve s'ouvrit,
Le livre a fait la lumière,
La lettre a créé de l'esprit .

Le petit peuple de la ville
C'est le grand peuple d'aujourd'hui ;
Sa propre histoire le conseille,
Toute l'âme humaine est en lui .

Il sera digne de lui-même,
Si, sachant ce qu'il doit savoir,
Il aime ce qu'il faut qu'on aime,
A l'égal du droit : - le devoir .

Fais ton destin, peuple de France !
La France remet dans tes mains,
Avec un frisson d'espérance,
La clef d'or* de tes lendemains ; * 12

Jean AICARD

* 1 -Muse de l'Histoire : personnage imaginaire représenté comme le témoin des actions des peuples .
* 2 - L'échine : colonne vertébrale .
* 3 - délivre : qui dégage l'esprit de l'ignorance .
* 4 - brille ... : L'idée que contient le livre brille comme une étoile dans la nuit et éclaire les ténèbres de l'ignorance .
* 5 - Rapprochez de la lecture ci-après intitulée : Douloureuse ignorance .
* 6 - accords de la lyre : Les chants de la poésie.
* 7 - ce : L'idéal qui n'existe que dans la pensée .
* 8 - La fraternité .
* 9 - La solidarité .
* 10 - le miel de la parole : image familière aux anciens : la parole est douce comme le miel .
* 11 - essaim : groupe d'abeilles, d'insectes en vol ou posés ; groupe nombreux qui se déplace .
* 12 - La clé d'or : (sens figuré) l'instruction qui décidera de ton avenir .

Après cet admirable texte qui implique le rôle magnifique de la lecture, donc des livres et des bibliothèques , nous poursuivrons dans une troisième partie, l'analyse des implications de la Lecture dans la construction de notre esprit .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .