lundi 31 août 2009

La prospective*: Science qui a pour but d'étudier l'évolution des Sociétés dans un avenir prévisible .

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*prospective : - action d'anticiper une chose, de la faire avec avance ; pensée qui anticipe les événements à venir .
- Ensemble de recherches concernant l'évolution future de l'humanité, en particulier sur le plan social, économique ..., et permettant de dégager des éléments de prévision .
- La prospective se différencie de la prévision ; cette dernière cherche à donner une idée des événements probables auxquels il faudra s'adapter, et elle conduit à des décisions immédiatement exécutables, engageant souvent d'une manière irréversible ; au contraire, la prospective indique les situations générales dans lesquelles les individus se trouveront placés à l'avance .


- prospectif : qui concerne l'avenir, sa connaissance, dont l'intelligence[le sens] est orientée vers le futur ; science de la prévision de la postérité, basée sur l'étude de l'évolution des " choses " , de l'humanité .


Parmi les disciplines qui ont renouvelé le contenu et les méthodes des sciences humaines, la dernière venue est celle à laquelle Gaston Berger° a donné le nom de prospective .

°Gaston Berger, 1896-1960, après avoir fait carrière dans l'industrie, devint professeur de Philosophie à la Faculté d'Aix-Marseille à la suite de sa thèse sur les Conditions de la Connaissances, 1940 . Directeur général de l'Enseignement supérieur, président du Comité de l'Encyclopédie française et de la Commission française de l' U.N.E.S.C.O., il avait fondé, en 1957, le Centre international de Prospective .

Toute science vise à rendre possibles des prévisions . Mais jusqu'à son époque, les sciences humaines, - par exemple l'économie politique, - ne se risquaient guère qu'à des prévisions de court terme . Pourtant il était, en ces temps là, du plus haut intérêt, soit dans le domaine des affaires privées, soit dans celui des affaires publiques, de prévoir les grandes lignes du futur lointain .

Une histoire envisageable à l'époque, de l'avenir .

C'est à cela, pour toutes les périodes de l'humanité d'une manière plus ou moins semblable, que visent ce qui correspond, en notre temps, les recherches dites prospectives . Leur but est, si l'on peut dire, d'esquisser une histoire probable de l'avenir . Elles essaient d'y parvenir en dégageant les grandes tendances qui se manifestent dans le présent .

Il ne semble pas impossible de discerner ces tendances, et de se faire, en partant de là, une idée du cours probable des événements .

La prospective n'implique nullement le postulat ( convention, principe indémontrable [ d'un système déductif] qui est la base d'une démonstration ultérieure) que l'avenir soit écrit d'avance . Les chercheurs qui en ces temps-là s'y adonnaient ( s'y consacraient) étaient, au contraire, pénétrés de la conviction que, dans une large mesure, cet avenir dépend de l'homme, et c'est pour donner des armes nouvelles à la liberté humaine qu'ils s'efforçaient de le prévoir .

Comme l'écrivait Gaston Berger :

" Regarder l'avenir le bouleverse " .

" Prévoir l'avenir, c'est prévoir ce qui arriverait si l'homme ne tentait rien pour faire obstacle aux éventualités dangereuses et pour faire prévaloir les éventualités souhaitables qu'il aperçoit dans le futur . "


Voici ce qu'écrivait dans l'Encyclopédie française, tome XX, Gaston berger, 1958 .


" Avant d'être une méthode ou une discipline, la prospective est une attitude . C'est dire que l'adjectif doit ici précéder le substantif ( le nom) .

Le sens de " prospectif " est évident . Formé de la même manière que " rétrospectif " , ce mot s'oppose à lui pour signifier que :


Nous regardons en avant et non plus en arrière .

Une étude rétrospective se tourne vers le passé, une recherche prospective vers l'avenir .

Ces deux adjectifs ne sont pourtant pas aussi parfaitement symétriques dans leur signification que dans leur forme . Ce qui nous pousserait à le croire serait seulement l'habitude que nous avons de nous représenter le temps sous l'aspect d'une ligne, où le passé et l'avenir correspondraient aux deux directions possibles .

En réalité, hier et demain sont hétérogènes .

C 'est un regard qu'on jette sur le passé, puisque, de ce côté-là, il n'y a plus rien à faire .

C 'est un projet qu'on forme pour l'avenir, car là des possibilités sont ouvertes .

Passer de la rétrospection à la prospection n'est pas simplement diriger ailleurs l'attention : c'est se préparer à l'action ...

Lorsqu'on réfléchit à l'importance qu'ont pour les hommes les années qui s'ouvrent devant eux et devant leurs enfants, on ne peut manquer d'être surpris par le peu de place que tiennent l'avenir et le futur dans les préoccupations des philosophes et des écrivains.

Nous avons feuilleté bien des index où ces mots ne figurent point et lorsqu'ils apparaissent dans un texte, ce ne sont pas eux qui donnent à la phrase son importance .
Peut-être fallait-il que l'homme développât sa puissance jusqu'au point où il l'a aujourd'hui porté, pour s'aviser que l'avenir n'est ni un mystère absolu, ni une fatalité inexorable ...

........................................................ VOIR LOIN ....................................................

Le caractère principal de l'attitude prospective consiste évidemment dans l'intensité avec laquelle elle concentre notre attention sur l'avenir .

On peut être tenté de croire que c'est là quelque chose de bien ordinaire . Rien cependant n'est moins fréquent . Comme l'écrivait Paul Valéry,

" nous entrons dans l'avenir à reculons " .

Parce que demain prolonge aujourd'hui, nous sommes tentés de croire qu'il lui ressemblera . L'étude du futur n'a pas encore été systématiquement entreprise . C'est seulement il y a peu d'années que certaines grosses firmes industrielles ont ouvert à côté ou au-delà de leurs services de prévision des " départements du futur " ou des " bureaux des hypothèses " où l'on s'applique à dessiner d'une matière aussi rationnelle que possible, les divers visages que pourrait prendre le monde de demain . Le changement comme tel commence à retenir l'attention ...

L'attitude prospective ne nous tourne pas seulement vers l'avenir . Il faut ajouter qu'elle nous fait :

Regarder au loin .

A une époque où les causes engendrent leurs effets à une vitesse qui ne cesse de croître, il n'est pas possible de considérer simplement les résultats immédiats des actions en cours .

Notre civilisation est comparable à une voiture qui roule de plus en plus vite sur une route inconnue lorsque la nuit est tombée . Il faut que ses phares portent de plus en plus loin si l'on veut éviter une catastrophe .

La prospective est ainsi essentiellement l'étude de l'avenir lointain .

L'expérience a déjà montré que la tentative n'était pas absurde et que les résultats ne manquent pas d'intérêt. Un industriel, frappé par certaines de nos suggestions, réunit un jour les six directeurs de ses grands services et leur demanda de lui préparer un rapport sur ce que seraient, vingt-cinq ans plus tard, les domaines dont ils avaient la responsabilité . Ceux à qui l'on demandait un aussi curieux travail furent d'abord surpris, puis réticents et sceptiques . Pour ne pas contrarier le grand patron, ils cédèrent cependant à la demande qui leur était faite et préparèrent les rapports demandés .
Certains de ceux-ci furent d'une très haute valeur . Ce qui est plus remarquable est qu'ils étaient parfaitement convaincants tout en étant originaux . Ce qu'ils disaient était évident et pourtant nouveau : simplement, on n'y avait pas songé . Dans l'avenir comme dans le présent il y a plus de choses à " voir " qu'on ne suppose .

Encore faut-il vouloir regarder ...


Il ne faut pas croire d'ailleurs que la prospective ne puisse donner que de faibles assurances .


Comme elle ne cherche pas à prédire, et qu'elle ne s'intéresse pas aux événements mais aux situations, elle n'a pas à fournir de dates, ou si elle en indique c'est avec une très large approximation . Aussi peut-elle atteindre un degré élevé de certitude . C'est que les prévisions ont plus de chances d'être exactes lorsqu'elles portent sur une période longue que sur une période courte .


" La prévision économique, remarque François Bloch-Lainé [ haut fonctionnaire des finances, 1912-2002] , alors qu'elle est encore à ses débuts et mal assurée, n'est, en général, sollicitée que sur le sujet qui est, pour elle, le plus périlleux : la conjoncture à très courte échéance .


Pour l'économiste, en effet, rien n'est plus difficile que d'avoir à pronostiquer l'évolution de la bourse, voire celle des prix ou de la trésorerie publique ...

Les quelques chercheurs en économie politique dont les curiosités rencontrent celles des hommes d'action sont mis par eux à l'épreuve là où ils peuvent le moins les satisfaire . D'où les déceptions qui les séparent après des tentatives de rapprochement . La prospective conviendrait mieux à leur coopérations " .


Dans beaucoup de cas, on peut indiquer avec plus de certitude une tendance générale que la date et l'intensité d'un événement particulier . Si nous disons par exemple qu'en France, nous allons vers une diminution des heures de travail, ou encore si nous disons que les besoins " de culture " vont augmenter dans l'ensemble du monde, nous énonçons des jugements dont l'intérêt n'est pas négligeable et dont la probabilité est bien
plus élevée que celle de jugements portant sur la valeur de telles ou telles mesures pour faire baisser les prix ou pour encourager l'exportation .

Il ne s'agit pas ici, précisons- le, de méconnaître ou de sous-estimer les prévisions à court terme . Il est capital , au contraire, qu'elles se multiplient et qu'elles continuent à perfectionner leurs procédés et à affiner leurs méthodes .

Il ne s'agit pas de choisir entre prévisions et prospective, mais de les associer .

Chacune exige l'autre .

Il faut, à la fois, savoir dans quelle direction l'on marche et s'assurer de l'endroit où l'on va poser le pied pour le prochain pas .

.........................................................VOIR LARGE ......................................................

Dans les affaires humaines, toute action, comme toute décision, est synthétique . Elle intègre tous les éléments antérieurs . Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de vues lointaines et que l'on vit, comme à présent, dans un monde où l'interdépendance ne cesse de croître . Les extrapolations linéaires, qui donnent une apparence de rigueur scientifique à nos raisonnements, sont dangereuses si l'on oublie qu'elles sont abstraites .

Pour dépasser les vues étroites des spécialistes et décrire d'une manière concrète une situation éloignée dans l'avenir, rien ne vaut le colloque entre gens d'expérience, ayant des formations et des responsabilités différentes . Il ne convient pas d'imaginer ici une sorte de super-spécialiste qui serait chargé de réunir les informations recueillies par diverses équipes de statisticiens ou de chercheurs .

Il faut que les hommes se rencontrent et non que les chiffres s'additionnent ou se compensent automatiquement . Les documents agiront à travers ceux qui s'en seront nourris et qui pourront en livrer le sens . Et de cette confrontation entre les vues personnelles d'hommes compétents se dégagera une vision commune qui ne sera pas de confusion, mais de complémentarité .

................................... ......ANALYSE EN PROFONDEUR ..............................................

Les procédés les plus fréquemment utilisés pour suggérer ou justifier les décisions entrent généralement dans l'une des catégories suivantes :

L'action envisagée invoque un précédent ,

S'appuie sur une
analogie ou

Repose sur une extrapolation .

Précieux pour suggérer des hypothèses, ces comportements ont aussi l'avantage de nous épargner la perte de temps à laquelle nous obligerait la décision peu raisonnable de tout soumettre à l'analyse .

Il faut savoir utiliser l'habitude puisqu'elle nous libère des travaux de routine et rend notre esprit disponible pour les inventions indispensables .

Mais dans un monde en accélération, l'habitude voit son domaine légitime se restreindre singulièrement . Le précédent (qui s'est produit antérieurement ; fait antérieur qui permet de comprendre un fait analogue ; décision, manière d'agir dont on peut s'autoriser ensuite dans un cas semblable ) n'est valable que là où tout se répète . L'analogie ne se justifie que dans un univers stable où les causes profondes se trouvent engagées dans des formes extérieures aisément reconnaissables .

Quand les transformations sont négligeables ou très progressives, les mêmes ensembles complexes se maintiennent longtemps et les surprises ne sont pas trop à craindre.


Mais quand tout change vite, les ensembles se désagrègent ...


Quand à l'extrapolation, elle se contente de prolonger la tendance actuelle qui n'est que la résultante des causes profondes . Croire que tout va continuer sans être assuré que ces mêmes causes continueront à agir est un acte de foi gratuit .

C'est donc à une analyse en profondeur que la prospective doit se livrer . Recherche des facteurs vraiment déterminants et des tendances qui poussent les hommes dans certaines directions, sans que toujours ils s'en rendent bien comptent ...


...................................................... PENSER A L' HOMME .........................................


A bien des points de vue, la prospective ressemble à l'histoire et il n'est pas arbitraire que ce volume qui commence par l'une s'achève par l'autre .


L'une et l'autre portent sur les faits qui, par essence, ne sont jamais donnés :


Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, tous deux sont hors de l'existence .


Comme l'histoire aussi, la prospective ne s'attache qu'aux faits humains .


Les événements cosmiques ou les progrès de la technique ne l'intéressent que par leurs conséquences pour l'homme . Nous ne prétendons pas que l'homme soit " la mesure de toutes choses " . Dans les études prospectives, c'est lui, du moins, qui donne l'échelle .

Paul Valéry déplorait qu'on ne se posât point la question essentielle :

" Que veut-on et que faut-il vouloir ? C'est, ajoutait-il, qu'elle implique une décision, un parti à prendre . Il s'agit de se représenter l'homme de notre temps, et cette idée de l'homme dans le milieu probable où il vivra doit d'abord être établie . "

Ceci précise notre tâche .

L'avenir n'est pas seulement ce qui peut " arriver " ou ce qui a le plus de chances de se produire . Il est aussi, dans une proportion qui ne cesse de croître, ce que nous aurons voulu qu'il fût .

Prévoir une catastrophe est conditionnel : c'est prévoir ce qui arriverait si nous ne faisions rien pour changer le cours des choses, et non point ce qui arrivera de toutes manières .

Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse .

Alain écrit :

" Tant que l'on n'a pas bien compris la liaison de toutes choses et l'enchaînement des causes et des effets, on est accablé par l'avenir . "

La prospective est attentive aux causes . Ainsi nous libère-t-elle du fatalisme . "

Gaston Berger, Encyclopédie française, le monde en devenir, Tome XX .

Nous aurons l'occasion de revenir à cette notion très riche en développements de la réflexion sur les connaissances .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .



dimanche 23 août 2009

Où désire vous~ amener~* Gerboise? Cette réflexion de Herbert Spencer implique des considérations valables pour toutes les circonstances de la vie.

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* vous ~amener ~ : vous conduire,vous convaincre, vous entraîner petit à petit à quelque acte ou état de pensée , à des vérités efficientes : ces facultés de faire, de produire des effets .

" Il faut enseigner le moins possible et faire trouver le plus possible "

Herbert Spencer, philosophe anglais, 1820-1903, " Premiers Principes " 1862 .


" C'est en forgeant qu'on devient forgeron " : l' habileté manuelle et intellectuelle ne s"acquiert que par la pratique , en s'exerçant.

Les questions qui doivent venir immédiatement à votre esprit sont les suivantes :

- Que dois-je penser du précepte de Herbert Spencer (formule qui exprime un enseignement, une règle [art, science, morale, religion ], de cette sentence ?

- Dans quelle mesure peut-il s'appliquer à l'enseignement pour des enfants ?

I - Quelles étaient les intentions de Herbert Spencer lorsqu'il écrivit cette maxime, cette phrase pleine de sagesse : mettre en opposition deux méthodes de formation des jeunes esprits, une démarche expositive et une procédure interrogative ? C'est de nous indiquer certainement celle qu'il préférait !

II - Vous-même, que pensez-vous de cette certitude de l'auteur ? A l'évidence , de s'inspirer de ce constat et de réfléchir à toutes les conséquences des deux points de vue .

1 - Que se produit-il, en effet, quand le " maître [ l'adulte] , enseigne " c'est-à-dire parle, expose sans interruption ?

- Les enfants demeurent passifs ; il n'est pas donné satisfaction à leur besoin d'activité .

- Mobiles et distraits par nature, ils ne peuvent prêter aux leçons une attention soutenue ; bientôt ils n'écoutent plus et s'ennuient .

- Leur mémoire seule est en jeu .

" Dire les choses à un enfant ..., c'est faire de lui un simple réceptacle des observations d'autrui ... ; c'est le frustrer du plaisir de la difficulté vaincue, c'est remplacer l'attrait des connaissances qu'on se donne à soi-même par le dégoût d'un enseignement formel " [ H. Spencer] .

- Les élèves ne profitent qu'à un faible degré de l'enseignement qu'ils reçoivent . Cet enseignement d'ailleurs, ils ne le suivent que d'un esprit distrait, et souvent même ne le comprennent pas . Herbert Spencer s'élève contre

" la manie de gaver l'enfant d'une science qu'il ne peut digérer " ,contre

" la conviction, chez certains maîtres, qu'un jeune esprit n'est qu'un récipient inerte, et que toute instruction est nécessairement communiquée par autrui " .

- Il n'est jamais fait appel à l'esprit d'observation, au jugement, au raisonnement, à l'imagination .

Ces facultés n'étant pas développées, les élèves n'auront plus tard ni le goût, ni les moyens de continuer à s'instruire .

2 - Que se produit-il, au contraire, quand le maître " fait trouver " ?

- Les élèves jouent un rôle essentiellement actif, et l'activité est, pour eux, la première condition du succès .

- Ils prêtent, sans effort, une attention constante aux interrogations du maître .

- Leur esprit est toujours en éveil ; à chaque instant, ils sont appelés à observer, à juger, à raisonner .

" Les jeunes intelligences stimulées, comme par autant de défis, par des interrogations du maître, vont courageusement avec lui à l'assaut de la vérité " [Félix Thomas] .

Et l'effort porte avec lui sa récompense : quelle joie pour l'enfant, d'avoir " trouvé " , " découvert " , c'est-à-dire " triomphé " !

- Les connaissances se fixent aisément dans l'esprit de l'enfant .

" Tout fragment de savoir conquis par lui, tout problème dont il a trouvé la solution, devient son bien, sa chose, cela par droit de conquête ... L'activité d'esprit ... , la concentration de la pensée, sans laquelle aucun progrès n'est possible, l'excitation délicieuse qui accompagne le triomphe, tout concours à graver les faits dans la mémoire beaucoup plus profondément que ne le serait la lecture du meilleur livre ou la parole du meilleur maître " [ H. Spencer] .

- L'élève, l'enfant , habitué à trouver son plaisir dans l'étude, continuera à s'instruire, une fois sorti de l'école, à développer son esprit critique, à jauger les informations qui lui arrivent de toute part .

III - Dans une certaine mesure, jusqu'à quel certain point, ce précepte peut-il être mis en application, en pratique dans l'enseignement, la formation des enfants ?

Le précepte présenté est d'une application aisée, facile dans les classes de l'école primaire . Mais encore, faut-il que les enseignants, les adultes sachent se garder de toute exagération .

Herbert Spencer ne dit pas qu' il ne faut jamais enseigner, et qu ' il faut toujours trouver .

Sa préférence, qu'il indique nettement, n'a rien d'exclusif . Enseigner le moins possible, faire trouver le plus possible : telle est exactement sa pensée .

La part de la méthode d'exposition suivie et celle de la méthode interrogative, dans les classes des écoles primaires, varieront suivant la nature des leçons et suivant l'âge des enfants .

- Certains enseignements, ceux de la morale, des leçons de choses, du calcul, par exemple, s'accommodent parfaitement de l'emploi de la méthode interrogative . Mais le meilleur interrogateur ne fera jamais découvrir les faits de l'histoire ou les notions essentielles de la géographie . ~~~~~ Là, il faut bien " enseigner " . Cependant il sera toujours possible au maître de couper son exposition par quelques questions .

° Que pensez-vous de ce personnage ?

° Quelles vous paraissent être les causes de cet événement ?

° de ses conséquences ?

° Comment peut-on expliquer cette particularité géographique ? ...

L'élève sera ainsi invité à réfléchir, et souvent il " trouvera " .

- Le maître ne doit jamais s'abstenir de " faire trouver " , quand l'occasion s'offre à lui de recourir à ce moyen d'instruction . Mais, au fur et à mesure que ses élèves deviennent capables d'une attention plus prolongée, il restreint la part de l'interrogation .

L'interrogation, en effet, exige beaucoup de temps ; la méthode d'exposition, combinée avec la méthode interrogative, permet de faire étudier plus rapidement, au cours supérieur, les questions importantes du programme .

IV - Épilogue, conclusion .

C'est mal enseigner que de servir aux enfants la science toute faite, les faits bruts, non liés aux divers contextes .

Le bon maître ne parle pas seul ; toutes les fois qu'il lui est possible, il interroge, il suggère, " fait trouver " .

N'avez-vous pas remarqué les " rôles constructifs " que possèdent beaucoup de pages de ce blog ?

Comment se rendre compte, et surtout savoir si l'information que l'on "possède " et nos réflexions qui "imbibent " nos pensées ont été conçues, sont nées dans les structures de notre esprit, ou ont été acquises au contact du monde extérieur, toutes faites ?

C'est là, non pas une sinécure (situation de tout repos) , mais un réel problème . C'est ce que nous étudierons par la suite .

A bientôt, cordialement, Gerboise .

mardi 18 août 2009

Etats d'esprit*, comportements**, attitudes***, en présence de l'avenir ; sous tous les aspects du futur .

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* état d'esprit : ensemble des pensées, des dispositions, des façons d'agir habituelles .

** comportement : manière de se comporter, de se conduire .

*** attitude : disposition à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose ; ensemble de jugements et de tendances qui pousse à une conduite .

Développement de la technique, progression du social : l'ensemble de ce dont nous sommes aujourd'hui les témoins tend à confirmer cette partie de la prédiction des penseurs, en particulier celle du Père Pierre Teilhard de Chardin ( théologien, philosophe et paléontologue français, 1881-1955, entré dans l'ordre des Jésuites en 1899, il s'intéressa très tôt à la Géologie ; après sa thèse sur Les Mammifères de l'Eocène inférieur en France en 1922, il fut nommé professeur à l'Institut Catholique de Paris . Il participa aux fouilles dans le désert de Gobi des gisements de Sinanthropes à Chou k'ou-tien près de Peking , 1929) .

Mais en résultera-t-il une "montée " de l'humain ?

C'est là-dessus que les opinions peuvent diverger profondément, et de cette divergence résultent des attitudes très différentes en face de l'avenir qui s'annonce .

Nous pouvons nous exalter ( nous enthousiasmer, nous passionner) devant les perspectives ouvertes, et nous élancer au-devant d'elles, en rejetant le legs du passé comme un fardeau encombrant .

Nous pouvons nous retourner vers ce passé avec nostalgie ( regret mélancolique d'une chose révolue ou de ce que l'on n'a pas connu; désir insatisfait) , regretter qu'avec un certain genre de vie soient menacées de disparaître des valeurs peut-être irremplaçables .

Nous pouvons enfin, sans nier les changements qu'entraîne le cours de l'histoire, se demander s'il n'y a pas des traits inchangeables dans la nature et dans l'esprit de l'homme, et par conséquent des vérités que, depuis qu'elle a commencé à s'exercer, la raison humaine a découvertes une fois pour toutes . De sorte que, pour faire face aux conditions transitoires de l'actualité et pour s' avancer vers l'avenir avec assurance, il faudrait, - bien loin de rejeter l'héritage du passé comme inutile, - chercher dans ces vérités permanentes le solide appui qu'elles peuvent nous donner .

Dans les deux textes de Louis Armand ( élève de l'École Polytechnique et de l'École des Mines,membre de l'Académie des Sciences morales et politiques et de l'Académie française, ingénieur et administrateur français, 1905-1971, président de la S.N.C.F., puis de l' E.U.R.A.T.O.M.) qui suivent se dessinent ces diverses attitudes, par rapport auxquelles chacun, aujourd'hui, est amené à définir sa position devant les problèmes que lui offre notre temps .

Voici la première réflexion présentée par Louis Armand .

" Une vie entièrement nouvelle nous attend .

" Un caractère fondamental de la Société scientifique telle qu'on peut la prévoir, sans que son modèle existe à l'état pur, est d'être progressive, et de préférer la référence de l'avenir à celle du passé .

Cette tendance a déjà provoqué de nombreuses réactions qui marquent l'existence d'une opposition à cette évolution, cependant naturelle, inévitable et favorable dans l'ensemble .

Cette opposition défend une forme traditionnelle de " culture " , celle que les humanités symbolisent . Elle pose en principe, sans l'exprimer aussi nettement, que les références de l'histoire restent les plus valables car l'homme n'a pas changé (psychologiquement, émotionellement) et que, tout devant lui être ramené, lui seul devant être respecté, ce qui lui fut bon l'est toujours .

Cette attitude joue un rôle retardateur dans l'évolution de chaque pays . Elle explique en particulier le recul du niveau scientifique des études secondaires en France . Mais surtout, elle cause de violents remous dans l'opinion . On y fait naître un doute à l'égard de la valeur profonde des connaissances nouvelles, favorisant finalement l'attitude de ceux qui aspirent le moins à la culture au lieu d'accepter qu'elle évolue en intégrant les connaissances scientifiques, dont certaines se développent comme les plus belles épopées classiques, et en humanisant les conquêtes de la technique .

Cet aspect du problème mériterait un long développement, dont nous ne ferons que résumer ici les conclusions .

Certes, la mentalité de l'homme n'a pas évolué beaucoup depuis les temps historiques ; cependant, la suppression de l'esclavage et la chrétienté, pour ne prendre que deux facteurs " occidentaux " , ont modifié sensiblement ses attitudes .

D'autre part, et surtout, les transformations radicales que subit l'humanité en ce siècle n'ont pas eu d'équivalent dans le passé, depuis la révolution néolithique qui a fait apparaître l'agriculture et, avec elle, les notions de travail, et qui a fait triompher les sédentaires .

Il est probable que la mentalité de l'homme en a été modifiée profondément et la référence de l'histoire la plus adéquate à notre époque nous ferait donc nous attendre à un nouveau conditionnement créé par une vie entièrement nouvelle .

En tous cas les références à des sociétés sans moteurs et sans radio risquent d'être aujourd'hui souvent inutiles et parfois dangereuses . Et pourtant, un usage excessif est encore fait de ces appels ."

Louis ARMAND, Revue Prospective, n° 5, mai 1960 .


Voici le deuxième ensemble de réflexions proposé par le même auteur .


" Nous sommes parvenus à l'âge des structures en mouvement .

" Cette société a été complètement transformée par la révolution industrielle, surtout dans sa deuxième phase au cours du XXe siècle .
Elle doit, de ce fait, être littéralement " repensée " . Bien plus, comme l'évolution technique se poursuit et va peut-être même s'accélérer encore, il ne peut être question d'imaginer qu'au premier palier de la révolution industrielle [ celui du monopole des chemins de fer, de la marine, du statut colonial, de la haute bourgeoisie, du Stock Exchange, de l'armée de terre ...] va en succéder un autre aussi stable [ aussi stable que le pensaient les hommes de 1900 ] . Non .

L'ère du monde en mouvement s'ouvre et la pensée de Valéry sur la fin du monde fini doit être prolongée : c'est l'âge des structures en mouvement qui commence .

Il faudra, en effet, au lieu d'établir, comme ce fut le cas pendant très longtemps, des structures qui se perfectionnent avec l'âge autour de principes immuables, s'habituer à vivre avec des structures plus souples, susceptibles de se modifier en fonction du développement de l'équipement dont disposent les hommes .

De même qu'en mécanique, il a fallu introduire le facteur " temps " dans des phénomènes où il ne paraissait pas devoir intervenir avant la relativité, il va falloir " einsteiniser " la plupart des notions que nous avons sur les cadres de nos sociétés . La stagnation des techniques préindustrielles avait habitué à les croire rigides .

Les créations de la révolution industrielle depuis le XIXe siècle les font craquer de partout .


Une position objective devant la nécessité de cette mutation n'a pas fait l'objet d'un programme national ou politique, car leurs auteurs se sont toujours référés à des idéologies . Or, toutes les idéologies sont périmées, aussi périmées que les structures économico-politiques dont elles sont contemporaines .

Elles ont été établies avant la deuxième phase de la révolution industrielle, celle qui ouvre l'ère de l'abondance et de la planétisation .

Qu'il s'agisse de théories libérales, que l'école anglo-saxonne a largement développées pendant le XIXe siècle, qu'il s'agisse de Carl Marx, tout a été pensé, écrit et développé dans l'esprit qui résultait de la superposition d'une agriculture traditionnelle [ n'ayant subi qu'une lente évolution depuis des siècles ] et des premières industries avec leur prolétariat .

Or, ces deux tableaux du diptyque ( œuvre littéraire, artistique en deux parties symétriques) ont été modifiés .

Est-il sérieux de continuer à développer, à perfectionner les thèmes des penseurs du XIXe siècle quand les bases ne sont plus les mêmes ?

C'est une erreur fondamentale, un peu analogue à celle que commettaient ceux qui après les découvertes de Képler (sur le système solaire) , s'acharnaient à perfectionner les cosmogonies de l'Antiquité, et qu'auraient reniées les Maîtres qu'ils pensaient prolonger . Ces derniers - épris de vérité et de simplicité - auraient sans doute été les premiers adeptes du système solaire s'ils avaient été instruits des faits qui embarrassaient leurs disciples attardés ...

... C'est dans cet esprit que, suivant les leçons du XIXe siècle en ce qui concerne la méthode expérimentale dans les sciences, nous devons observer le phénomène économique et social de notre époque, observer en se gardant de faire référence à des textes d'hommes respectables mais dépassés .

Comme la Renaissance a effacé l' " Aristote dixit " du Moyen Âge , nous devons effacer les " Adam Smith dixit " ou " Marx dixit " .

Observons donc .

Mais observons avec l'esprit prospectif, c'est-à-dire en nous intéressant plus à l'avenir qu'au présent , à la synthèse qu' à l'analyse, à l'évolution de chaque facteur, non pas aux dépens des autres, mais en liaison avec eux, dans l'esprit de synthèse qui s'impose aujourd'hui, du fait de l'interdépendance, toujours plus étroite, des activités humaines les plus diverses .

Acceptons de penser librement avec enthousiasme, à ce qui va changer , à ce qui doit changer pour que cela change en bien et sachons que :

" L'attitude prospective est nécessairement une attitude courageuse . Elle consiste à regarder l'avenir, à tenter d'en découvrir les réalités futures et non pas à s'inquiéter des découvertes que l'on peut faire " ( M. de Douet de Grandville au congrès national de l'agriculture en 1961 ) ."

Essayons . "

Louis ARMAND et Michel DRANCOURT, Plaidoyer pour l'Avenir, éditions Calmann-Lévy.

A bientôt, cordialement, Gerboise .

lundi 10 août 2009

La matière grise : l'intelligence du cerveau ; les mémoires de l'ordinateur : l'intelligence artificielle [!] ( deuxième partie) * .

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* suite du texte du samedi 25 Juillet 2009 .

Nous venons de découvrir un livre passionnant publié aux éditions Odile Jacob, Avril 2009, écrit par Roland JOUVENT, professeur de psychiatrie à l'Université Paris-VI, Pierre et Marie Curie [il dirige le Centre Émotion du CNRS à l'hôpital de la Salpêtrière] : LE CERVEAU MAGICIEN, de la réalité au plaisir psychique .

Au début de son chapitre 2 ~ " L'animal en nous " ~, il nous parle de l'intelligence humaine comparée à celle présumée de l'ordinateur ; voici une citation de ses réflexions :

" On a longtemps douté que l'ordinateur puisse un jour dépasser l'intelligence humaine . Pour le calcul, la logique, désormais c'est chose faite . Aujourd'hui, les machines intelligentes sont des supercalculateurs dont la capacité, en vitesse et en quantité d'informations traitées, surpasse les capacités humaines . Le jour est venu où le champion d'échecs perd contre l'ordinateur .

Oui mais voilà, l'ordinateur n'a pas d'humanité (acception purement objective : ensemble des caractères constitutifs de la nature humaine ; au sens concret : familiarité avec les chefs-d'œuvre de la littérature, des sciences humaines ...) . " Il ne sait pas bluffer au poker " . Il ne sait pas non plus rêver ... Mais il oblige l'homme à se définir par rapport à lui : en quoi ne sommes-nous pas simplement des superordinateurs ?
Parce que nous appartenons au monde du vivant et parce que notre histoire et nos comportements sont en permanence revitalisés par la présence d'un animal en nous .

C'est lui qui aide au développement de nos facultés intellectuelles, et qui continue de les alimenter tout au long de la vie . Procréateur devenu partenaire, il demeure aussi un havre pour soulager les tourments de l'esprit .

Appartenir au vivant

C'est l'appartenance au monde du vivant qui définit les humains . Ce naturalisme implique la présence de caractéristiques propres au vivant, héritées de l'évolution .

Depuis leur origine, tous les organismes vivants partagent un double objectif commun : survivre et perpétuer leur espèce .


Les ordinateurs n'ont pas cette préoccupation . La maladie les laisse indifférents : ils se fichent de tomber en panne . Chez eux, l'angoisse de mort n'existe pas . Leur vraie faille, c'est qu'ils n'ont pas peur de finir dans une décharge sans avoir eu d'enfants ...

Ce sont aussi ces deux lois du vivant, la lutte pour la survie et la perpétuation de l'espèce, qui sont à l'origine de la formation de liens solides entre les individus . L'attachement et l'amour sont les conséquences évolutives les plus abouties de ces deux lois initiales . Les fourmis ont pu trouver en groupe des règles de coopération dynamique, les abeilles ont inventé l'organigramme social . Les petits mammifères ont teinté d'affectivité la sexualité initialement vouée à la seule reproduction . Les vertébrés ont crée le clan puis la famille, et les hommes, peut-être même les primates, sont tombés amoureux . "

Roland JOUVENT


Contraste, disproportionnalité, divergences, diversité, hétérogénéité des performances [ résultat optimal, qu'un être, une machine, peut obtenir] .

Le cerveau et l'ordinateur reçoivent des informations, les traitent et donnent une réponse . Leurs performances respectives doivent être comparées dans chacun de ces trois temps .

1 - Les stimulations*enregistrées par les centres sensoriels du cerveau sont de natures très diverses :

*actions de stimuler : d' augmenter ou de provoquer l'activité ; stimulus : agent physique ou psychique susceptible de provoquer, de déclencher une réaction chez un être doué d'un système sensoriel, de causer des réactions réflexes .

mécanique, chimiques, thermiques, ondulatoires ; elles viennent du monde extérieur ou de la profondeur des tissus .

L'ordinateur ne capte bien entendu que celles qui viennent de l'extérieur et qui sont mécaniques ou sonores ou visuelles ; il ne le fait pas avec autant de nuances que nos organes de la vision , de l'audition et du tact mais, grâce à des caméras vidéo, des cellules photoélectriques, des capteurs de toute nature, il peut détecter un champ plus étendu de radiations électromagnétiques : infrarouge, ultrasons, rayons gamma, ondes hertziennes, et de vibrations au-delà de notre registre (domaine de sensibilité ) infrasons , ultrasons .... Il peut également détecter des molécules gazeuses grâce au chromatographe ; mesurer l'acidité, la présence de substances dissoutes et leurs concentrations ; la température, la pression, la conductibilité électrique ou thermique des corps ; les champs magnétiques ou électriques... etc. Il est de plus sensible aux ordres donnés à grande distance : la télématique, mot créé en 1978, est l'union du téléphone [télé] et de l'ordinateur [matique] . En ce qui concerne les stimulations de nature chimiques,gustatives et olfactives et du toucher [tactiles] , surtout de nature subjectives, le cerveau est certainement supérieur .

2 - Les performances motrices de l'ordinateur sont stupéfiantes .

Une machine peut réaliser automatiquement un mouvement ou un programme de mouvement . Le plus simple, celui d'une machine à laver, suit un cycle automatique dans lequel sont déterminés le temps de lavage, la température, le dosage des produits ; S' il y a une panne de courant électrique, elle s'arrête et reprendra son cycle après la panne mais, pendant ce temps, l'eau aura refroidi ; un ordinateur pourvu de capteurs peut, au retour du courant, mesurer la température de l'eau et remplacer la personne qui aurait réalisé cette modification . Les robots dits de [première génération] ne sont pas dotés de moyen de perception . Les robots de [deuxième génération] peuvent évaluer leur environnement grâce à des caméras vidéo ou à des senseurs à laser ; ils reconnaissent des pièces parmi d'autres grâce à leur couleur et les prennent ; leur sens tactile les guide exactement pour percer un trou après avoir pris la pièce . Les robots dits de [ troisième génération] sont capables de décider des mouvements, de voir un obstacle et de l'éloigner ou de le contourner .

Les machines automatiques et robots ont l'avantage sur l'homme de travailler 24 heures sur 24 , et de ne pas être syndiqués, ni de faire grève ! Ils n'oublient pas, ne se fatigues pas et se montrent supérieurs à l'homme dans de nombreuses actions spécialisées . Ils effectuent rapidement et sans défaillances des calculs arithmétiques longs et compliqués dont l'homme est incapable ; ils se substituent à l'homme pour un nombre croissant de travaux, réservent les places d'avion, les chambres d'hôtels, comptabilisent, gèrent les stocks, les fichiers, les résultats des élections, mémorisent des millions d'informations, retrouvent parmi d'autres, tentent de prévoir en se basant sur le passé [ météorologie], remplacent l'homme dans tous les travaux répétitifs .

Équipé de lasers et de capteurs, l'ordinateur voit en stéréoscopie et évalue les distances avec une extrême précision, soude des pièces, peint des carrosseries de voitures, dirige le vol et l'atterrissage des avions, va dans l'espace faire des photos, recueillir des échantillons de roches, réaliser des analyses chimiques ... Les superordinateurs règnent déjà sur la prospective économique du marché mondial . Dans le domaine de la médecine, ils sont à l'origine d'une mutation technologique qui va des appareils modernes de laboratoire aux techniques d'exploration fonctionnelle et de traitement des images [ caméra à scintillation, tomodensitométrie ] .

La différence entre le cerveau et l'ordinateur est essentiellement dans les capacités de réflexion et de programmation .

A - L'ordinateur n'est pas capable d'initiative et de jugement, il ne modifie pas son programme face à des situations imprévues ?

Certains spécialistes de " l'intelligence artificielle " pensent que cette dernière devrait débuter à partir du moment où une machine est capable de réaliser une action pour laquelle elle n'a pas été programmée . W . Skyvengton [ Machina Sapiens, édition du Seuil, 1976 ] , admet, dans son ouvrage, que la création d'une telle machine adaptative capable de modifier elle-même son programme n'a rien d'impossible . On peut apprendre à un ordinateur à jouer aux échecs . Il sera capable de sélectionner les meilleurs coups .
Si deux ordinateurs jouent l'un contre l'autre, c'est celui qui est le mieux programmé qui doit gagner ; la même chose est vraie pour l'homme . Le premier championnat du monde de jeux d'échecs par ordinateur s'est déroulé en 1970 à l'Hôtel Hilton à New York . Si les échecs sont dans les capacités de l'ordinateur, personne ne peut prétendre qu'il puisse devenir un bon joueur de poker ou de scrabble .

Les ordinateurs " classiques " capables de digérer et de recracher des quantités énormes de données ont des programmes faits de suite d'opérations mathématiques qui doivent être exécutées dans un ordre prédéterminé mais ils sont incapables d'imiter " le raisonnement, la déduction, la comparaison des faits, la création d'analogies, d'exemples .

Les ordinateurs de type récent du " système expert " sont capables de stocker le savoir scientifique d'un expert humain pour le mettre à la disposition d'utilisateurs non experts . Ils contiennent tous les composants indispensables, une base de connaissance, une base de faits et un interpréteur contrôleur .

B - Le travail de la machine reste dans le domaine rationnel fondé sur une documentation ; elle ne sera jamais capable d'atteindre le suprarationnel .

Elle ne peut pas avoir conscience des concepts abstraits éthiques : le bien et le mal , et esthétiques : la beauté et la laideur ou de la notion de plaisir ou de déplaisir .

L'homme a le privilège par rapport à l'animal et à la machine de pouvoir distinguer un Raphaël d'un Picasso, de formuler des appréciations artistiques ou morales, impossibles à coder dans toutes leurs nuances .

La machine peut raisonner [ de la façon dont le concepteur du logiciel l'a prévu] mais ne peut pas créer [ de toutes pièces] (à partir de rien) .

Les essais de création artistiques, peinture et musique réalisés par ordinateurs n'inclinent pas à modifier l'opinion sur la qualité de ses capacités créatives . Même avec des capacités de stockage supérieures à celles du cerveau, les ordinateurs ne feront jamais que ce qui leur est dicté .

COMPARER LE CERVEAU à UNE MACHINE EST INSUPPORTABLE car elle s'accorde avec les conceptions de CEUX QUI NE CRAIGNENT PAS de S'ARROGER ( s'attribuer, s'octroyer, un droit, une qualité, sans y avoir droit) LE DROIT de CONTRÔLER, de MANIPULER, de PROGRAMMER les ESPRITS .

Nous poursuivrons dans une troisième partie ce thème en analysant les problèmes de la malléabilité de l'esprit .

Le pouvoir de l'homme sur l'homme s'accroît .

Maître de la procréation, en partie maître de la génétique, de plus en plus maître de l'esprit,

" L' Homme balance de l'espoir à l'inquiétude "

Jean Bernard

Bien à vous, cordialement, Gerboise .

jeudi 6 août 2009

La musique, principales apparences et configurations

Un clown et son instrument à vent .
Un autre clown et son instrument à cordes .


" Imagine, maintenant : un piano . Les touches ont un début . Et les touches ont une fin . Toi, tu sais qu'il y en a quatre-vingt-huit, là-dessus personne ne peut te rouler . Elles ne sont pas infinies, elles . Mais toi, tu es infini, et sur ces touches, la musique que tu peux jouer, elle, est infinie . Elles, elles sont quatre-vingt-huit . Toi, tu es infini . "

Alessandro BARICCO, Novocentro .


" Le plaisir étant éphémère et le désir durable, les hommes sont plus facilement guidés par le désir que par le plaisir ."

Gustave LE BON


Plaisirs, infinités de la musique : ses configurations, ses apparences .

On sait que les vagues qui se dressent, qui se soulèvent à la surface de la mer, ne sont pas d'une forme simple, et que chacune d'elles est constituée de petites " vaguelettes " distinctes, surajoutées de façon à constituer un relief et un mouvement d'ensemble .

En acoustique, ce fait sert habituellement de comparaison quand on veut expliquer comment se décompose une onde sonore ; mais l'esthéticien et le psychologue peuvent employer la même image pour donner une idée des phénomènes très nombreux, de nature différente, qui entrent comme une série d'harmoniques ( son musical simple dont la fréquence [ nombre de périodes ou de cycles complets de variations d'un mouvement périodique qui se succèdent en une seconde ; fréquence d'un son par laquelle il est aigu ou grave, nombre de vibrations sonores par unité de temps, dont dépend la sensation de hauteur] est un multiple entier de celle d'un son de référence [son fondamental] indéfinie dans l'expression musicale ) et y trouvent leur unité .

La musique est un souffle qui passe, une vague de l'air ... une succession de compressions, puis de décompressions périodiques du milieu matériel, du fluide constitué par l'air !

Si on ne considérait que la sensation produite, rien ne serait plus éphémère et plus décevant ; mais dans ce souffle, peut parler avec éloquence l'âme d'un Beethoven : il est capable de porter, avec la mise en œuvre d'une technique spéciale et la projection au dehors de lui-même, d'une personnalité d'élite, une représentation de la vie sociale, de l'ethnie, de l'humanité, de certaines lois de la nature, avec quelque chose de supérieur encore, ou d'autre .

Si on les connaissait seulement par l'oreille matérielle, l'éloquence verbale, la poésie déclamée, seraient, elles aussi, une brève et vaine caresse des sens ; comme elles, la musique doit à une complexité très grande sa magique puissance d'émotion .

Interprète et créatrice d'états psychiques profonds, fine émanation de l'esprit, dynamisme subtil de la vie morale, elle est sentiment et pensée à la fois .
Dans l'enchantement des sons elle met une logique pour l'intelligence, un langage d'amour pour le cœur, une architecture et une plastique pour l'imagination .

Elle est le point de rencontre de la loi des nombres qui régit le monde et de la libre fantaisie qui crée des possibles . Déterminée de tous côtés par la vie de relation, elle est, en même temps, un bel exemple de cette spontanéité de la raison qui atteint

" plus haut que la théologie et la philosophie " [ Beethoven]

Par l'accord de ces contraires, elle représente et fait agir sur nous, en élargissant le petit domaine du moi , l'harmonie de mondes différents .Les grands musiciens n'emploient pas, comme les poètes, l'intermédiaire du verbe : ils connaissent par intuition directe et ils voient plus loin . On a pu dire que, devant le sublime intérieur où ils nous élèvent, le sublime extérieur de l'océan était vulgaire, et celui des étoiles, glacé .

Pour expliquer cette vague sonore formée de tant d'autres vagues, cette chose aérienne et fugace, si complexe et riche de sens - dont il faudra renoncer à pénétrer entièrement le secret - on doit faire intervenir plusieurs sciences .

Nous pouvons en compter jusqu'à sept . Occupant des domaines aux frontières indécises, elles se partagent le travail et essaient de résoudre des séries de problèmes distincts .

Et chacune d'elles ouvre une perspective de merveilles .

D'abord, qu'est-ce qu'un son ?

Comment mesure-t-on les sons ?

De quoi dépendent leurs qualités de force, de timbre, d'acuité ?

Quelle différence essentielle y a -t-il entre ceux que produisent la voix humaine, les instruments à cordes, ceux à tuyaux sonores, et ceux que produisent les membranes, les plaques, les verges métalliques ?

Voici les différents domaines à explorer :

1 - l' acoustique .

Les sons une fois émis objectivement, suivant des lois indépendantes de notre volonté, comment les percevons-nous ?

Quel est le mécanisme de l'oreille ?

Notre appareil auditif s'accommode-t-il, dans sa totalité, aux impressions sonores, ou bien a-t-il un organe de perception tout prêt pour chacune d'elles ?

Qu'est-ce que la consonance et la dissonance ?

Voici un ensemble de questions pertinentes, auxquelles il sera nécessaire d'apporter une ou des réponses !

2 - la physiologie .

Les principes dégagés par ces deux sciences peuvent-ils être expliqués, comme le voulaient Pythagore, Descartes, Euler, par des rapports de nombre plus ou moins simples ?

Faut-il dire avec Leibnitz, que " la musique est un exercice inconscient de calcul ? "

Voilà encore deux questions qui demandent des réponses précises !

3 - les mathématiques .

Ces dernières, lorsqu'elles ont pénétré en nous pour être saisies et ramenées à l'unité par la conscience, que deviennent les impressions sonores ?

Qu'en font la mémoire, la sensibilité, l'imagination, l'intelligence ?

A quels états psychiques donnent-elles lieu ?

Par quels processus d'abstractions le musicien s'élève-t-il à une manière de penser toute différente de celle du poète et des autres artistes ?

Quelle part faut-il faire ,en lui, à l'inconscient ?

Ici, encore, sont posées " un flot de questions essentielles " très judicieuses !

4 - la psychologie .

Nous n'avons plus affaire à des sons, mais à des synthèse de sons, à une œuvre : que signifie cette œuvre ?

Y a-t-il un critérium pour en déterminer la valeur ?

5 - l'esthétique .

Ce n'est pas seulement une œuvre , c'est l'ensemble de toute les œuvres, leur genèse et leur enchaînement à travers les âges, que nous voulons connaître .

Comment les divers genres de composition se sont-ils formés ?

Quel fut le rôle de la musique dans la civilisation, depuis ses plus humbles débuts ?

Ici intervient l'histoire, avec ses annexes : l'archéologie et l'étude des monuments figurés pour la période primitive où les documents notés font défaut ; la philologie ( étude historique d'une langue, par l'analyse critique des textes) , indispensable, puisque, pour la seule musique occidentale, tous les traités antérieurs au XVIe siècle, sont écrits, sauf de rares exceptions, en latin ou en grec ; la paléographie, qui a pour objet le déchiffrement des écritures musicales de l'antiquité et du Moyen âge .

Enfin, quel est le rôle de la vie collective dans la formation des divers types de musiques ?

Les éléments de ce qu'on pourrait appeler la grammaire du langage des sons [ et, a fortiori, les caractères généraux des œuvres fondées sur cette base, leur signification et leur évolution] ne supposent-ils pas une société qui leur impose des formes provisoires, et sans laquelle les règles techniques n'existeraient pas ?

Questions réservées à la sociologie, qui, pour l'essai de ses forces, trouverait difficilement de plus beaux sujets que ceux-ci : l'incantation primitive, le plain-chant, le contre-point, la fugue, la symphonie .

C'est un programme un peu déconcertant par son ampleur ! Mais c'est aussi l'apprentissage de l'art de savoir se poser des questions qui, vont provoquer notre réflexion et nous faire progresser dans la compréhension de nos connaissances et , plus intéressant encore, nous permettre de développer notre esprit critique et nous donner l'occasion d'apprendre à " jauger " les informations qui nous parviennent de toute part, plus ou moins bien vulgarisées, surtout les réponses à ces dernières qui concernent des sujets, des concepts, que nous ne dominons pas parfaitement et qui parfois nous dépassent.

A bientôt pour les réponses à ces interrogations . Cordialement, Gerboise .

lundi 3 août 2009

Le cadre, les fondements de l'oeuvre d'art: l'apparence*,l'arrangement# la forme ; le discernement**, la signification, l'esprit, l'émotion# le sens .

.

*apparence : l'aspect qui nous apparaît de quelque chose, ce qu'on perçoit ou ressent d'une personne ou d'une chose, des sons, des bruits, de tout ce qui nous entoure dans notre environnement en se faisant remarquer d'une façon ou d'une autre ; la manière dont cet " élément " se présente à nos yeux, à nos oreilles, à notre nez, à notre palais, à la perception tactile de l'extrémité de nos doigts ; le caractère, le trait propre à cet ensemble , qui permet de le distinguer d'un autre, de le caractériser,de le juger . Parfois, l'aspect trompeur des choses : se défier des apparences, se distingue de phénomène .

** discernement : discerner, voir en séparant, distinguer ; voir distinctement une chose, entendre précisément un son de manière à connaître en quoi il diffère d'autres " bruits " ! ; disposition naturelle à discerner avec justesse, avec plus de finesse, de subtilité, de délicatesse .

La sensibilité (opposé à l'action ou à la réflexion) le sentiment esthétique ( la connaissance intuitive , l'émotion) peuvent se décrire comme l'harmonieuse exaltation ( l'enthousiasme, la griserie, l'effervescence, la grande excitation de l'esprit) qu'introduit dans le jeu de nos facultés la contemplation ( le fait de s'absorber dans l'observation attentive de quelqu'un, de quelque chose ) d'une œuvre dont la signification nous saisit, en même temps que son eurythmie ( harmonie dans la composition, bel ordre, belle proportion entre les parties) nous enchante .

Cette œuvre s'offre à nous comme un assemblage de lignes, de couleurs, de sons ou de mots,dont nous subissons dès le premier abord le pouvoir séducteur ; mais ces formes qui lui donnent son aspect sensible ne sont pas des formes vides : il s'en dégage un sens qui s'adresse à notre esprit .

De ces deux éléments de l'œuvre d'art, lequel a le poids déterminant dans sa valeur esthétique ?

- La signification, la ferveur, l'harmonie .

Dans toutes les situations, à toutes les époques, aucune esthétique ( science du beau dans la nature et dans l'art ; conception particulière du beau, qui a un certain caractère de beauté) n'a soutenu que la valeur d'une œuvre n'ait rien à voir avec sa forme : il n'y a pas de valeurs esthétiques en dehors de ces réalités que sont les œuvres, et une œuvre n'existe pas hors de la forme qui la réalise . Mais on peut dire qu'elle n'existerait pas non plus sans une idée pour l'inspirer, et les doctrines de l'époque classique tendaient à donner la prééminence à cette idée inspiratrice : la sublimité ( caractère de ce qui est sublime : qui est très haut, dans la hiérarchie des valeurs morales et esthétiques) d'un discours, comme on disait au XVIIe siècle, suppose d'abord la sublimité de la pensée, et le travail de de l'art consiste à donner à cette pensée une forme qui en assure la parfaite expression .

Est-ce là cependant toute l'activité de l'art ?

S'il en était ainsi, il n'y aurait pas de différence entre la poésie et la prose . Ce qui les distingue radicalement ( essentiellement, parfaitement) , c'est que, dans la poésie, intervient un élément inutile à l'expression, mais indispensable à l'existence de la poésie comme telle : ce que Paul Valéry appelait " le physique du discours " , ce par quoi le poème agit immédiatement sur nos sens, le son, le rythme, la musique des mots, l'effet séducteur de leur harmonie .

Comme l'a écrit l'abbé Henri Brémond [ 1855-1933, auteur d'une histoire littéraire et d'études critiques extrêmement fines dans lesquelles il a tenté de définir l'essence de la poésie, membre de l'Académie française] , la poésie est, comme la prose, un discours, mais un discours qui revêt la forme d'un chant .

Pourtant, nous retrouvons en tout art un facteur analogue à ce qu'est le chant en poésie, et, en tout art, cet élément d'harmonie apparaît comme nécessaire à la beauté .

- Essence, nature de l'harmonie de pure forme, structurelle .

Il est laborieux, ardu, périlleux de l'analyser . Les symétries, les rythmes y tiennent certainement une place essentielle : notre corps retrouve en eux ses lois de structure et de fonctionnement, et leur régularité répond aux exigences d'ordre de notre esprit .

Ce qui est régulier étant exprimable par des relations mathématiques simples, on a parfois voulu faire consister la beauté dans ces relations, identifier le plaisir esthétique à leur perception plus ou moins consciente, et fonder sur leur connaissance la création artistique, qui deviendrait affaire de calcul . Mais ce qu'il y a de quantitatif dans une œuvre n'en est que l'épure ( ébauche, esquisse) .Faite sans doute, pour une part, de régularités mesurables, dont l'importance est évidente en architecture et en musique, l'harmonie est faite aussi de pures qualités sensibles, qui échappent à tout calcul . Comme Paul Valéry le disait à propos de la poésie :

" Nous avons beau compter les pas de la déesse, en noter la fréquence et la langueur moyenne, nous n'en tirons pas le secret de sa grâce instantanée "

- Le conventionnel, le formalisme esthétique .

Cette composante, dont l'analyse n'éclaircit pas totalement le mystère, revêt une valeur telle aux yeux de certains artistes et de certains esthéticiens, qu'ils inclinent ( prédisposent) à en faire le tout de l'œuvre d'art . C'est là ce que l'on appelle le " formalisme " esthétique .

Le peintre, décorateur, dessinateur, graveur et écrivain français, Maurice Denis , 1870-1943, en indiquait l'esprit dans une boutade devenue célèbre :

" N'oublions pas qu'avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées . "

Paul Valéry, nous le verrons, a fortement subi la tentation du formalisme, et le grand historien de l'art et esthéticien français Henri Focillion, 1881- 1943, " La vie des formes " , 1939 , en a été l'un des doctrinaires .

Faut-il croire avec ceux-ci que l'eurythmie formelle ( harmonie dans la composition,, bel ordre, belle proportion entre les parties) soit le tout de la beauté ?

Elle est le tout des arts décoratifs . Mais, dès leurs premières origines, les arts supérieurs se sont constitués comme des langages . C'est les diminuer singulièrement, semble-t-il, que de prétendre que leur seul rôle soit de jouer avec des formes vides .

Parlant de son art, Delacroix [ Eugène, peintre, aquarelliste, dessinateur et lithographe français, 1798-1863 ] s'écriait :

" Domaine précieux de la peinture ! Silencieuse puissance qui ne parle d'abord qu'aux yeux, mais qui gagne et s'empare de toutes les facultés de l'âme ! "

C'est lorsque toutes les facultés de l'âme sont ébranlées par une œuvre que nous sommes, à ce qu'il semble, vraiment en présence du tout de l'art et de la beauté .

- La force expressive,le pouvoir, le don évocateur des formes esthétiques .

Comment l'art peut trouver dans les formes sensibles des moyens d'expression, il est relativement facile de le comprendre . Les mots qu'emploie le poète sont chargés du sens que l'usage leur confère (leur attribue, leur donne, leur accorde en vertu d'une autorité) . Les formes dont se servent les autres arts ont, elles aussi, des sens, qui leur sont naturellement liés : les unes, celles des êtres et des objets que le peintre figure sur sa toile, sont immédiatement significatives ; d'autres le sont métaphoriquement, en vertu de certaines analogies d'ordre affectif ou, comme disait Baudelaire [Charles, écrivain français, 1821-1867 ] , de certaines " correspondances " qu'attestent les métaphores dont la langue usuelle est parsemée .

C'est le propre de la sensibilité artistique, de percevoir ces correspondances .

Par leur découverte s'est constitué le langage des arts, que chaque artiste enrichit de ses propres trouvailles .


Sans doute sommes-nous maintenant mieux à même de voir sous son véritable aspect la question dont nous sommes partis : en cours de route, en effet, s'est effacée la distinction, esthétiquement artificielle, entre une forme et un sens qui ne se saisit que dans cette forme, tandis que s'affirmait en même temps la différence entre les qualités d'harmonie des formes et leurs vertus d'expression .

A l'une ou à l'autre de ces deux valeurs, chaque artiste, chaque amateur, selon son tempérament, accorde la préférence . Mais le grand art ne résulte-t-il pas de leur union ?
C'est une conclusion qu'a proposée René Huyghe [historien d'art français, académicien , 1906- 1997, il obtint la chaire de psychologie des arts plastiques au Collège de France en 1950, et a été conservateur du Louvre, ] , en offrant à nos réflexions cette définition de la beauté :

" Une signification spirituelle s'exprimant dans une harmonie formelle ."

Nous poursuivrons, ce thème en vous présentant les facteurs du sentiment esthétique développés dans un texte de Henri Delacroix [ Psychologue et philosophe français, 1873-1937 ] , Psychologie de l'art, essai sur l'activité artistique, 1927 .

Bien à vous, cordialement, Gerboise .