mardi 27 octobre 2009

Quelques réflexions et sentiments sur la Technique, sans parler des sciences : de quoi s'agit-il ?


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La technique pénètre peu à peu dans la vie paysanne , dans le monde agricole ; ci-dessus une des premières batteuse à vapeur, vers 1859 .

Les fonderies vont participer à la grande extension des techniques de l'industrie naissante ,vers 1740 . La force motrice est loin d'avoir remplacé d'une manière générale la force humaine . Ci-dessus, ces enfants travaillent dans les ateliers de coulage de la fonte ; ils sont astreints à des travaux longs et pénibles .


Atelier de Lutherie à Mirecourt dans les Vosges, industrie importée d'Italie en 1662 dans lequel nous pouvons observer les ouvriers luthiers exerçant un ensemble de techniques diverses .

Métiers et techniques vers 1830 . La tradition artisanale française [et ses différentes techniques] se perpétue dans le goût traditionnel et l'amour des belles choses . Vous pouvez observer sur la figure ci-dessus : reproduction d'une gravure sur bois d'après une estampe populaire de Metz, les attitudes séculaires {de gauche à droite, et de haut en bas} d'un bourrelier, puis d'un tonnelier, puis d'un charron, puis d'un relieur, puis d'un cordier, puis d'un boulanger, puis d'un bimbelotier ( fabrication des bibelots) et enfin d'un vannier .

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" Notre serrurier est devenu un artiste . Il a si bien travaillé le métal que celui-ci se fond dans l'architecture ; il en a fait des grilles superbes qui mettent le panorama en valeur sans le cacher . Le fer se fait aussi souple que le bois . Il se tord en feuilles légères et mobiles ; une fois sa rudesse disparue, il devient une matière vivante . "

Louis-Sébastien Mercier, écrivain, dramaturge (auteur d'ouvrages destinés au théâtre) et publiciste français, 1740-1814 , La mécanisation au pouvoir .

Nous allons " toucher du doigt " ce que l'on nomme la technique, cette catégorie de pensée qui s'exerce sur l'action elle-même, et s'expérimente, s'instruit par de continuels essais, tentatives et tâtonnements (avancer sur la pointe des pieds !) .

Comme on observe qu'un individu même inexpérimenté à force d'user (d'utiliser, de se servir) d'un mécanisme,de le manipuler et de le pratiquer de toutes les manières et dans toutes les circonstances et conditions, finit par le connaître d'une certaine manière, et tout à fait différemment qu'un autre qui aurait servi au préalable la science, la grande différence entre ces deux hommes, c'est que le technicien ne distingue point l'essentiel (qui est absolument nécessaire) de l'accidentel ( qui est dû au hasard) .
Tout est équivalent, pareil, semblable pour lui, et il n'y a que le succès qui rentre en ligne de compte, qui lui importe . Ainsi un agriculteur peut se moquer d'un agronome, un bouseux (un paysan) d'un vétérinaire ; non qu'un paysan sache ou seulement soupçonne pour qu'elle raison l'engrais chimique, ou le nouvel assolement ( procédé de culture consistant à diviser les terres labourables en parties égales[soles] et à y établir, successivement et en alternant, des cultures différentes pour conserver la fertilité du sol) , ou un labourage profond n'ont point donné ce qu'on attendait, seulement, par une longue pratique, il a réglé toutes les actions de culture sur des petites différences qu'il ne connaît point mais dont pourtant il tient compte, et que l'agronome dans un cas, ou le vétérinaire dans un autre, ne peut pas même soupçonner .

Quelle est donc la particularité, le propre de (la qualité distinctive qui caractérise, qui appartient à une chose, à une personne) de cette pensée technicienne ?

C'est qu'elle essaie ( essayer de : faire des efforts dans le dessein de[s'efforcer, tenter de] ) avec les mains au lieu de chercher par la réflexion .

Le premier mouvement de l'horloger, qui est de secouer un réveil muet, est un mouvement de technicien . Et comme il y a une manière de secouer qui est plus utile qu'une autre, il y viendra naturellement ; le principal effort de la pensée est ici de remarquer le succès en même temps que les circonstances et les actions, sans rien omettre (négliger,laisser de côté) . J'ai constaté, remarqué, chez les gens de métier une mémoire exceptionnellement tenace (qui respecte et fait respecter ses opinions, ses décisions avec fermeté et constance) , et à peu de chose près anecdotique, de leurs moindres essais . Cependant il nous semble qu'on peut distinguer à ce sujet deux espèces , deux variétés de techniques ; car il y a celle qui essaie sans dommage et constate aussitôt l'effet, comme il arrive dans les mécaniques ; au contraire dans la pratique agricole de monde rural, les essais coûtent cher (surtout s'ils ne conduisent pas à des résultats probants, décisifs ) et le résultat se fait attendre longtemps . Entre les deux nous mettrions le médecin, l'ensemble du corps médical , mais également, par exemple,la fonderie (les métiers du feu) , dont les essais sont toujours sont toujours tâtonnants et prudents, mais qui peuvent presque toujours essayer sans grands risque .

Il est évident, manifeste, clair, sans équivoque, que le technicien qui, de ces trois, réfléchit le moins, c'est le mécanicien, qui à chaque embarras , difficulté, inconvénient fait, en quelque sorte, la revue des moyens, et les essaie promptement, en un instant, en deux temps trois mouvements, souvent même avant d'avoir observé . L'homme du " serment d'Hippocrate " observe d'abord . En ce qui concerne l'homme de la terre, le paysan, il est plutôt ramené par la pratique de son métier à suivre une règle d'action bien des fois mise à l'épreuve ( éprouvée, vérifiée) .

On pourrait appeler technique immédiate cette technique qui est aussitôt redressée par l'effet, comme on voit dans la mécanique, la physique , la chimie et la biologie .

C'est à ce moment là, dans ces conditions, que nous pensons avec nos mains(!) et que des milliers d'essais entraînent bien plus loin que l'observation la plus pénétrante, perspicace, pertinente , subtile .
Ne faut-il pas se prononcer, considérer la technique pure, et préciser quel est le genre d'esprit qu'elle engendre et laisse présager, entrevoir, qu'elle laisse envisager . Cependant il est évident que rien ne peut garder de la précipitation, dès que l'habileté technique est acquise ; l'action va devant, et l'esprit ne travaille que sur les résultats, les mains sont prudentes mais l'esprit ne l'est point, assuré d'être redressé toujours par la chose (la réalité).

" On va bien voir " , voilà une expression de mécanicien ou d'expert de la matière ou des hommes !

Ce que nous voulons vous faire considérer, comprendre , c'est que les Mathématiques, méditatives en leur premiers essais, deviennent d'une manière décisive et définitive, technique par l'usage du Calcul, et d'autant davantage que les problèmes sont plus compliqués, complexes ; nous énonçons un contenu technique, même dans la découverte, comme nous voyons en Leibniz ou Euler, qui sont habiles à essayer, et réellement transforment une manière d'écrire comme d'autres arrivent à faire marcher un mécanisme rebelle .

L'esprit mathématicien s'explique assez bien par des remarques de ce genre . On pourrait considérer qu'un Mathématicien est en réalité un travailleur et non un penseur . En tout technicien, de mathématique ou bien d'expert de la matière ou des affaires humaines, nous retrouverons toujours cette impatience qui exige l'action et ne sait point penser avant que l'objet réponde ; et comme conséquence naturelle ce vide de l'esprit résultant de ce que l'idée est toujours ramenée au procédé, ce qui efface la notion même du vrai et du faux .

Un technicien est systématiquement sceptique (scepticisme : attitude critique faite de défiance, d'incrédulité, de refus de toute illusion) , dubitatif, même avant d'avoir essayé, expérimenté, mis à l'épreuve .

Cependant ce qui est extraordinaire et remarquable, c'est qu'après avoir essayé, son scepticisme est encore plus intense . De même, après une longue suite de succès, il peut l'être davantage .

Une idée nouvelle n'est jamais créée de toute pièce, elle doit être forgée, construite,'édifiée progressivement
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Le terme de technique recouvre, s'applique à un grand nombre de phénomènes et comporte des sens très différents . Non seulement, ce qui en fait la difficulté ,c'est que ces sens visent des réalités diverses :

D'un côté des réalités concrètes [ la technique des moulins à vent ou des moulins construits au fil de l'eau des rivières] , de l'autre des objets d'études scientifiques [celles concernant de nouveaux types d' éoliennes ou de capteurs solaires] . Il apparaît qu'aux prémices ( commencement, début ; ne pas confondre avec prémisses : affirmations dont on tire une conclusion, commencement d'une démonstration) de ces recherches on désignait par technique, et en conformité avec son étymologie une certaine manière de faire [ how to do ] , procédé ou ensemble de procédés .

Des questions pertinentes surviennent à l'esprit lorsque nous sommes amenés à réfléchir à propos de cette notion de technique :

- Tout d'abord, qu'est-ce qu'un problème technique ?
- Par la suite, un objet technique ?
- Ensuite, une impossibilité technique ?
- Enfin, une valeur technique ?
- Quelle position respective existe-t-il entre la Technique, la Science et l'Art ?

Nous répondrons à ces questions dans d'autres circonstances ; nous les laisserons momentanément en attente .

Cordialement votre, bien à vous, Gerboise .



L'ATLAS des Civilisations, Coédition La Vie- Le Monde Hors Série , 2009-2010 : Comprendre le présent à la lumière du passé .

Nous venons de découvrir cet ouvrage d'une qualité exceptionnelle publié pour le prix modique de 12 euros . Nous vous conseillons de l'acquérir car il constitue une suite de repères dans l'espace et dans le temps, nécessaires, à l'heure présente, par les temps qui courent ( étant donné la conjoncture actuelle), à tout honnête homme et surtout aux collégiens, lycéens et étudiants des Universités et de toutes les grandes Écoles .
Construit d'une façon remarquable et passionnante il permet de se représenter le monde actuel et ancien, de se repérer lors de la connaissance des informations qui nous arrivent de toute part et de mieux comprendre tous les événements qui surviennent de par le monde .

En vue de vous donner une idée exhaustive de son contenu difficile à décrire vu son ampleur, et ainsi vous inciter à en prendre possession, nous nous sommes permis de vous présenter ci-dessous le sommaire et quelques pages significatives de sa substance .


Voici ci-dessous les deux pages du sommaire de l'ouvrage .

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samedi 24 octobre 2009

La Vérité : d' Alphonse de Lamartine, 1790-1869, * Morceau extrait des Harmonies poétiques et religieuses, 1830 , Editions Hachette .

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*Le premier en date et l'un des plus grands parmi les poètes romantiques, homme politique et orateur, Lamartine est surtout un sentimental et un rêveur un peu nonchalant (qui manque d'activité, d'ardeur, par insouciance, indifférence) . Son œuvre est toute pleine de lui-même, de ses tristesses, de ses amours, de ses désespoirs, et aussi de sa foi religieuse, sincère et profonde, bien qu'un peu vague . En vers, son style est coulant, harmonieux, trop souvent négligé et même incorrect . En prose, sa langue est plus ferme et plus sobre .

" Avez-vous vu, le soir d'un jour mêlé d'orage,
Le soleil qui descend de nuage en nuage,
A mesure qu'il baisse et retire le jour,
De ses reflets de feu les dorer tour à tour ?
L'œil les voit s'enflammer sous son disque qui passe,
Et dans ce voile ardent croit adorer sa trace :
" Le voilà, dites-vous, dans sa blanche toison
Que le souffle du soir balance à l'horizon ;
Le voici dans les feux dont cette pourpre éclate :
Non, non, c'est lui qui teint ces flocons d'écarlate !
Non, c'est lui qui, trahi par ce flux de clarté,
A fendu d'un rayon ce nuage argenté ;
Voile impuissant ! le jour sous l'obstacle étincelle ;
C'est lui ! la nue est pleine et la pourpre en ruisselle ! "
Et, tandis que votre œil à cette ombre [question d'intelligence : Quel est ici le sens du mot ombre ? Ne fait-il pas antithèse ? ( contraste) ] attaché
Croit posséder enfin l'astre déjà couché ,
La nue à vos regard fond et se décolore ;
Ce n'est qu'une vapeur qui flotte et s'évapore,
Vous le cherchez plus loin, déjà, déjà trop tard!
Le soleil est toujours au delà du regard ;
Et,le suivant en vain de nuage en nuage,
Non, ce n'est jamais lui, c'est toujours son image !
Voilà la vérité ! Chaque siècle à son tour
Croit soulever son voile et marcher à son jour ;
Mais celle qu'aujourd'hui notre ignorance adore
Demain n'est qu'un nuage, une autre est près d'éclore .
A mesure qu'il marche et la proclame en vain,
La vérité qui fuit trompe l'espoir humain,
Et l'homme qui la voit dans ses reflets sans nombre
En croyant l'embrasser, n'embrasse que son ombre .
Mais les siècles déçus, sans jamais se lasser,
Effacent leur chemin pour le recommencer ."

Les mots, les expressions ou les membres de phrases écrits en italiques de ce texte devraient être expliqués au point de vue du sens ou de la grammaire : voilà un excellent exercice !

De plus, il serait enrichissant et instructif de réfléchir , et peut-être même d'essayer de répondre aux questions suivantes que nous devrions nous poser après la lecture de ce texte .

- Comment le poète symbolise-t-il la vérité ?
- Que représente le soleil couchant ?
- Et les nuages qu'il dore ?
- Que pensez-vous de la conception que Lamartine se fait de la vérité ?
- Est-il exact de dire que les hommes n'embrassent jamais que son ombre ?
-
Si vous n'êtes pas de cet avis, dites pourquoi .
- Pourquoi les siècles déçus recommencent-ils leur chemin sans jamais se lasser ?
- Quels sont les caractères du tableau que peint Lamartine dans la première partie ?
- Signalez et appréciez les images les plus remarquables .
- Comment l'auteur a-t-il su rendre poétique la seconde partie, qui exprime des idées abstraites ?
- Que pensez-vous du style ?
- N'y trouve-t-on pas quelques expressions vagues ou impropres ?
- Lesquelles ?
- Commentez la pensée suivante : " La vérité est un dépôt comme la richesse . Nous n'en sommes, pour ainsi dire, que des trésoriers ; nous ne l'amassons que pour la répandre " .

Bonne lecture et bonne méditation .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .






mercredi 21 octobre 2009

Savoir , science, érudition, littérature .

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Savoir :
pour avoir, posséder du savoir, il faut acquérir la connaissance des choses, des êtres, des phénomènes, par l'étude ou l'expérience, apprendre beaucoup et toucher à presque toutes les connaissances humaines, de façon à n'être pas étranger à une seule branche de ces connaissances . Savoir est absolu et général dans sa signification .

Science : pour avoir de la science, il faut connaître les choses et les étudier beaucoup plus profondément ; mais la science étant l'ensemble des connaissances que les hommes possèdent, il faut borner le champ de ses études à une seule matière .

Érudition : pour avoir de l'érudition, il faut non seulement avoir lu les auteurs anciens et modernes, mais avoir également connaissance des matériaux historiques, des commentaires, comparer les éditions, connaître les temps et les sources où ont puisé ces auteurs .

Littérature : pour avoir de la littérature, il faut avoir lu l'ensemble des connaissances relatives aux belles-lettres, les productions littéraires d'un ou de plusieurs pays, d'une ou de plusieurs époques ; il suffit de conserver dans sa mémoire tout ce que cette lecture a pu nous apprendre et produire sur notre esprit .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .


lundi 19 octobre 2009

Quelques réflexions : Blaise Pascal 1623-1662 . Pensées ...

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-[...] Qu'est-ce que l'homme dans la nature . Un néant ( une absence, soit relative soit absolue , d'être ou de réalité ) à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout . Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin ( ce pourquoi une chose est faite : le plan d'action, l'idée réalisés ou à réaliser ; ce en vue de quoi une chose est faite [ but, dessein, visée, objectif, intention] ; fin non intentionnelle : ce qui explique pourquoi une chose est faite) des choses et leur principes sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti .

-[...] Connaissons donc notre portée (aptitude à avoir des effets en atteignant, en parlant d'une idée, d'une pensée, d'une connaissance) : nous sommes quelque chose, et ne sommes pas du tout ; ce que nous avons d'être nous dérobe la connaissance des premiers principes, qui naissent du néant ; et le peu que nous avons d'être nous cache la vue de l'infini (ce qui est plus grand que tout ce qui a une limite) .

- [...] Trop de jeunesse et trop de vieillesse empêchent l'esprit, trop et trop peu d'instruction ; enfin les choses extrêmes ( qui est au plus haut point ou à un plus haut degré ; à la dernière limite, au delà de toute mesure) sont pour nous comme si elles n'étaient point, et nous ne sommes point à leur égard ; elles nous échappent, ou nous à elles .

- Imagination . - C'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe (qui trompe ou agit mal en se cachant, en feignant l'honnêteté) qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge . Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux .

- [...] Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence . L'union qui est entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion .

- [...] L'homme est visiblement fait pour penser ; c'est toute sa dignité et tout son métier ; et tout son devoir est de penser comme il faut (penser comme il faut, voici la gageure, le pari impossible ; et puis (!) qu'est-ce que cela signifie penser comme il faut : vaste problème ! ) .

- [...] Ainsi s'écoule la vie . On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable .

- [...] deux excès : exclure la raison, n'admettre que la raison .

Ces pensées seront certainement enrichissantes et bénéfiques .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .


samedi 17 octobre 2009

La musique, des sons organisés, structurés ? Est-ce un langage* ? oui et non ! C'est plus que ça: c'est " quelque chose** " à aimer et à comprendre !

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* la musique est un langage et, en tant que telle, vaut par ce qu'elle dit, par la manière dont elle le dit ; elle exprime au moins une manière d'être, un être, un drame, une comédie, une impression vécue .
** ce " petit " quelque chose, une chose indéterminée, mais nécessaire à un certain équilibre " de notre esprit ; qui a une certaine importance affective ; pour qui nous éprouvons une grande impression, qui nous touche profondément, qui nous va droit au cœur, qui peut nous troubler, nous attendrir, nous bouleverser, nous interpeller . Des significations ... des valeurs émotionnelles ...

Disons que la musique est un système d'expression ; la faculté d'exprimer la pensée au moyen de sons ... un langage d'une espèce particulière qui sert tantôt à formuler nos méditations, tantôt à exprimer des sentiments, tantôt à suggérer des images . Mais on n'en finirait pas de chercher des définitions au plus indéfinissable de tous les arts .

Quand on est arrivé à aimer et comprendre la musique comme elle doit être comprise et aimée, la musique qui ne correspond à aucune donnée du monde visible, à aucun sentiment classé, cette musique là fait autant de plaisir que l'autre, celle à laquelle nous attachons une signification .

Une fugue (genre de composition où un même thème énoncé successivement par chacune des parties vocales ou instrumentales employées, subit des transformations prévues et donne lieu à des développements multiples . Le maître de la fugue, celui qui en a tiré le plus d'art, est Jean-Sébastien Bach, 1685-1750) parle autant à l'esprit et au cœur, apporte à l'oreille la même volupté que la " Scène au bord du ruisseau " de la Symphonie pastorale ou que la " Mer " de Claude-Achille Debussy[1862-1918] qui a marqué ce genre symphonique d'une empreinte ineffaçable .

Il n'en reste pas moins que beaucoup d'auditeurs éprouvent le besoin de rapporter leurs sensations musicales à des réalités familières . Ils préféreront que la musique leur dise : j'ai voulu décrire une belle matinée d'automne; les clameurs tonitruantes, retentissantes d'un orage; les bruissements , les murmures d'un ruisseau . Et si le musicien a négligé de leur donner un fil conducteur, ils se raconteront à eux-mêmes, pendant le concert, une petite histoire ancrée sur leurs souvenirs parmi les plus prégnants (riches de potentialités) de leur jeunesse .

De même qu'il y a des dizaines de définitions ou explications possibles de ce qu'est la musique, on peut prendre pour l'écouter beaucoup d'attitudes différentes .

- Le technicien (par rapport au théoricien, à l'artiste, personne qui connaît et contrôle professionnellement des applications pratiques et économiques d'une science, d'un art ) s' attachera aux problèmes de fabrication, aux détails de l'agencement sonore, à la correction et aux libertés de l'écriture, à l'emploi plus ou moins ingénieux des instruments .

- Le mélomane ( personne qui connaît et qui aime la musique avec passion, à l'excès) averti (qui connaît bien, qui est au courant de la question) s'intéressera à la valeur et à l'originalité des" idées " , à la recherche des parentés et des influences . En écoutant une rengaine (formule, chanson, répétée à tout propos) banale, il aura le plaisir de constater qu'il n'est pas dupe . Il aura su voir, en effet, que l'auteur parle pour ne rien dire, ou pour dire des choses déjà dites, ou de pauvres choses . En écoutant attentivement " Ma mère l' Oye, de M. Maurice Ravel[ 1875-1937] , il s'apercevra que ce compositeur réputé difficile, doit beaucoup à son premier maître, le populaire et charmant Jules Massenet [1842-1912] . Ces rapprochements, ces comparaisons sont un des grands plaisirs de l'auditeur cultivé .

- L'auditeur ( personne qui écoute, qui prête l'oreille) moins averti cherchera des points de repère, des analogies, entre la musique et le monde réel . Et il sera reconnaissant au musicien qui aura trouvé un titre éloquent ( qui sans discours, est expressif, révélateur, fonctionne comme un signe ) à son morceau .

- D'autres s'abandonneront sans résistance au courant d'une rêverie confuse (qui manque de clarté, que l'on saisit mal) .

Pour bien des gens, la musique est d'abord un alcool, un opium, avant d'être la révélation d'un monde inconnu .

Chacun aime la musique à sa manière . L'essentiel est de l'aimer, et de ne pas placer trop mal ses affections .

Il n'existe pas de recettes qui permettent à l'auditeur inexpérimenté de sympathiser du premier coup avec des musiques inconnues .

Mais voici quelques conseils d'ordre très général (si vous l'estimez nécessaire) qui, peut-être, vous faciliteront l'exercice du difficile métier d'auditeur .

A - Gardez-vous de croire que toutes les musiques se valent : que c'est simplement " affaire de goût " , et que tous les goûts sont bons puisqu'ils sont dans la nature .

Cette phrase qui a traîné partout, qui donne une satisfaction paresseuse à la vanité de l'ignorant, est indigne de vous .

Comme toutes les créations humaines, les œuvres musicales ont une hiérarchie . Une chanson rudimentaire coulée par un industriel dans le moule d'un " succès du jour " ne vaut pas une mélodie créée par un artiste de génie, maître de toutes les ressources de son art .

D'une musique à l'autre, il y a la même différence que d'un chromo (toute image en couleur criarde de mauvais goût) de bazar à un chef-d'œuvre de musée, d'un couplet de mirliton (d'une mauvaise poésie ) à un poème de Ronsard ou de Verlaine, d'une vulgaire cotonnade à un lainage somptueux, d'une dentelle fabriquée à la machine à une autre qui sort des doigts de la dentellière, d'un fromage industriel non affiné à un autre cultivé par un maître-affineur, d'un vin de coupage à un grand cru . Vous n'aimez que les petits vins de pays ? C'est votre droit . Mais alors ne vous donnez pas le ridicule de jouer les connaisseurs et de dénigrer les Margaux et les Chambertin .

B- La bonne musique se distingue aisément de la mauvaise, et les vrais connaisseurs, sous leurs divergences apparentes, ne s'y trompent pas .

L'originalité, l'intelligence, l'habileté du métier, la sensibilité, ce sont là des qualités précises, tangibles, mesurables .

Bien entendu, une musique à laquelle vous reconnaîtriez loyalement toutes ces qualités pourrait encore ne pas vous plaire .

L'amour ne se fonde ni sur l'estime ni sur la raison .

Une des propriétés de la bonne musique est la résistance à l'usure . Deux cents ans ont passé depuis que Gluck a écrit Orphée : et Orphée est aujourd'hui encore au répertoire de l'Opéra-Comique . Qui se souviendra dans dix ans de ces opérettes triomphales qui ne doivent leur incroyable succès qu'à l'ignorance des foules ; ou de ces rengaines qui font fureur mais ne sont, comme on dit, que des " déjeuners de soleil " ?

Une autre particularité de la bonne musique, c'est qu'elle demande généralement un effort de compréhension, c'est qu'elle ne livre pas tout de suite son secret .

Il en est de la musique comme des femmes : celles qui s'offrent à tout venant, celles qui tombent dans vos bras au premier signe, ne présentent guère d'intérêt . On ne saurait s'attacher à ces compagnes de passage, si agréables fussent-elles .

C - Il n'y a aucune raison de vous décourager, si, nouveau venu dans la société des amis de la musique, l'audition d'une oeuvre célèbre vous laisse insensible .

Qui sait d'abord si cette oeuvre n'est pas un de ces faux chefs-d'oeuvre dont la réputation usurpée appelle une révision ?

La sagesse, dans le doute, est de laisser à de mieux informés le soin d'en décider .

Il faut être bien sûr de sa compétence et de son goût pour déclarer d'un ton tranchant :
Cette Symphonie est ennuyeuse " . Et encore plus pour affirmer : " Toutes les symphonies sont ennuyeuses " .

Une page qui vous ennuie aujourd'hui - et c'est votre droit, bien entendu, d'avouer qu'elle vous ennuie, - un morceau qui vous paraît incompréhensible parce qu'il change le cours de vos habitudes, vous surprendra moins dans six mois, lorsque vous le connaîtrez mieux, lorsque vous aurez un meilleur entraînement de l'esprit et de l'oreille . Et rien ne dit qu'un jour vous ne le prendrez pas en affection .

Avant de déclarer une montagne inaccessible ou son escalade dépourvue d'intérêt, vous vous en remettez à l'avis des grimpeurs exercés qui en ont tenté l'ascension .

Pourquoi ne pas observer la même prudence élémentaire en présence des sommets escarpés de l'art ?

Arrivés au terme de ces réflexions, nous nous apercevrons qu'il ne s'adresse guère qu'à la raison du lecteur .

Quelle erreur pourtant commettrait l'auditeur qui ne verrait dans la musique qu'un exercice de l'esprit !

La musique, la bonne musique, dite classique, est aussi un charme, un enchantement .

Elle touche, elle ravit, elle enivre, elle exalte . Elle nous élève au-dessus de notre misérable condition humaine . Elle nous rend meilleurs .

Il est permis, certes, d'en raisonner . Mais il faut savoir s'abandonner sans résistance au flot des émotions qu'elle éveille en nous . Il faut savoir l'écouter avec son cœur .

En espérant que certaines musiques " celles que vous aimez ", pourront vous enivrer (vous remplir d'une sorte d'ivresse des sens, d'une excitation ou d'une émotion très vive) et ainsi vous faire rêver et vous faire oublier les soucis de la vie , Gerboise vous souhaite le bonheur et la santé, pour vous, et tous ceux qui vous sont chers .

Cordialement votre .





mardi 13 octobre 2009

Une deuxième incitation* à la connaissance de la Science du Vin,des activités,des problèmes actuels et des arcanes** de tous les arts de la vigne ***.

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* voir la première dans le billet de ce blog publié le 4 Octobre 1009 .

** les arcanes : des secrets, des mystères qu'elles présentent pour le profane .

*** ceux du vin, des cépages, des métiers, des vertus et des stratégies qui régissent cette activité, une des plus anciennes du monde .


Nous allons vous inciter, comme nous l'avons fait pour la précédente Revue,bâtie sur le même thème, à vous procurer ce numéro [ 7 euros] qui vient de paraître : Questions-Réponses de la revue Science et Vie et à lire l'ensemble des rubriques présentées .

Voici une série d'images extraites au fil du texte, qui vous permettra de vous faire " une première idée " de la valeur de cette publication . Tout d'abord le sommaire .





( vous pouvez agrandir ces deux images ainsi que les suivantes en réalisant un clic gauche sur chacune d'elles, puis revenir à la précédente) .

Puis le recto de la couverture :


ensuite un exemple parmi les six pages concernant les divers cépages français :

" Cépages : un patrimoine fragile "

" Peu revendiqués en France, terre d'appellations contrôlées plutôt que de vins de cépages, les variétés de raisins sont pourtant une composante essentielle de la qualité des vins . reste à en prendre soin : il y a un siècle, le phylloxera a fait disparaître pour toujours des milliers d'entre eux . Revue de détail des piliers du prestige français " [ lire la suite au bas de l'image ci-dessous]



vient après une carte de France schématique des cépages .



enfin, une image schématique des localisations des images, des odeurs,des saveurs, des flaveurs, des perceptions et de la conscience des impressions de satisfaction ou de déception, dans les divers territoires de notre cerveau , provenant de l'ensemble de nos sens.






En vous souhaitant une bonne et enrichissante lecture de cette revue de Science et Vie, nous vous donnons rendez-vous lors de notre prochain billet .

Cordialement , bien à vous, Gerboise .

dimanche 11 octobre 2009

La pensée scientifique : quelques réflexions dès les premières clartés du matin .

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La science est-elle, en définitive, une expression du réel, ou une construction de l'esprit ?

Nous pouvons exprimer, affirmer que, dans la pensée du chercheur, le rationalisme ( d'une façon générale : doctrine qui enseigne l'existence de la raison ou même affirme sa primauté,sa suprématie, sa souveraineté, sa toute puissance) et le réalisme ( attitude de celui qui tient compte de la réalité, l'apprécie avec justesse) se conjuguent nécessairement .

Toute pensée scientifique est, en effet, à la fois réaliste et rationaliste, vise à s'accorder à la fois avec les choses et avec la raison . Ce double accord est rendu possible par le perpétuel va-et-vient qui s'opère, au cours de la recherche, entre le raisonnement et l'expérience, entre l'esprit et les choses, ces deux termes s'adaptant de mieux en mieux l'un à l'autre à mesure que la science " simplifie le réel et complique la raison " .

La pensée scientifique est un projet d'explication qui se réalise en se vérifiant au contact de l'expérience, c'est-à-dire qui, dépassant la perception immédiate ( en particulier des sensations qui émanent de nos sens ) et la convention sociale ( ce qui est convenu de penser, de faire, dans une société) , aboutit à une vérité s'imposant à tous les esprits .

Bien à vous, Gerboise .


mercredi 7 octobre 2009

Constatations paradoxales*,réflexions réalistes à propos de ces intermédiaires que sont les financiers,dans les échanges de biens,de valeurs,d'argent

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* paradoxales : qui tient au paradoxe, opinions qui vont à l'encontre de l'opinion communément admise ; propositions à la fois vraies et tendancieuses liées à des préjugés .

Le financier (un manieur de valeurs, celui qui fait des affaires, des opérations financières, celui qui s'entend à la gestion des finances publiques ou privées, celui qui réalise de grosses affaires d'argent, des opérations de banque, de bourse...) est un " marchand d'argent " ( un fournisseur, un négociant) !

Marchand d'abord, marchand plus que n'importe qui . Il incarne le type même de " l'intermédiaire " .

S'il sème, c'est, comme le vent, avec indifférence .

Il ne crée, ne transforme, n'augmente, ne diminue ni n'embellit la marchandise ; il la déplace, la " revend " telle quelle .

Le fruitier du coin qui vous sert des poires ou des bananes, y ajoute au moins du papier pour les envelopper . Le financier n'ajoute rien . Il a de l'argent , des valeurs, sous une espèce . Il vous l'échange contre de l'argent, des valeurs sous une autre espèce .

Il prélève sa commission . Et c'est tout .

Marchand au paroxysme (au plus haut degré, à l'extrême) . Tout commerce ne vit que de l'échange, du mouvement ; mais le mouvement est plus ou moins rapide, plus ou moins calculé, plus ou moins sensible aux influences extérieures .

Pour les établissements financiers, le mouvement est une nécessité intime (essentielle, secrète ...) : toute immobilisation d'argent, du moment que son détenteur ne fait pas fructifier (produire un effet, des résultats avantageux, des " fruits " ) cet argent, implique une perte d'argent . Le rêve du financier serait une circulation au maximum de vitesse sans jamais aucune immobilisation .

La chose se complique, assurément, avec les circonstances . Mais il y a toujours, au fond, ce fait dominant : que, pour le financier, peu importent la provenance et la destination de l'argent ; seule compte, pour lui, l'opération ... Par fonction, l'établissement financier est cynique (qui exprime avec réalisme des sentiments, des opinions, des actes qui choquent le sentiment moral, impudent) : elle fait ses opérations, le plus d'opérations possibles, dans la guerre comme dans la paix, dans l'amour comme dans la haine, dans la ruine des peuples comme dans leur prospérité . Elle n'a pas d'idées politiques : le mouvement quel qu'il soit, s'il exige de l'argent, -et il en exigera toujours, - comportera pour elle des " commissions " .

Il ," l'établissement financier " n'a donc ni frein, ni scrupule, ni préoccupation ?

Si . Et c'est là que sa psychologie devient un peu plus difficile à saisir .

Marchand, marchand au paroxysme, le financier !

Mais marchand d'argent . Comme ce commerce diffère des autres !

Prenez une entreprise industrielle.
Sa force se répartit en plusieurs éléments : il y a l'homme, ses facultés d'invention et de réalisation ; l'outil, la matière première ; la main-d'œuvre ; la clientèle . Chaque élément, avec de la prudence et de la volonté,peut se transformer, s'adapter aux circonstances .
C'est un mécanisme délicat, il se rompt, tombe en miettes ou progresse, toujours vulnérable, mais toujours palpitant et plus ou moins humain .

Prenez même une simple boutique : il y a l'emplacement, l'activité ou le savoir-faire du boutiquier, la marchandise qu'on peut remplacer par une autre : là aussi quelque chose de complexe et d'humain .

Dans un établissement financier au contraire, règne une terrible simplicité : l'argent y est à la fois le moyen et la fin, l'instrument de travail et la marchandise .

L'instrument de travail ... Comprenez qu'en écoulant sa marchandise, le marchand d'argent, un banquier, ce financier, diminue ses possibilités de travail, ampute, pour ainsi dire, son outillage . Contradiction profonde qui domine la profession : un financier qui aurait vendu ou prêté tout son capital, ne pourrait plus travailler qu'avec son bénéfice ou ses commissions, et, ce bénéfice employé à son tour, il serait réduit à l'inertie ( manque absolu d'activité) , il devrait fermer son comptoir, son officine . Il serait alors rentier ; il ne serait plus financier .

Pour n'être pas épuisé à la première étape, il doit " reprendre " le plus tôt possible l'argent qu'il a vendu ou prêté . Cela, on le devine, accroît du même coup son âpreté ( caractère dur, pénible, rude ou violent) et son indifférence . Peu lui importent les circonstances dans lesquelles il fera une opération, pourvu qu'il la fasse . Mais peu lui importent aussi bien les suites de l'opération, puisque, d'après la loi de sa propre vie, il ne la fait qu'autant qu'il soit sûr de pouvoir dégager bientôt son capital .

Comment acquiert-il cette assurance ?

Ici, nous pénétrons au cœur du drame moderne .

L'Argent ... On en parle . Mais qu'est-ce que l'argent ?

L'argent c'est la représentation impersonnelle, mobile et passive d'une richesse cristallisée ( concrétisée, encapsulée, qui a pris corps,qui a été rendue fixe, stable) .
C'est un résultat acquis, une épargne .

L'homme ordinaire se sert de l'argent pour acquérir de quoi vivre ou travailler, autrement dit créer . Mais le financier, lui qui ne crée rien et pour qui l'argent est tout - instrument et marchandise - court un risque absolu du seul fait qu'il le détient . Toute perte qu'il subit est une perte à laquelle lui-même n'a aucun moyen de remédier .

Ainsi le souci du risque tient le financier à la gorge .
Or, nouvelle contradiction profonde, ce financier, désarmé devant toute perte d'argent, n'a d'autre raison d'être que d'exposer son argent, d'ouvrir des crédits .

Prenons garde à la confusion des mots, mère des malentendus . Le mot " crédit " a un sens moral et une signification bancaire .

Accorder du crédit à quelqu'un, c'est faire confiance à ses facultés humaines .

Par contre, le crédit bancaire, dans la rigueur du terme, ne tient pas compte de l'homme .

Le crédit bancaire est un échange de valeurs antérieurement acquises et immédiatement monnayables, d'un côté comme de l'autre . L'équilibre se fait, non pas entre l'argent prêté et la possibilité éventuelle de celui qui obtient le prêt, de le rembourser, mais entre l'argent donné sur l'heure et la garantie réelle également donnée sur l'heure .

Il ne faut pas trop se fier aux adoucissements d'apparence . Le matérialisme de l'argent, quelles que puissent être les inclinations particulières des personnes, commande inexorablement le matérialisme des rapports d'échanges dont il fait l'objet .


Et voici que nous saisissons les deux traits psychologiques de l'établissement financier dans le monde contemporain .

Les financiers apprécient une affaire, une entreprise, un État,non pas pour son passé, son avenir, sa capacité morale, mais par rapport à sa valeur de garantie ou de liquidation . Ils promènent, sur les fourmilières humaines et la carte du monde, des regards de liquidateurs : de liquidateurs qui courent un risque limité à la durée d'une opération . Le financier cherche d'abord la garantie immédiate, le bien réel promptement saisissable, et, ayant tout, le bien saisissable par excellence, l'or !

Quoi qu'il fasse, dise ou prétende, la nature de sa profession exige qu'il ne tienne compte que des richesses acquises . Il porte le même intérêt aux dépouilles des peuples malheureux qu'à la fortune des peuples prospères .

Un autre trait résulte, chez le financier, de la nécessité où il vit de ne se démunir de son argent que contre garantie : ce trait est une sorte de férocité qu'il montre dès que son débiteur, peuple ou individu, glisse vers la faillite . Alors rien ne l'arrête dans ses tentatives pour dégager son argent ... Que de fois cette férocité apparut au cours des crises économiques !

Homme privé, il peut pratiquer la vertu . Certains financiers déploient, en ville, une magnifique générosité . Mais les sociologues enseignent que la vertu des personnes n'empêche pas une collectivité d'intérêts de subir la poussée de sa seule constitution matérielle .

L'opinion publique adresse, d'ailleurs, bien souvent aux banquiers ou financiers des reproches qu'ils ne méritent pas tout à fait . Elle confond, notamment, finance et spéculation . Or les vrais financiers spéculent moins volontiers que leurs clients .

Qu'ils s'enrichissent aisément, c'est là encore une erreur populaire . Dans tous les pays du monde, à commencer par les États-Unis, le nombre des grandes fortunes qui s'élevèrent sur les établissements financiers proprement dits est moindre que celui des fortunes fondées sur le commerce ou l'industrie . La fortune de financier, parfois rapide, porte le signe de l'éphémère, parce que le financier, ne créant pas, ne saurait réagir contre un gros aléa ( impondérable, imprévu) .


C'est pour se protéger contre ces aléas, comme pour accroître son champ d'action, que la finance devint, dès la fin du siècle dernier, de plus en plus " internationale " .

Internationale, pourtant, la finance française l'est aussi peu que possible ; Elle l'est malheureusement trop peu, pas assez . La plupart de nos établissements financiers n'ont pas de succursales importantes à l'extérieur, et, pour y faire des opérations, elles paient parfois aux banques étrangères des courtages très onéreux, dont le poids retombe sur notre commerce . Si la France peut avoir raison de se plaindre des agissements, à son égard, de la finance internationale, elle aurait surtout raison de déplorer que sa finance, à elle, se fût mise, par excès de prudence, hors d'état d'agir internationalement .

L'internationale financière englobe, en premier lieu, les places d'Amsterdam, Francfort, Londres et New-York . Le mouvement de concentration et d'alliance financières fut d'autant plus remarquable aux Etats-Unis qu'il y succédait aux batailles terribles qui ont illustré Wall-Street dans le dernier quart du XIXe siècle . L'ancienne génération de financiers ne rêvait que de luttes . La nouvelle génération a tissé et tisse chaque jour un réseau immense de cartels ( concentration qui réunit des entreprises de même nature dans le but d'acquérir un monopole ) et de consortiums ( groupements d'entreprises) . Elle procède par coopération, et non plus par étranglement .

Ne soyons pas trop sévère pour cette génération . Elle eut au moins le mérite, pendant la guerre, d'escompter la victoire .

Mais n'attendons d'elle que ce que lui dicte son instinct .

La haute, moyenne et basse finance excelle dans la causerie intime ; elle y apporte des moyens de persuasion que seule, elle possède . Et ce sont ces succès d'intimité qui la font paraître redoutable .

Au vrai, elle est faible . Faible parce qu'il suffit d'un geste d'homme ou d'un mouvement de la foule pour déjouer tous ses calculs . Faible, parce qu'elle vit sous l'obsession du risque . Seul est redoutable qui consent à braver le risque .

Mais le financier qui se dévoue à une cause ou à une idée, voilà un seigneur " , (un gentilhomme ).

Que ces multiples Réflexions, ci-dessus, qui certainement vous atteindront au plus profond de vous-même, et vous contraindront à devenir plus réaliste, à avoir " les pieds sur terre " , vous arment, vous endurcissent, vous aguerrissent, vous cuirassent, vous trempent et enrichissent votre esprit critique : le bien parmi les plus précieux que l'on puisse maîtriser !

Cordialement votre, bien à vous, Gerboise .

dimanche 4 octobre 2009

Une incitation à la connaissance des terroirs vinicoles Européens et aux activités humaines qui ont participé à la construction de ce grand ensemble .

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Tablée bourguignonne . Enluminure tirée du manuscrit Faits et paroles mémorables de Valère Maxime, 1420-1450 .



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Revue HISTOIRE ANTIQUE et MÉDIÉVALE, numéro Hors-série n° 20 , sept./ Oct. 2009, 7,50 euros .

Nous vous recommandons de vous procurer ce numéro d'une qualité exceptionnelle . Son contenu vous permettra de vous représenter l'évolution de ces activités de l'Humanité concernant la vigne, les vignerons, la médecine et le commerce de l'Europe .


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Mois de Septembre : la vendange . Page du bréviaire Grimani, par Simon et Alexandre Bening, 1520 . Venise, Biblioteca Nazionale Marciana .

Cette image vous permettra d'entrevoir la grande richesse de l'illustration de ce numéro hors série de cette Revue qui nous fait accéder à la vie quotidienne de nombreuses époques et régions de notre belle et industrieuse Europe .

A consommer SANS parcimonie (en petites quantités) !

Cordialement votre, bien à vous, Gerboise .

samedi 3 octobre 2009

Propos d'Alain ( Emile Chartier, 1868-1951) ,Propos sur l'Education* De la complexité de penser , de" prendre garde " , de nuancer une idée **...

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* Publié aux Presses Universitaires de France en 1932, XL, p 102 .
** qui essaie de germer dans l'esprit .

" Nul ne peut penser ce qu'il dit, car sa pensée est encore autre chose qu'il dit .
Écoutez le bavardage ; la pensée y est toujours en retard d'un moment .
Ce que je dis recouvre ce que j'ai dit .
Chacun a connu de ces parleurs qui sont toujours sur le point de penser .
Le discours est proprement intempérant (qui manque de modération) ; car en un sens il se continue lui-même, et chaque parole dépend de la précédente ; mais en quel sens ?

En ce même sens qu'un geste suit un geste . L'homme ramène ses bras à lui par cela seul qu'il les a étendus . C'est ainsi, mais par un jeu des organes plus caché, qu'un mot suit un autre mot, que l'aigu succède au grave et le roulant au sifflant . J'entends bien ses raisons, si l'on peut dire ; et c'est que sa bouche ne peut garder la même forme, ni sa gorge vibrer de la même façon . Ce discours est réglé comme le murmure de la mer, toujours balancée . Cette sorte de mémoire oublieuse fait toutes les querelles .

Tout ce qu'on invente sur l'éducation est misérable, faute d'avoir réfléchi sur la difficulté de penser .

On admire le parler de l'enfant, sorte de chant d'oiseau qui imite sans savoir, et qui imite aussi bien le vieux merle, si bien dressé, j'entends l'homme important qui interroge . Il est dur de mépriser ces concerts d'intelligence, où l'intelligence n'est que pour l'autre, et n'est rien pour soi .

Tant que l'enfant ne se répète pas exactement ce qu'il a dit, tant qu'il ne pense pas ce qu'il dit, et enfin tant qu'il ne pense pas sa pensée , RIEN N'EST FAIT .

Aussi voit-on que les ignorants qui cherchent sagesse s'appuient sur les proverbes, qui sont de naïfs poèmes, où le nombre et l'assonance ( identité de la voyelle finale ou du son final, mais non de la syllabe finale , dans deux mots) sont comme des marques auxquelles l'esprit se retrouve .

Une telle pensée s'affermit, mais ne se développe point . Les poèmes plus achevés enferment encore l'esprit ; ils le conforment ; ils ne l'affranchissent pas .

C'est la prose qui affranchit . La prose repousse la mémoire chantante .

Il n'y a de prose que lue ; ainsi savoir lire est le tout .

Chacun comprend que celui qui sait lire pourra s'instruire ; mais la vertu de savoir lire n'est point toute là ; elle est dans le premier moment de lire, dans le merveilleux moment de comprendre ce que l'on dit ; dans ce moment affranchi de mémoire et d'égarement, par la vertu de cet objet invariable, noir sur blanc, LE LIVRE .
Modèle de nos propres pensées ; improvisation qui reste ; liberté fixée .

Ce n'est plus le rythme qui conserve ; c'est la chose qui conserve .

Ainsi je fais l'expérience d'une pensée qui essaie sans se perdre .

Il y eut un temps de proverbes, de poèmes, d'invariables récits .

Temps de croyance ; et il n'importe guère si ce qu'on croit est vrai ou non .
Il y a tout le bon sens possible dans les anciennes fables ; mais, par la nécessité de mémoire, et la crainte de s'égarer, l'esprit est serf . Peut-être faudrait-il dire que, dans l'ancienne sagesse, il n'y avait point d'espérance ; les mêmes chemins toujours, et la même fin . Le même ordre, la même vitesse, les mêmes causes, tel est le royaume de mémoire .

LIRE corrige premièrement cette peur de penser mal .

Lire en chantant, ce n'est que l'apprentissage . Lire des yeux, éprouver l'objet invariable, l'explorer d'un coup d'œil, y revenir, c'est la perfection du lire .

Les pensées d'aventures trouvent ici un soutien, un commencement d'espérance, par la perspective de l'art d'écrire .

Et c'est là qu'il faut viser, par des exercices entremêlés de lire de relire, de copier, d'imiter, de corriger, de recopier, je dirais même d'imprimer ; car pourquoi l'enfant ne donnerait-il pas à ses pensées, revues, corrigées, nettoyées, cette forme architecturale ?

Au reste, il est toujours bon d'imiter, en écrivant, les formes typographiques, car l'imprimé est maintenant le roi de l'esprit . Ainsi, en s'appuyant toujours sur la règle de l'ancienne sagesse, qui est de ne rien changer aux pensées, on apprendrait peu à peu à changer en conservant . C'est douter et croire d'un même mouvement . "

Dans ce propos, Alain nous amène à réfléchir au grave problème de l'acquisition pratique des savoirs et aux pièges qui peuvent survenir dans l'élaboration de la pensée . Il est un exemple de Réflexion à suivre en vue d'acquérir la maîtrise du langage, objet intime de la pensée .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .