mardi 15 mai 2012

Quelques genres de comportement des communautés humaines : journalisme, politique, pédagogie, recherche, entreprises diverses, administrations, droits, sciences, écrivains ...toutes se laissent aller à l'une de ces trois manières d'agir !( on rencontre, avec bonheur, heureusement, bien sûr que oui, parbleu ! des exceptions)


Il existe trois catégories, trois familles en quelque sorte de personnages,définis en fonction de leurs comportements qui diffèrent par rapport soit à la traduction de leurs idées et de la réalisation de leurs actes, soit au contenu de leur mémorisation, de leurs écrits et de leurs discours :

Ici, dans une salle de classe,devant  la carte de France, 
 Certains élèves vont essayer de s'emparer de tout, s'imbiber comme une éponge , même de l'inutile , l'insignifiant et non de l'essentiel et croirons être capable de tout comprendre et de tout restituer ; ils absorbent tout sans se poser de questions pertinentes sur l'intérêt de chaque information apportée par  l'examen de la carte .
 D'autres vont filtrer les informations et malheureusement ne garder dans les mailles de leur conscience que des éléments sans intérêt abandonnant les éléments primordiaux sans même s'en apercevoir, n'ayant pas fait preuve d'esprit critique et de réflexion devant les informations apportées par cette carte .
Enfin les élèves réfléchis se poseront des questions ou saisiront d'emblée les données caractéristiques et, après cette analyse et cette synthèse, trierons les éléments retenus, captés par leurs sens, puis par leur entendement, pour ne garder dans leur esprit que la quintessence (le meilleur, l'essentiel)des notions vraiment pertinentes présentes sur cette carte et/ou suggérées , commentées par la maîtresse .

Nous pourrions vous présenter d'autres situations équivalentes pour les différents cas énumérés dans le titre de ce message, en particulier celles des multiples interactions de certains hommes politiques entre eux ou /et avec les citoyens , mais également concernant l'apport  des contributions de différents journalistes à  la"Connaissance" du grand public !
Il s'agit toujours des mêmes aberrations dés que des "humains" veulent traduire leurs pensées ou celles des autres lues ou/et entendues !

 
Beaucoup parmi  tous ceux précités dans le titre de ce billet et tous les autres ignorés ici, procèdent en toutes choses :

 - à la manière d'une éponge qui successivement est capable d'absorber et / ou de dégorger , par exemple un liquide, retenir et / ou relâcher des éléments solides;  réaction notamment de cette dernière aux contraintes extérieures et parfois internes .
Cette éponge s'approprie "s'empare, en quelque sorte" de tout , et pense vraiment restituer l'ensemble de ce qu'elle a saisi, absorbé sans discrimination .

 - à la façon d'un filtre [ passoire] qui laisse tomber, qui se défait,qui rejette, qui sépare la liqueur essentielle pour ne conserver que le rebut, le résidu, la lie .

Par exemple une matière de grande valeur dissoute dans le liquide , alors que le précipité formé lors de la réaction chimique, retenu par le filtre, ne présente aucun intérêt .

 - à l'imitation d'un tamis  qui en quelque sorte élimine, met à l'écart le gravier pour ne conserver que le sable contenant les paillettes d'or .

Dans la vie commune sociale, en toute activité de l'esprit ou manuelle, le comportement du tamis qui  permet d'écarter, de rejeter l'inutile et le nuisible, doit être privilégié .

Cependant, les rebuts (ce qu'il y a  de plus mauvais dans un ensemble, ce que l'on ne désire pas garder ) doivent êtres examinés minutieusement car, par exemple, il peut se trouver des particules d'or en inclusions dans les fissures des graviers de quartz .

Gerboise vous laisse réfléchir à toutes les situations qui vous sont connues,mais auxquelles, peut-être, vous n'aviez pas prêté l'attention nécessaire pour définir l'appartenance à tel ou telle situation  de ces trois cas de figure différenciés ci-dessus .

Cordialement vôtre .


vendredi 11 mai 2012

Leçons de sagesse, de discernement : apprendre, inciter à la curiosité et non à l'amusement.

Dans ses propos sur l’Éducation, Alain avait abordé des thèmes qu'il considérait très importants  .Dans chaque propos, de deux à trois pages, il allait à l'essentiel soulignant ses réticences pour les idées préconçues en dénonçant les inepties et les très fréquentes absurdités  .

Voici l'un d'entre-eux publié vers 1932 qui vous amènera à réfléchir à l'un des problèmes parmi les plus conséquents pour le devenir de chaque être humain .

" Je n'ai pas beaucoup confiance dans ces jardins d'enfants et autres inventions au moyen desquelles on veut instruire en amusant.
 La méthode n'est déjà pas excellente pour les hommes. Je pourrais citer des gens qui passent pour instruits, et qui s'ennuient à La Chartreuse de Parme ou au Lys dans la vallée.
Il ne lisent que des œuvres de seconde valeur, où tout est disposé pour plaire au premier regard ; mais en se livrant à des plaisirs faciles, ils perdent un plus haut plaisir qu' ils auraient conquis par un peu de courage et d'attention.
Il n'y a point d'expérience qui élève mieux un homme que la découverte d'un plaisir supérieur, qu' il aurait toujours ignoré s'il n'avait point pris d'abord un peu de peine.

 Montaigne est difficile, c'est qu'il faut d'abord le connaître, s'y orienter, s'y retrouver ; ensuite seulement on le découvre.

 De même la géométrie par cartons assemblés, cela peut plaire ; mais les problèmes plus rigoureux donnent aussi un plaisir bien plus vif. C'est ainsi que le plaisir de lire une œuvre  au piano n'est nullement sensible dans les premières leçons ; il faut savoir s'ennuyer d'abord.
C'est pourquoi vous ne pouvez faire goûter à l'enfant les sciences et les arts comme on goûte les fruits confits. 

L'homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les gagner, il doit les mériter.

Il doit donner avant de recevoir. C'est la loi.

Le métier d'amuseur est recherché et bien payé, et, dans le fond, secrètement méprisé. Que dire de ces plats journaux hebdomadaires, ornés d'images, où tous les arts et toutes les sciences sont mis à la portée du regard le plus distrait ? Voyages, radium, aéroplanes, politique, économique, médecine, biologie, on y cueille de tout ; et les auteurs ont enlevé toutes les épines. Ce maigre plaisir ennuie ; il donne un dégoût des choses de l'esprit, qui sont sévères d'abord, mais délicieuses. J'ai cité tout à l'heure deux romans qui ne sont guère lus. Que de plaisirs ignorés et que chacun pourrait se donner sous la condition d'un peu de courage! J'ai entendu raconter qu'un enfant trop aimé, qui avait reçu un théâtre de Guignol pour ses étrennes, s'installait à l'orchestre comme un vieil abonné, pendant que sa mère se donnait bien du mal à faire marcher les personnages et à inventer des histoires. À ce régime, la pensée s'engraisse, comme une volaille. J'aime mieux une pensée maigre, qui chasse son gibier.
Surtout aux enfants qui ont tant de fraîcheur, tant de force, tant de curiosité avide, je ne veux pas qu'on donne ainsi la noix épluchée.

 Tout l'art d'instruire est d'obtenir au contraire que l'enfant prenne de la peine et se hausse à l'état d'homme.

 Ce n'est pas l'ambition qui manque ici ; l'ambition est le ressort de l'esprit enfant. L'enfance est un état paradoxal où l'on sent qu'on ne peut rester ; la croissance accélère impérieusement ce mouvement de se dépasser, qui, dans la suite, ne se ralentira que trop. L'homme fait doit se dire qu'il est en un sens moins raisonnable et moins sérieux que l'enfant. Sans doute il y a une frivolité de l'enfant, un besoin de mouvement et de bruit ; c'est la part des jeux ;

 mais il faut aussi que l'enfant se sente grandir, lorsqu'il passe du jeu au travail.

 Ce beau passage, bien loin de le rendre insensible, je le voudrais marqué et solennel.

 L'enfant vous sera reconnaissant de l'avoir forcé ; il vous méprisera de l'avoir flatté.

 L'apprenti est à un meilleur régime ; il éprouve le sérieux du travail ; seulement, par les nécessités mêmes du travail, il est mieux formé quant au caractère, non quant à l'esprit. Si l'on apprenait à penser comme on apprend à souder, nous connaîtrions le peuple roi.

Or, dès que nous nous approchons des pensées réelles, nous sommes tous soumis à cette condition de recevoir d'abord sans comprendre, et par une sorte de piété. Lire, c'est le vrai culte, et le mot culture nous en avertit.

 L'opinion, l'exemple, la rumeur de la gloire nous disposent comme il faut. Mais la beauté encore mieux. C'est pourquoi je suis bien loin de croire que l'enfant doive comprendre tout ce qu'il lit et récite. 

Prenez donc La Fontaine, oui, plutôt que Florian ; prenez Corneille, Racine, Vigny, Hugo.

Mais cela est trop fort pour l'enfant ? parbleu, je l'espère bien. Il sera pris par l'harmonie d'abord.
Écouter en soi-même les belles choses, comme une musique, c'est la première méditation.
Semez de vraies graines, et non du sable.
Qu'ils voient les dessins de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël ; et ils entendent Beethoven dans leur berceau.

Comment apprend-on une langue?

Par les grands auteurs, non autrement. Par les phrases les plus serrées, les plus riches, les plus profondes, et non par les niaiserie d'un manuel de conversation.

Apprendre d'abord, et ouvrir ensuite tous ces trésors, tous ces bijoux à triple secret. Je ne vois pas que l'enfant puisse s'élever sans admiration et sans vénération ;
 c'est par là qu'il est enfant ; et la virilité consiste à dépasser ces sentiments- là, quand la raison développe sans fin toute la richesse humaine, d'abord pressentie. L'enfant se fait une très grande idée de l'âge viril ; il faut pourtant que cette espérance soit elle-même dépassée. Rien n'est trop beau pour cette âge ".

Cordialement vôtre, Gerboise .



mercredi 9 mai 2012

A propos de la traduction, c'est-à-dire de la capacité de traduire, de prendre connaissance des informations qui nous parviennent de toute part , thème envisagé dans un prochain message .


Carte postale Réf. 616 LUDOM ÉDITION "trouvée" dans " un vide grenier " dans une rue de Montmartre.

En lisant son livre, qu'est-ce-que ce jeune garçon peut-il " transcrire " du texte situé devant ses yeux  à chacun des jeunes  personnages  plus ou moins attentifs ? De très nombreuses questions peuvent se poser à ce propos ; nous les traiterons en profondeur ici et dans un autre message ultérieur .

Nous essayerons d'approfondir ce thème dans un prochain message. En attendant , nous vous présentons un prélude à cet important problème qui se pose constamment à notre esprit .

Un personnage... ! " cherchant la petite bête " , capable de " couper les cheveux en quatre " , en deux mots: habile à tergiverser , mais cependant enthousiaste et passionné, argumentant sur le fait de bien traduire, c'est-à-dire , dire la même chose, ou presque la même chose, me fit penser à ce problème non négligeable, et m'inspira cette réflexion ci-dessous :

Il existe trois errements essentiels auxquels un interprète au  sens large du terme ne doit pas " baisser les bras " , mais doit "s'accrocher " ,résister de toutes ses forces intellectuelles de conviction .

Il s'agit, il est question ,

De faux-sens*,
de contre-sens**,
de non-sens*** .

Effectivement, quand un faux-sens est perpétré, il engendre un contre-sens et de ce contre-sens survient le non-sens ; ce non-sens ridiculise,celui qui " traduit "  et déforme ainsi la pensée de l'auteur en induisant en erreur de façons très différentes bien sûr les futurs lecteurs .

Mais réfléchissons : si " ce traducteur " , sur le qui vive, se méfie du faux-sens, il ne crée, n'enfante pas, ne donne pas le jour à un contre-sens et s'il ne donne pas naissance à un contre-sens, il n'en vient pas, il n'est pas réduit, il n'en arrive pas au non-sens ; et s'il ne s'abandonne pas au non-sens, il se rabaisse pas par la bienveillance du " logos " , en un mot , du verbe symbolique .

A bientôt, dans le prochain message , en vue de  " décortiquer " , expliquer sous tous les angles, tous les faux-sens, les  contre-sens et les non-sens des termes traduire et traductions ... Nous essayerons  ainsi , de traduire notre pensée en termes les plus clairs, les plus cohérents et les plus larges, envisageables et vraisemblables .

* Contre-sens ,  sens contraire à la signification véritable ; donc erreur sur le sens d'un mot, d'une phrase ; toute interprétation ou traduction , qui s'écarte du sens véritable et le dénature .
** Non-sens , absurdité dépourvue de raison ( parler d'épargne à une personne qui vit dans le dénuement, c'est un non-sens) , suite de mots qui ne signifie rien ; implique l'absence totale de sens dans ce que l'on dit, écrit ou traduit . Non-sens  est un jugement objectif sur une faute de pensée ou d'expression (cette phrase ... ne veut rien dire) .
*** Faux-sens , erreur sur l'acception, (signification ) d'un mot particulier ; se dit pour une traduction et implique qu'un mot, quoique n'étant pas interprété exactement, l'est tout de même en un sens assez voisin pour que la pensée  ne soit pas dénaturée .

Mot à double-sens, mot qui possède une double signification .
Sens propre, sens figuré .
Sens pratique , aptitude à adapter judicieusement son comportement aux circonstances .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

vendredi 20 avril 2012

Deux géants de la connnaissance de l'être humain, Socrate et Montaigne échangent des propos sur les variations [stabilité et/ou évolution] de la nature humaine en comparant les hommes sur leur façon de vivre avec leur temps, sous la plume de FONTENELLE

 

Voici un exemple remarquable de réflexion sur l'évolution et la constance des comportements humains au cours des temps .
Il s'agit d'un des dialogues de Fontenelle*, dits "Dialogues des morts". Celui-ci , entre Socrate** et Montaigne*** , est construit à partir des échanges d'opinions imaginés entre ces deux grands esprits ; échanges conçus, élaborés par l'auteur des " Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686 " et " De l'histoire des Oracles, 1686 " .

* Bernard le Bovier de Fontenelle naquit à Rouen le 11 Février 1657 .Neveu de Corneille par sa mère, il appartenait à une famille littéraire illustre . Après avoir fait des études de droit, et après avoir, comme avocat, plaidé une cause sans succès, il quitta le barreau pour se consacrer aux lettres .
Il donna en 1683 des Dialogues des Morts, œuvre intelligente et paradoxale, où il semble prendre plaisir à heurter de front les opinions les plus communément reçues ;

** Socrate, qui s'était donné pour tâche d'être instructeur universel des Athéniens, a voulu rester un accoucheur des esprits . Il ne prêchait pas, il enseignait ; il ne demandait pas la foi, la croyance, mais l'intelligence .  Il appelait chacun à prendre conscience de sa responsabilité propre, et à régler son jugement  . Socrate ne demandait pas à ses élèves de répéter son comportement ; il indiquait un chemin et une vérité en fonction desquels il s'orientait pour son propre compte, mais il ne prétendait pas être lui-même ce chemin et cette vérité .

***Montaigne ,

" De l'expérience que j'ai de moi, je trouve assez de quoi me faire sage " [ Essais, III,13] .

Montaigne et également Érasme comprirent que l'esprit humaniste était un esprit de raison, de mesure et d'humanité . L'humanisme fut chez eux une foi retrouvée dans les ressources de la nature humaine,une confiance mise en la raison pour instruire les hommes, les civiliser, leur apprendre à humaniser leurs rapports, à rendre plus justes leurs institutions . Ils eurent aussi un sens aigu des limites de notre nature, une défiance à l'égard des ambitions démesurées qui poussent l'homme, comme disait Montaigne,  " à vouloir faire la poignée plus grande que le poing et enjamber plus que l'étendue de ses jambes " (Essais, II,12)
Comme ont pu le dire, au cours des siècles passés, beaucoup d'esprits curieux des choses humaines et sociales, Montaigne  fut " le plus génial et le plus complet "  des humanistes de son temps . Bien plus que par Érasme et d'autres qui, écrivant en latin, ne touchaient que des érudits, c'est par lui que s'est faite la diffusion de l'esprit humaniste retrouvé .
Le génie de Montaigne a fait, à partir des sentences des grands écrivains de l'antiquité, le premier essai d'une sagesse moderne, héritière de la sagesse antique, éclairée par la philosophie de la Grèce et de la Rome antique que les anciens ne soupçonnaient pas .
Il essaya d'être, autant que possible, un sage . Qu'il ait cru pouvoir  y réussir, c'est ce qu'exprime son " que sais-je ? " et qui n'est rien de plus qu'un sentiment très vif de la fragilité et de l'inconstance des jugements humains . Un des premiers, il nous a révélé que le sujet humain est " merveilleusement ondoyant et divers " .
Montaigne a toujours été soucieux au plus au point de garder son indépendance .Il était conscient du risque de ne travailler qu'à remplir sa mémoire et laisser son entendement et sa conscience vides . Souvent il enseignait une pédagogie de sagesse : 

" Nous prenons en garde les opinions et le savoir d'autrui, et puis c'est tout . Mais le plus important c'est de les faire nôtre "  
 " Combien diversement jugeons-nous des choses ? Combien de fois changeons-nous nos fantaisies ? 
Ce que je tiens aujourd'hui (ce que je tiens pour vrai) et ce que je crois, je le tiens et je le crois de toute ma croyance . Tous mes outils et tous mes ressorts (facultés) empoignent cette opinion et m'en répondent sur tout ce qu'ils peuvent . Je ne saurais embrasser aucune vérité, ni conserver, avec plus de force que je fais celle-ci . J'y suis tout entier, j'y suis vraiment !

Mais ne m'est-il pas advenu, non une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelqu'autre chose avec ces mêmes instruments, en cette même condition ( de cette même façon) que depuis j'ai jugé fausse? Au moins faut-il devenir sage à ses propre dépens . Si je me suis trouvé souvent trahi sous cette couleur ( par cette apparence) , si ma touche ( pierre de touche)  se trouve ordinairement fausse, et ma balance inégale et injuste, quelle assurance en puis-je prendre à cette fois plus qu'aux autres ? N'est-ce pas sottise de me laisser tant de fois piper à ( tromper par)  un guide ? Toutefois que la fortune (les circonstances) nous remue cinq cents fois de place, qu'elle ne fasse que vider et remplir sans cesse, comme dans un vaisseau,dans notre croyance autres et autres opinions, toujours la présente et la dernière, c'est la certaine et l'infaillible ."

 " Nous sommes tous contraints et amoncelés en nous ( repliés sur nous-mêmes) , et avons la vue raccourcie à la longueur de notre nez ."

On demandait à Socrate d'où il était ; il ne répondit pas : " d'Athènes " , mais: " du monde " . Lui, qui avait l'imagination plus pleine et plus étendue, embrassait l'univers comme sa ville, jetait ses connaissances, sa société et ses affections à tout le genre humain ; non pas comme nous, qui ne regardons que sous nous .

" J'ai pris, comme j'ai dit ailleurs, bien simplement et crûment pour mon regard ( pour ce qui me concerne) ce précepte ancien : que nous ne saurions faillir à suivre la nature, que le souverain précepte, c'est de ce conformer à elle "...

" Je n'ai pas corrigé Socrate , par force de la raison  mes complexions naturelles, et n'ai aucunement troublé par art mon inclination .Je me laisse aller, comme je suis venu, je ne combats rien, mes deux maîtresses pièces (  ma complexion [tempérament]  naturelle et ma raison) vivent de leur grâce en paix et en bon accord .
Cette raison qui redresse Socrate  de son vicieux pli, le rend obéissant aux hommes et aux Dieux qui commandent en sa ville, courageux en la mort, non parce que son âme est immortelle, mais parce qu'il est mortel ."

Savoir se donner à autrui sans s'ôter à soi .
Savoir être impartial .


" Quoi qu'on nous prêche ( conseille, préconise, recommande) , quoi que nous apprenions, il faudrait toujours se souvenir que c'est l'homme qui donne et l'homme qui reçoit ; c'est une, mortelle main qui nous le présente ; c'est une mortelle main qui l'accepte " .

Pénétrons maintenant dans le texte de Fontenelle : le voici


" Montaigne est le premier à entrer en scène .

C'est donc vous,  divin Socrate ? Que j'ai de joie de vous voir ! Je suis tout fraîchement venu en ce pays-ci et dès mon arrivée je me suis mis à vous y chercher . Enfin, après avoir rempli mon livre de votre nom et de vos éloges, je puis m'entretenir avec vous, et apprendre comment vous possédiez cette vertu si naïve , dont les allures étaient si naturelles, et qui n'avaient point d'exemple, même dans les heureux siècles où vous viviez .

Socrate commente les premiers propos de Montaigne .

Je suis bien aise de voir un mort qui me paraît avoir été philosophe : mais comme vous êtes nouvellement venu de là-haut, et qu'il y a longtemps que je n'ai vu ici personne (car on me laisse  assez seul, et il n'y a pas beaucoup de presse à rechercher ma conversation) , trouvez bon que je vous demande des nouvelles .
Comment va le monde ? N'est-il pas bien changé ?

Montaigne approuve .

Extrêmement . Vous ne le reconnaîtriez pas .


Socrate poursuit .


J'en suis ravi . Je m'étais toujours bien douté qu'il fallait qu'il devint meilleur et plus sage qu'il n'était de mon temps .

Montaigne relance .

Que voulez-vous dire ?  Il est plus fou et plus corrompu qu'il n'a jamais été . C'est le changement dont je voulais parler, et je m'attendais bien à savoir de vous l'histoire du temps que vous avez vu, et où régnait tant de probité ( qualité qui nous pousse à rechercher le bien et à fuir le mal .Probité implique obéissance rigoureuse aux lois instituées par la société ) et de droiture .

Socrate naïf, stupéfait .

Et moi, je m'attendais, au contraire, à apprendre des merveilles du siècle où vous venez de vivre . Quoi ! les hommes d'à présent  ne se sont point corrigés des sottises de l'antiquité ?

Montaigne précise .

Je crois que c'est parce que vous êtes ancien que vous parlez de l'antiquité si familièrement ; mais sachez qu'on a grand sujet d'en regretter les mœurs, et que de jour en jour tout empire .

Socrate réaliste puis optimiste!

Cela se peut-il ? Il me semble que de mon temps les choses allaient déjà bien de travers . Je croyais ( n'est-ce pas de la naïveté )qu'à la fin elles prendraient un train (une orientation) plus raisonnable, et que les hommes profiteraient de l'expérience de tant d'années .

Montaigne qui a le sens des réalités .

Eh !  les hommes font-ils des expériences ? Ils sont faits comme les oiseaux, qui se laissent toujours prendre dans les mêmes filets où l'on a déjà pris cent mille oiseaux de leur espèce . Il n'y a personne  qui n'entre tout neuf dans la vie, et les sottises des pères sont perdues pour les enfants .

Socrate persévérant dans sa vision des choses .

Mais quoi ! ne fait-on point d'expérience ? Je croirais que le monde devrait avoir une vieillesse plus sage et plus réglée que n'a été sa jeunesse .

Montaigne s'accorde sur ces propos .

Les hommes de tous les siècles ont les mêmes penchants, sur lesquels la raison n'a aucun pouvoir . Ainsi, partout où il y a des hommes, il y a des sottises et les mêmes sottises .

Socrate approuve .

Et sur ce pied- là (à ce point de vue), comment voudriez-vous que les siècles de l'antiquité eussent mieux valu que le siècle d'aujourd'hui ? 

Montaigne commente les déclarations de Socrate et les apprécie . 

Ah ! Socrate , je savais bien que vous aviez une manière particulière de raisonner, et d'envelopper si adroitement ceux à qui vus aviez affaire dans des arguments dont ils ne prévoyaient pas la conclusion, que vous les ameniez où il vous plaisait ; et c'est ce que vous appeliez être la sage-femme de leurs pensées, et les faire accoucher . J'avoue que me voilà accouché d'une proposition toute contraire à celle que j'avançais : cependant je ne saurais encore me rendre . Il est sûr  qu'il ne se trouve plus de ces âmes vigoureuses et raides  de l'antiquité , des Aristide, des Phocion, des Périclès, ni enfin des Socrate .

Socrate constate et se pose des questions .     

A quoi tient-il ? Est-ce que la nature s'est épuisée, et qu'elle n'a plus la force de produire ces grandes âmes ? Et pourquoi ne serait-elle encore épuisée en rien, hormis en hommes raisonnables ? Aucun de ses ouvrages n'a encore dégénéré : pourquoi n'y aurait-il que les hommes qui dégénérassent ?

Montaigne prend acte de la situation .

C'est un point de fait ; ils dégénèrent . Il semble que la nature nous ait autrefois montré quelques échantillons de grands hommes, pour nous persuader qu'elle en aurait su faire si elle avait voulu, et qu'ensuite elle ait fait tout le reste avec assez de négligence .

Socrate qui a ,lui aussi, "les pieds sur terre" ! souligne et considère la situation .

Prenez garde à une chose . L'antiquité est un objet d'une espèce particulière ;  l'éloignement le grossit . Si vous eussiez connu Aristide, Phocion, Périclès et moi, puisque vous voulez me mettre de ce nombre, vous eussiez trouvé dans votre siècle des gens qui nous ressemblaient . Ce qui fait d'ordinaire qu'on est si prévenu pour l'antiquité, c'est qu'on a du chagrin contre son siècle, et l'antiquité en profite . On met les anciens bien haut pour abaisser ses contemporains . Quand nous vivions, nous estimions nos ancêtres plus qu'ils ne méritaient ; et à présent, notre postérité nous estime plus que nous ne méritons: mais, et nos ancêtres, et nous, et notre postérité, tout cela est bien égal ; et je crois que le spectacle du monde serait bien ennuyeux pour qui le regarderait d'un certain œil , car c'est toujours la même chose .

Montaigne considère, " regarde les choses en face " en se posant des questions pertinentes .

J'aurais cru que tout était en mouvement, que tout changeait, et que les siècles différents avaient leurs différents caractères, comme les hommes . En effet, ne voit-on pas des siècles savants, et d'autres qui sont ignorants ? N'en voit-on pas de naïfs, et d'autres qui sont plus raffinés ? N'en voit-on pas de sérieux, et de badins ( léger, qui manque de sérieux quand il en faudrait ) ? de polis et de grossiers ?

Socrate acquiesce .

Il est vrai .

Montaigne pose la question de principe . 

Et pourquoi donc n'y aurait-il pas des siècles plus vertueux, d'autres méchants ?

Socrate se lance dans des considérations pénétrantes, lucides, pleines de sagesse !et précise .

Ce n'est pas une conséquence . Les habits changent ; mais ce n'est pas à dire que la figure des corps change aussi . La politesse ou la grossièreté, la science ou l'ignorance, le plus ou le moins d'une certaine naïveté, le genre sérieux ou badin, ce ne sont là que les dehors de l'homme, et tout cela change : mais le cœur ne change point, et tout l'homme est dans le cœur  . On est ignorant dans un siècle, mais la mode d'être savant peut venir : on est intéressé, mais la mode d'être désintéressé  ne viendra point . Sur ce nombre prodigieux d'hommes déraisonnables qui naissent en cent ans, la nature en a peut-être deux ou trois douzaines de raisonnables, qu'il faut qu'elle répande par toute la terre ; et vous jugez bien qu'ils ne se trouvent jamais nulle part en assez grande quantité pour y faire une mode de vertu et de droiture .

Montaigne demande de préciser  .

Cette distribution d'hommes raisonnables se fait-elle également ? Il pourrait bien y avoir des siècles mieux partagés les uns que les autres .

 Socrate termine et conclut .

Tout au plus il y aurait quelque inégalité imperceptible . L'ordre général de la nature a l'air bien constant .
( Ainsi Socrate termine, dans l'esprit de Fontenelle, l'entretien en présentant les choses de ce monde comme ayant l'air, semblant permanentes, paressant[!] ne point évoluer, changer .)

[ Dialogues III ] 

A bientôt, cordialement, Gerboise


mercredi 21 mars 2012

Avoir ou Etre : est-il vraiment nécessaire et utile de choisir ? Voici posée une question plus que pertinente, appropriée... !

" Beaucoup de jeunes observent* ou ressentent** vaguement que la boulimie*** de l' ~avoir plus ~ étouffe chaque jour le souci**** d' ~être plus ~ " .

Robert Debré, médecin français, 1882-1978 ; ses travaux concernent , entre autres, les maladies infectieuses de l'enfant . Il fut à l'origine de la création de l' UNICEF ; membre de l'Académie des Sciences en 1961 . Son livre : Ce que je crois , est admirable .

La société de consommation qui entraîne, qui encourage les citoyens à posséder toujours plus, davantage, le réalise au détriment de l'individualité, du "Moi " véritable des gens, qui est oublié, camouflé par les nombreuses acquisitions inutiles .

L'essentiel est étouffé par le superflu .

* observent: car ils sont lucides, perspicaces en leur fort intérieur, leur conscience ;
** ressentent : devraient apprendre à ressentir ;
*** boulimie : l'avidité, ce désir insatiable de toute chose ; la convoitise, l'impatience ;
**** le souci : l'intéressement à ... ; parfois jusqu'à l'obsession [ce qui s'impose à l'esprit] , qui accapare tout le champ de la pensée ; la grande attention que l'on porte à faire quelque chose et la préoccupation d'agir dans le sens nécessaire ...

Ceci, cette réflexion, n'était qu'un simple rappel ,car je sais que vous êtes, malgré votre jeunesse , conscients de ce type d' impératif de l'existence, en notre monde !

Sincèrement vôtre, Esiobreg , la petite sœur de Gerboise .


lundi 5 mars 2012

Alors, vous allez enfin vous décider ! prendre une décision ! Allons , Doudoue, tu avances ! tu te décides, viens, c'est facile , tu agis ! : tu mets "simplement" un pied devant l'autre ! Prémices à la lecture du livre de Alain Berthoz : La décision .


 Photographie prise par Gerboise dans un verger de l'Ile de France .

Enfin, elles [ces fleurs,ces feuilles] se décident (provisoirement !) à sortir de leur léthargie ... Un renouveau survient, un air printanier plein de promesses " prend la résolution ! " de régner sur la nature des "choses de la vie " , se met en tête de s'installer pour un instant, qui sait, peut-être pour plus longtemps . En attendant, c'est une chose merveilleuse dont il faut profiter le plus possible !

 Avant de présenter, dans un prochain billet, le livre passionnant et très formateur pour notre intelligence des choses de l'esprit et en particulier pour cultiver notre réflexion : La décision , de Alain Berthoz, publié en 2003 aux Éditions Odile Jacob ,dans lequel il s'agit de comprendre [les mécanismes neuronaux], comment le cerveau prend une décision? Il était peut-être nécessaire, avant de réfléchir aux apports de l'auteur afin de les commenter, de définir certains termes dans un autre contexte de nature différente, celui des mots : comment exprime-t-on ces actes grâce aux subtilités du langage ?

Première partie

DÉCIDER , RÉSOUDRE

Fixer l'esprit , faire qu'il ne continue pas à être en suspens , en attente , irrésolu , indécis ; faire qu'il prenne un parti , qu'il s'engage dans l'action .

" La décision est un acte de l'esprit , et suppose l'examen (observation, recherche, discussion réfléchie; considération attentive d'une chose dans tous ses détails) .
La résolution est un acte de la volonté , et suppose la délibération  " (action d'examiner le pour et le contre avec d'autres avant de prendre parti) . Girard

L' indécis ne sait à quoi se décider ; il est aussi lent à avoir un sentiment que l'homme décidé est leste à s'en former un .
L' irrésolu ne sait à quoi se résoudre ; il est aussi lent à prendre un parti que l'homme résolu est leste à le faire .

Décider se rapporte proprement  à l'intelligence , et résoudre à la volonté .
On décide après examen , on résout après délibération .

La décision fait prendre parti relativement au vrai , et la résolution relativement au bien : l'une est un jugement , l'autre quelque chose d'arrêté . ; l'une doit être juste , l'autre ferme .
Quand une chose a été décidée , on sait ce qu'on doit croire ; quand une chose a été résolue , on sait ce qu'il y a à faire .
Vous dites, les décisions des conciles de l’Église, et les résolutions d'un conseil des ministres : les premières demandent à être tenues pour article de foi, les dernières à être exécutées .

Toutefois résoudre peut aussi avoir le sens particulier de décider, savoir celui de déterminer la croyance, de faire cesser le doute ou l'incertitude : résoudre une question, décider une question .
Mais on décide soudain, sans tâtonnement, avec assurance ; au lieu qu'on ne parvient à résoudre qu'à force de travail et de recherche .

Décider, du latin de et coedere, couper, trancher, c'est mettre fin à l'hésitation de l'esprit tout d'un coup, en tranchant la question .
Certaines personnalités responsables de groupes humains, créatures prétentieuses, infatuées de leur personnes , se ventent à toute occasion de savoir naturellement toutes choses : elles veulent toujours avoir raison, quoiqu'elles décident des questions desquelles elles n'ont aucune connaissance .

Résoudre , de resolvere,  déployer, délier, dénouer, expliquer, signifie défaire le nœud de la difficulté, en décomposer toutes les parties pour les bien connaître .

Décider convient en parlant de questions sur lesquelles on ne veut que savoir ce qu'on doit penser .
Mais on résout les questions difficiles, obscures, embarrassantes, tout ce sur quoi on veut s'éclaircir, tout ce dont on veut se rendre compte, les problèmes, les objections, les arguments captieux, les énigmes .
Après la réalisation de cette expérience, le chercheur pourra décider de la suite de ses recherches en vue de résoudre le problème .
La foi et l'autorité décident, et cela souverainement ou bien en invoquant des témoignages, des exemples, des traditions, des coutumes ; la science résout, et cela par l'analyse, la réflexion et le raisonnement .
Comme résoudre se prend bien dans le sens intellectuel ou spéculatif de  décider, de même à son tour, décider signifie quelquefois, ainsi que résoudre, amener à vouloir, porter à agir, à tenir une certaine conduite.


(à suivre dans un prochain billet)


A bientôt, cordialement vôtre, Gerboise ..



 

mardi 21 février 2012

Alzheimer,un redoutable fléau* sans fin qui, petit à petit ,sape** ce merveilleux instrument*** ,ce moyen prodigieux de nous transporter dans le temps passé:la mémoire .


* fléau : grand malheur public ou privé . Catastrophe, malheur inattendu, funeste à un individu ou à un peuple, insiste sur le bouleversement produit dans les âmes ou dans l'ordre des choses .
** saper : détruire les assises d'une construction pour la faire écrouler ; réduire à néant une chose, un être en l'attaquant dans ses structures, dans ses principes ; saper la personnalité d'un être humain , la désorganiser .
*** instrument que nous allons,dans une série de billets successifs qui vont suivre, définir et préciser en vue de comprendre tous les aléas qui peuvent survenir au cours de la vie de tout être humain .


Pourquoi la présence de cette image ci-dessus , prise à partir de la digue du Sillon, à Saint Malo, à la marée montante,par Gerboise ? Cette sérénité de la mer ! Que vient-elle apporter au message ci-dessous ? Quelles sont les raisons de sa présence ? Existe-t-il un sous-entendu exprimé , un non-dit dans l'apparence, la signification sous-jascente de cette vue ? Quelle réalité nous fait-elle entrevoir ?

Si vous désirez le savoir dés maintenant, rendez vous à la fin de ce billet .

 "   Vous devez commencer par perdre votre mémoire , ne serait-ce que par petits bouts, pour comprendre qu'elle est ce qui constitue votre vie . La vie sans la mémoire, ce n'est plus la vie ... Notre mémoire est notre cohérence, notre raison, nos sentiments, même nos actions .

Sans elle nous ne sommes rien "  (ou du moins, plus grand chose, à certains points de vue ; cependant, pour d'autres, en particulier ceux qui touchent aux émotions, dans un immense désert rationnel, de merveilleuses oasis de fraîcheur se manifestent et viennent illuminer les profondeurs de l'obscurité ambiante ) .

Luis BUNUEL [ né le 22-02-1900 à Calanda en Aragon, Espagne ; mort le 29-07-1983 à Mexico . Il a été un réalisateur et un scénariste important, naturalisé mexicain .Il avait étudié chez les Jésuites jusqu'à l'âge de 15 ans .

Le docteur Gustave LE BON (Psychologie des foules) avait qualifié l'inconscient ,où [peut-être?] se loge la  mémoire, de  " magasin   de structures mentales " . Cette mémoire, ces traces!, ne sont pas , comme le veut le sens commun, un " passé "  de l'esprit . Elles sont comme une masse de structures stables, mobiles, fluantes, se transformant au gré des événements . L'activité mentale consciente se nourrit sans cesse de cette réserve . La mémoire permet de prélever dans ces structures versatiles des schémas perceptifs ou idéels,mais également des " tensions " insoupçonnées et des prises de position .

Prodigieux, fascinant outil ,que cette mémoire ; surtout c'est un noble instrument digne d'être utilisé pour arriver à quelques fins, au propre comme au figuré; mais également un moyen de nous déplacer, nous transporter dans les temps écoulés . Ces représentations, ces images ne sont pas parfaites et à l'évidence fiables, fidèles . Il s'agit de reconstructions successives, d'expériences et de faits ancrés en fonction de la manière selon laquelle ils se sont engrangés, mais pas seulement, mais également  suivant les modalités selon lesquelles ils ont été réellement enfantés . Ces reconstructions se sont réalisées à partir d'un cerveau transformé par rapport à celui dans lequel s'étaient structurés les souvenirs .

Si elle n'est pas infaillible, notre mémoire n'en réalise pas moins une activité de premier ordre, un travail considérable . Quelquefois les détails d'une situation ancienne sont perdus, égarés (?) ; de temps en temps , il n'est même plus possible de nous remémorer certains éléments que nous recherchons alors que nous savons pertinemment par d'autres sources d'information que nous avions possédé cette connaissance . Il peut même se produire des situations où les choses entrevues ne s'étaient jamais réalisées .

Il sera nécessaire, en vue de pénétrer dans les arcanes de ce que nous nommons  la mémoire , de rappeler dans un prochain billet toutes les alternatives présentées par de nombreux auteurs et, particulièrement ceux que les Éditions Odile Jacob nous ont permis de lire dans leurs ouvrages publiés dans ses diverses collections, qui sont systématiquement d'une qualité scientifique exceptionnelle  .

La nuit est tombée tout doucement sur l'Océan [ sur la mémoire de ma femme], cette immensité parfois insondable, du moins difficile à saisir . Mais un rayon de lumière lunaire [le " Rayon Vert" de Jules Verne], petit à petit, est venu illuminer la surface des flots [ le renouveau de ses comportements] ; représentant un espoir qui vient de renaître peut-être, dans ce crépuscule ... 
C'est un nouveau paysage presque aussi merveilleux que celui admiré à l'aube, plein de clarté et de promesses, qui a surgi pas à pas, rognant un néant potentiel qui a été vaincu par la force d'un " aidant "  luttant pied à pied avec toute son affection, minute par minute, contre cette adversité  sournoise.
Oui, j'y crois, je le pense,l'esprit de ma " Doudoue " peu à peu éclairé par des sollicitations continues de toutes sortes, paroles, musiques classiques , airs rythmés des guinguettes et des marches militaires, images stimulantes de films à valeurs sentimentales comme ceux de Julia Roberts[, Notting Hill,Pretty Woman], ceux de Bourvil, Fernandel , ... exercices divers ... comme cette mer au crépuscule, va s'éloigner de ces brumes .Sa personnalité va, non point " renaître ", mais s'enrichir de nouvelles potentialités affectives, émotionnelles, "fabuleuses", jamais entrevues jusqu'à ce jour...

Cordialement vôtre, Gerboise .

samedi 28 janvier 2012

Nouvelle année,nouvelles interactions avec mes fidèles lecteurs : réflexions sur la mémoire et la maladie d'Alzheimer .


Le Soleil-Royal, vaisseau français à trois ponts du règne de Louis XIV , comme tous les bâtiments de son époque ( qui sont en partie oubliés à l'heure actuelle ), permettait de partir à l'aventure, enrichi de la mémoire de ces marins intrépides se souvenant des péripéties des campagnes antérieures , les intégrant pour aller de l'avant vers des mondes pleins d'imprévus et d'espérance . (Reproduction réalisée à partir d'un livre merveilleux, très instructif, que nous vous recommandons de lire :L'Histoire des bateaux de G. FOUILLE, Peintre de la Marine aux Éditions NATHAN, 1960 )




Non , Gerboise n'a pas " oublié "ses lecteurs assidus depuis des années , ni les nouveaux qui découvriraient le site " Savoirs et Réflexions " en cette nouvelle année . A tous, je présente mes voeux de bonheur et surtout de bonne santé, mais également d'enrichissement intellectuel et de maintien d'une activité fructueuse à tous les points de vue, surtout celle qui concerne le développement de votre esprit critique et celle qui permet d'être toujours capable de "jauger" les informations qui viennent frapper nos sens de toute part . Avec la santé, cette activité est à l'heure actuelle un des biens parmi les plus précieux que nous devons accaparer, vous, puis, de plus, en faire profiter les autres.

Que m'est-il arrivé pour disparaître ainsi
:

Pour ne plus , chaque matin, vous faire part du thème de réflexion formateur [en vue d'essayer de développer en vous un esprit critique acéré ] qui m'est venu à l'esprit, ainsi que des réflexions concernant les informations, surgies d'on ne sait d'où ! , concernant des problèmes importants qui m'ont occupé l'esprit et sur lesquels je m'interroge, car ils font partie, et font l'objet de mes préoccupations et que je prend ainsi en considération ?

J'ai été " plongé " durant presque six mois dans des problèmes de " mémoire " ! inhérents au maintien, à la sauvegarde, à la préservation d'une pensée émotionnelle alors que la pensée intellectuelle de ma femme, ma Doudoue ! est entrain de s'effilocher , voire de disparaître dans son essence même .


Cette maladie d'Alzheimer "plonge" dans les profondeurs insondables de l'être humain ...C'est une lente dépossession de soi-même ..., d'un être . Certains parlent de la perte de dignité !


C'est inexact ! Ma femme possède toujours une certaine dignité,noblesse, surtout lorsqu'elle fait des efforts désespérés pour tenter d'exprimer par le regard ce qui lui fait soucis ou joies ...


Ces problèmes sont toujours présents, mais, je suis arrivé à les gérer, à savoir m'organiser, à savoir dominer les nouveaux symptômes de l'évolution de cette pathologie infernale !

Ainsi, je vais essayer de poursuivre mes réflexions sur des sujets que je considère comme essentiels en vue de construire , "de vous insuffler " un esprit fait d'initiatives audacieuses .

C'est au moyen de la mémoire que nous sommes capables de nous rendre compte " , de nous remémorer qui nous sommes, de situer instantanément les êtres, nos proches, de nous rappeler où nous habitons ainsi que de reconnaître les personnes qui nous entourent, les lieux connus ou inconnus que nous fréquentons, ce que nous sommes amenés à réaliser actuellement, demain, et même dans un futur plus ou moins lointain .


C'est grâce à cette faculté que , enfant, nous pouvons apprendre à parler, à écrire, que nous entonnons un air connu , que nous menons nos pas, notre véhicule sans y penser, automatiquement, et que nous sommes capable de retrouver un livre sur une étagère, dans une bibliothèque .



Mais lorsqu'elle s'efface, cette mémoire, qu'elle s'estompe, puis s'évanouit comme si elle s'évaporait :



Nous perdons notre identité ,



Une autre plus archaïque semble la remplacer et nous découvrons vraiment ce que nous étions, notre vrai personnalité : soit un être bon,chaleureux,bienveillant,généreux ... soit un être mesquin plein de hargne, pernicieux, malveillant, méchant ....


Mon bonheur en ces jours difficiles, laborieux, c'est d'avoir découvert ce que j'avais mal situé durant des dizaines d'années, c'est que ma Doudoue se comporte comme un être adorable . La maladie d'Alzheimer en effaçant certaines mémoires laisse apparaître la vraie nature de la personne, celle des sites des émotions, alors que les sites intellectuels n'interviennent pratiquement plus !


De toute façon, à tous les moments de notre existence, lentement, pas à pas, à pas gigantesques ou à minuscules notre mémoire va évoluer, "vieillir " , se transformer positivement ou négativement selon les différents contextes de notre mode de vie, l'environnement physique et/ou humain,selon les circonstances en adéquation avec nos émotions multiples ...


La rumeur, les on-dits, les bruits qui courent..., certaines revues et livres même sérieux, disent, essayent de nous faire croire que notre mémoire, notre capacité d'engranger ce que nos sens nous font ressentir, notre entendement, expliciter, comprendre, sera de moins en moins fiable ! Est-ce une vérité universelle, unanime de tous temps ? Je pense qu'il n'en n'est rien !


On essaye de nous convaincre, de nous faire abdiquer devant le fait que cette mémoire ne sera jamais plus la même : il est absoluement nécessaire pour la garder en l'état, de la cultiver constamment en toute occasion, en vue de la conserver dans l' efficacité proche de celle de notre jeunesse afin de rester soi-même !


Cette mémoire, notre mémoire, cette faculté d'emmagasiner, n'est-ce pas une "la" partie essentielle, prépondérante de notre personnalité ?


Cette mémoire, cette entité, comme notre prénom " notre je, notre moi " fait partie de nous-même : c'est notre personne intime, notre être profond .


La perdre, c'est à terme, perdre (dans le sens de changer, d' acquérir un autre moi ) une certaine dignité en vue d'en adopter une autre tout à fait différente ; c'est perdre notre position dans notre société, notre humanité (et certaines personnes indignes de vivre nous le font bien sentir par des expressions ignobles à propos de la maladie d'Alzheimer :


" Si votre femme est folle, mettez la à l'asile , vous en serez débarrassé et nous également ! ".


Y penser - mais en est-on capable sans mémoire - à l'idée de cette transformation qui nous consacre dans une autre sensibilité, nous devons rester solidement nous-même, avec tout notre réalisme .


De plus, cette mémoire, en fin de compte, concerne aussi la capacité de " mémoriser " , retenir des mots et des chiffres, des idées, des sentiments, des actes .


La mémoire " au jour le jour " , une faculté de nous souvenir du passé et également d'être capable de préparer l'avenir, notre avenir .


C'est également une série de facultés : tout d'abord celle qui nous peut nous rendre capable de lire, d'écrire, de compter, de prévoir ,d'imaginer .


Ensuite elle nous permet de déambuler dans les rouages de la vie matérielle et émotive .


Enfin, celle qui assure la continuité entre nos émotions d'hier et celles désirées pour dominer en quelque-sorte l'avenir proche et même lointain .



Nous poursuivrons notre réflexion sur les questions qui se posent à propos de la mémoire en analysant les concepts de Théodule RIBOT (1839-1917) énoncés et réunis dans son ouvrage :

ce Breton natif de Guingamp,philosophe et psychologue français .


Les maladies de la mémoire, édité par la librairie GERMER BAILLIERE en 1881 .

Ce livre a été réédité (17 euros) en 2005 aux Éditions de l'Harmattan, dans la collection Encyclopédique Psychologique, dirigée par Serge NICOLAS . Ce dernier retrace d'une façon remarquable dans l'introduction du livre la méthode pathologique de RIBOT, ainsi que le résumé de l'oeuvre et la réédition fac similé ( reproduction exacte de la version originale) . Nous vous proposons de l'acquérir et de vous imprégner de son contenu riche d'une expérience profonde des rapports aux savoirs et aux mécanismes de la réflexion scientifique et humaine dans ce monde complexe des sciences humaines et d'ailleurs de toutes les Sciences et de toute la Connaissance .


Voici les deux premières pages du chapitre 1, présentées ici pour vous inciter à la lecture de l'ouvrage :


CHAPITRE PREMIER " La mémoire comme fait biologique .


L'étude descriptive du souvenir a été très bien faite par divers auteurs, surtout par les Écossais ;aussi le but de ce travail n'est pas d'y revenir . Je me propose de rechercher ce que la nouvelle méthode en psychologie peux nous apprendre sur la nature de la mémoire ; de montrer que les enseignements de la physiologie unis à ceux de la conscience nous conduisent à poser ce problème sous une forme beaucoup plus large ; que la mémoire tel que le sens commun l'entend et que la psychologie ordinaire l'a décrit, loin d'être la mémoire tout entière, n'en est qu'un cas particulier, le plus élevé et le plus complexe, et que, pris lui-même et étudié à part, il se laisse mal comprendre ; qu'elle est le dernier terme d'une longue évolution et comme une efflorescence dont les racines plongent bien avant dans la vie organique ; en un mot, que la mémoire est, par essence, un fait biologique ; par accident, un fait psychologique.

Ainsi entendue, notre étude comprend une physiologie et une psychologie générale de la mémoire et en même temps une pathologie. Les désordres et les maladies de cette faculté, classés et soumis à une interprétation, cessent d'être un recueil de faits curieux et d'anecdotes amusantes qu'on ne mentionne qu'en passant. Ils nous apparaissent comme soumis à certaines lois qui constituent le fond même de la mémoire et en mettent à nu le mécanisme.


-I-


Dans l'acception courante du mot, la mémoire, de l'avis de tout le monde, comprend trois choses :

la conservation de certains états,

leur reproduction,

leur localisation dans le passé.


Ce n'est là cependant qu'une certaine sorte de mémoire, celle qu'on peut appeler parfaite. Ces trois éléments sont de valeur inégale :


Les deux premiers sont nécessaires, indispensables ; le troisième, celui que dans le langage de l'école on appelle la " reconnaissance ", achève la mémoire,mais ne la constitue pas. Supprimez les deux premiers,la mémoire est anéantie; supprimez le troisième,la mémoire cesse d' exister pour elle-même,mais sans cesser d'exister en elle-même. Ce troisième élément,qui est exclusivement psychologique,se montre donc à nous comme surajouté aux deux autres: ils sont stables ;il est instable,il paraît et disparaît;ce qu'il représente,c'est l' apport de la conscience dans le fait de la mémoire ; rien de plus ...


... (en conclusion) ,


Nous avons rattaché notre loi à ce principe physiologique : " La dégénérescence frappe d'abord ce qui est le plus récemment formé ; " et à ce principe psychologique : " Le complexe disparaît avant le simple, parce qu'il a été moins souvent répété dans l'expérience ..."


A bientôt . Cordialement vôtre . Gerboise et Esiobreg .