C'est aux Editions de Fallois qu'est paru ce nouvel ouvrage de Jacqueline de Romilly, au mois de Mars 2007 . Sa découverte par nous, Gerboise, a été un véritable bonheur et nous nous empressons de vous faire connaître son existence , car c'est un véritable enrichissement qui se produit à chaque page . Dans ce billet, nous reproduisons l'analyse de l' Editeur, ainsi que la Préface de André GIOVANNI . Nous ne pourrions mieux faire nous même , pour mettre en valeur ce texte .Vous pourrez trouver à la fin du livre
,( son prix de 18 euros est accessible à beaucoup d'entre vous, sinon faites le acquérir par votre bibliothèque la plus proche ) une liste d'ouvrages aussi passionnants de l'auteur , dans différentes Maisons d' Editions .
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"Chaque mois, depuis des années, Jacqueline de Romilly essaie de nous faire partager son amour de la langue française .
Ce qu'elle veut avant tout, c'est nous en donner le goût .C'est-à-dire qu'elle insiste plus sur sur les beautés de cette langue que sur les dangers qui la menacent .
A partir d'un mot qu'elle a choisi, elle cherche à en préciser le sens, la valeur correcte, l'étymologie, ainsi que l'évolution qui, en fonction des changement de la société, des découvertes scientifiques, ou des réflexions des écrivains, a chargé ces mots de nuances nouvelles . En sommes, elle nous fait vivre le roman des mots .
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Les langues, en effet, ne cessent de se transformer . S'il existe des inventions inutiles et pédantes(vaniteuses), qui ne sont en réalité que des fautes portées par une mode souvent précaire (incertaine), il existe aussi des changements qui reflètent notre histoire et notre pensée . Il est passionnant d'en suivre le cours .
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Peu à peu les mots se chargent d'une riche complexité .
Réunies ici pour la première fois en un volume, ces promenades dans un jardin des mots nous permettent de contempler, en compagnie du meilleur guide que l'on puisse avoir, l'un des plus beaux paysages de la langue française ".
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.Jacqueline de Romilly est professeur de grec ancien . Elle a enseigné dans différents lycées, à la faculté de Lille, à l'Ecole normale supérieure, à la Sorbonne . Elle a été la première femme professeur au Collège de France, puis la première femme menbre de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres . Elle a été élue à l'Académie française en 1998 .
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Voici la Préface de l'ouvrage, par André Giovanni .
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Antoine de Saint-Exupéry, l'auteur de Terre des hommes, ne cessa jamais tout au long de sa vie de se poser cette question : "Que faut-il dire aux hommes ? "
Les écrivains, les journalistes, tous ceux qui par l'écrit ou par la parole s'adressent aux autres hommes, devraient. s'interroger de la même façon . Le célèbre aviateur, disparu en mission de guerre en1944, avait noté cette réflexion pathétique (émouvante, bouleversante ) : "On ne peut plus vivre sans poésie, couleur, amour . Rien qu'à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue . Il ne reste rien que la voix du robot et de la propagande . "
Journaliste et homme de presse depuis de longues années, je me suis toujours interrogé sur cette vocation .
Créer, diriger une publication destinée au grand public est une responsabilité exaltante (stimulante), mais redoutable .
C'est pourquoi je me suis toujours posé cette même question : "Que faut-il dire aux hommes ?"
Les contraintes qui s'imposent chaque jour dans nos métiers soulèvent d'autres interrogations : "Comment leur dire ? Avec qui le dire ? "
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J'ai toujours admiré Jacqueline de Romilly pour son engagement de professeur et son témoignage d'écrivain .
Dans la préface de son livre Ecrits sur l'enseignement, elle partage les inquiétudes de Saint-Exupéry :"Savoir réfléchir par soi-même et s'exprimer exactement, savoir éviter les duperies (tromperies) de la propagande et les malentendus avec autrui, savoir raisonner et prévoir, n'est-ce pas la suprême liberté ? Et la liberté des individus ne garantit-elle pas mieux toutes les libertés de l'Etat ?
Lutter contre "la voix du robot et de la propagande ", c'est son engagement, comme celui de Saint-Ex .Un engagement stimulant pour le courage et l'honneur de l'esprit .
Jacqueline de Romilly écrit encore :" L'enseignement est sans doute ce qui compte le plus pour l'avenir d'un pays, c'est sans doute également ce qui, aujourd'hui, va le plus mal en France . La crise que nous avions, naguère (autrefois), été un certain nombre à dénoncer, n'a fait dans les institutions que s'aggraver, comme si toutes les mesures tentées, fût-ce avec la meilleure foi du monde, se trouvaient au passage happées et détournées de leur sens ."
Je lui ai donc proposé de s'adresser aux lecteurs de Santé Magazine - un lectorat de plus de 5 millions - pour leur dire ce qui, à ses yeux, était devenu nécessaire et urgent . Ainsi est née la rubrique "Santé de la langue française " dont le succès n'a pas cessé de s'affirmer au long des mois et des années .
La maîtrise de la langue est la condition idéale pour garder une bonne santé intellectuelle, physique et morale .
La santé, c'est savoir bien se comporter dans la vie, autant pour soi-même que pour les autres. Discerner (distinguer) le vrai du faux, connaître les limites entre le Bien et le Mal, trouver son équilibre à travers les mouvements qui nous entraînent du passé vers l'avenir . Pour bien exprimer ses sentiments, ses souffrances éventuelles, et en repérer les causes, il faut une grande lucidité (bon sens) et de la justesse dans l'expression .
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En septembre 1998, Jacqueline de Romilly intitulait sa première chronique "Contre l'enflure (exagération, extravagance) des mots" : " La langue que nous parlons, que nous avons apprise depuis notre enfance et qui se parle depuis des siècles, celle qui nous sert à nous exprimer dans notre vie de tous les jours, peut être plus ou moins bien portante . Si elle va mal, notre pensée, notre vie quotidienne en seront modifiées " .
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Les chroniques de notre grande amie, réunies dans ce livre, prolongent son enseignement professoral et illustrent son combat d'écrivain . Au fil des pages, elle ausculte notre langue, son évolution, dénonce ses dérives, stimule notre goût et réveille la vie de notre culture .Avec une extrême compétence, elle se réfère à l'histoire . Son recours constant à l'étymologie grecque ou latine précise la valeur et le sens des mots, et leur filiation (parenté) .Elle propose des leçons de vérité pour que nous y puisions l'universel .
Michel de Montaigne, dans la préface de ses Essais, avertissait ainsi son lecteur :" Ceci est un livre de bonne foi (sincère)" Le recueil de Jacqueline de Romilly est aussi "un livre de bonne foi " . Je le placerait volontiers dans ma bibliothèque à côté des Essais .
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Certes, il relève d'un autre genre littéraire, mais par son sens de l'humain, ses exemples empruntés à la vie quotidienne, sa verve, son humour, il est proche de l'humaniste du XVIe siècle dont la sagesse faite de clairvoyance et de finesse psychologique continue de nous enseigner .
"C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être ", écrivait Montaigne .
N'est-ce pas aussi une absolue perfection, et comme divine, de savoir bien maîtriser sa langue pour défendre le bonheur d'être ?
Dans une de ses chroniques intitulée "La langue menacée ", Jacqueline de Romilly s'engage dans une défense de l'humanisme .
"La série des articles que je donne ici est intitulée Santé de la langue ; or, mon devoir est de dire que cette santé est aujourd'hui atteinte . Pourquoi cela ? En grande partie parce que nous permettons que notre langue soit, ici en France, mal parlée, et plus souvent encore mal écrite . Le fait est évident, et nombreux sont ceux qui déjà ont tiré la sonnette d'alarme .
"... l'orthographe disparaît, et j'ajouterai que l'écriture même risque de disparaître . Car, quand les signes n'ont plus ni clarté,ni logique, ils ne permettent plus de communiquer, d'aucune façon."
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Comment ne pas être fier d'avoir invité Jacqueline de Romilly pour qu'elle nous dise, avec une franche liberté, ce que tous les hommes de notre temps doivent entendre ?
La garde de la langue française, notre bel héritage, est impératif .
C'est un devoir pour chacun d'entre nous ."
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Bonne lecture, Gerboise .
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