mercredi 23 mai 2007

Premières clartés du matin :Réflexions d'un médecin, d'un savant et d'un sage

(Les contenus des parenthèses dans le texte sont des commentaires de Gerboise et des précisions nécessaires à certains jeunes lecteurs .)
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"J'ai passé ma vie à chercher les secrets de la sagesse .J'ai lu les livres, j'ai écouté les philosophes, j'ai vu les hommes vivre et mourir, j'ai admiré les mythes (récits fabuleux) et les systèmes (ensemble constituant un tout), j'ai envié la sérénité de quelques âmes religieuses, j'ai tenté de fabriquer pour moi des images cohérentes (formant un tout logique ou rationnellement ordonné) et des règles de vie qui ne laisserait pas de place au doute, j'ai espéré que la médecine des corps me donnerait les clés d'une médecine des interrogations, et la biologie les clés d'une intelligence (compréhension) de la condition humaine . Mais je demeure(rester) insatisfait . Et je m'étonne, autant qu'au premier jour, de voir les hommes accepter sans désespoir leur étrange aventure, le mélange de miel et de ciguë (de merveilleux et parfois d'odieux) qui leur est servi . Il est vrai que le jeu est magistralement camouflé . La vie n'est pas seulement hérissée (garnie d'obstacles ou d'éléments bénéfiques dressés...) d'amertumes (sentiments de tristesse mêlée de déception ) et d'absurdités, de dérision(mépris) et de chienlit (grand désordre, anarchie), elle a aussi la saveur des joies et des tendresses, de ciels admirables et de visages consolateurs, gâteau empoisonné nappé (recouvert) d'une sauce de douceurs .
Un des subterfuges (ruse, astuce, subtilité) pour la victime - et tous les subterfuges sont respectables dans ce guet-apens - est de fermer volontairement les yeux sur cette ambiguïté (incertitude), dresser sa propre pensée à oublier le douloureux et le saugrenu (l'absurde, le ridicule), devenir sage par omission (oubli) . Seuls compteront les heures heureuses, les plaisirs et les rires, le bonheur d'entreprendre et de créer , la chaleur bienfaisante des amitiés et des amours .On passera par pertes et profits les heures amères (pénibles, déplaisantes) . Oublier, ne pas voir, oublier . Oublier même et surtout le malheur des autres . Exercice que certains semblent accomplir sans effort . Pour moi, je suis de ceux qui ne peuvent trouver la joie de vivre dans l'oubli . A qui ferme les yeux sur l'état du monde et les interrogations de la vie, la paix n'est pas promise pour autant . Même enfoui (enterré, dissimulé), le problème continue secrètement à tourmenter celui qui refuse de regarder les choses en face . La sérénité et le bonheur tranquille ne peuvent naître sans une vue lucide (pénétrante) de la réalité .
Est-il possible d'être heureux, les yeux ouverts ?
Garder les yeux ouverts ? C'est avoir pleine connaissance de ce qu'on sait aujourd'hui de l'homme, de son histoire et de ses rapports avec le monde ; c'est ne pas méconnaître (déprécier, sous-estimer, ignorer) ce que nous offre la recherche scientifique des dernières années - et singulièrement (particulièrement, principalement) la recherche biologique . Une explosion (une augmentation, une escalade en quantité et en qualité) de découvertes fournit désormais une masse de données nouvelles, qui bouleversent les images (représentations de la connaissance) d'autrefois . Le dessein (l'objectif, l'intention) de ce livre est d'exposer quelques-unes de ces données . Il s'agit de décider si elles permettent un regard différent sur notre aventure et si elles peuvent nous débarrasser de notre désarroi (trouble, angoisse) fondamental .
La science n'a jamais dicté nos états d'âme . Elle n'en a ni la mission ni le pouvoir . Elle fournit des données, non des conseils . Ce livre n'est que l'analyse de quelques-unes de ces données . Aucune d'entre elles n'entravera (arrêter, s'opposer) la liberté intime de notre jugement . Mais notre jugement ne peut les ignorer : elles sont les balises (flécher, guider) de notre Réflexion ".
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Professeur Jean Hamburger, de l' Académie Française, Le miel et la ciguë, 1986 , Ed. du Seuil .
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Cette préface pose de nombreuses interrogations ; est-il nécessaire d'être aussi réaliste , ou doit-on aller plus loin encore ?
Je me rappellerais longtemps de ce graffiti sur les murs de la Sorbonne auquel je pense toujours :
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"Je suis parfaitement heureux, laissez-moi dans mon ignorance" !
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Le bonheur et l'ignorance, le bonheur et la vérité, dépendent surtout des contextes dans lesquels ils se situent ; ce sera souvent un dilemme ( un choix douloureux et difficile) . Gerboise .

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