samedi 24 janvier 2009

Les plantes qui ont joué un rôle prédominant dans l'histoire de l'humanité : les caféiers . Goût, odeur et stimulation [" coup de fouet ! "].

Le café Procope de nos jours, rue de l'Ancienne-Comédie à Paris .
Créé par Francesco Procopio dei Coltelli , originaire de Sicile, en ce XVIIIe naissant .

Philosophes, écrivains et artistes s'y côtoient, tandis que les bourgeois et les commerçants en profitent pour traiter leurs affaires dans une atmosphère feutrée (discrète, peu sonore) . En 1686, Procopio s'installe rue des Fossés-Saint-Germain, l'actuelle rue de l'Ancienne-Comédie, pour créer cet établissement hors du commun (sans pareil) , qui participera pendant près d'un siècle et demi à la vie mondaine, intellectuelle et politique de la capitale . Il fut fréquenté par Jean de La Fontaine, Fontenelle [neveu de Corneille] , les pensionnaires turbulents de la Comédie Française,Voltaire, Diderot et Alexandre Dumas .

- A gauche ci-dessus, deux figures qui représentent une molécule de caféine : en haut, schématisée dans l'espace et en bas, symbolisée dans un plan . C'est elle qui est à l'origine de la stimulation de l'activité d'une personne ; qui augmente , qui excite ses fonctions organiques .


- A droite ci-dessus, deux autres figures qui représentent la molécule odorante du café qui est à l'origine de son odeur et de sa saveur lorsque le grain a été torréfié et moulu . Les deux représentations schématiques [haut et bas] sont équivalentes à celles de la caféine à gauche . Nous pouvons constater que la molécule de caféine est beaucoup plus volumineuse que celle responsable de la sensation de l'odeur et de la saveur . C'est cette dernière molécule odorante qui , grâce à un mucus (liquide visqueux) présent sur la muqueuse olfactive de nos fosses nasales, intermédiaire indispensable à l'interaction stéréochimique entre cette molécule et les sites spatiaux de son récepteur olfactif [cil formé de protéines ] , sera à l'origine d'un signal vers le cerveau . Il en est de même pour les cellules gustatives de la langue et des parois buccales imprégnées de salive dans laquelle les molécules aromatiques vont se dissoudre et rejoindre les récepteurs des différentes papilles [formées de protéines] sises (situées) dans les " bourgeons du goût " .

Cette molécule est donc responsable de la sensation de l'arôme si agréable, pour certains, du café ! grains grillés du Coffea arabica [ plante qui, à l'origine, était cultivée près de la ville de Mokha au Yémen , au sud de la péninsule arabique .

L'action stimulante du café elle, est donc due à la caféine qui stimule le cortex cérébral ; son mode d'action consiste à inhiber une enzyme [ la phosphodiestérase] qui à son tour désactive une molécule { ATP] qui sert de réserve d'énergie . La structure spatiale de la caféine analogue à l'ATP, adénosine triphosphate, fournisseur d'énergie dans toutes les réactions du métabolisme cellulaire, lui permet de se faire passer pour elle , et donc , est à l'origine de mécanismes moléculaires comparables , ceux qui activent [fournissent de l'énergie aux cellules] .

La couleur des grains de café grillés est due en grande partie à la réaction de brunissement qui se produit lorsque des substances contenant de l'azote sont chauffées . Les molécules responsables du goût et des stimuli olfactifs sont temporairement piégés dans les grains .
Certains aspects marrons [croûtes de pain, soufflés, entremets, pommes de terre cuites au four, sauces " attachées " au fond d'une poêle ...] sont formés par des réactions entre des hydrates de carbone et les acides aminés des protéines .
Une telle combinaison, appelée réaction de Maillard, se produit généralement lorsque deux corps sont chauffés ensemble ; Il en résulte un mélange très complexe de différents produits . En même temps que la couleur marron se développe, apparaissent des molécules qui donnent une odeur [un arôme] , un goût [une saveur] à la substance, de sorte que le brunissement induit par la chaleur, contribue aussi au parfum, à l'odeur dégagée par les gaz de réaction . La réaction de Maillard se produit dans la croûte chaude et sèche du pain au cours de la cuisson et certaines molécules parfumées les plus mobiles atteignent les fosses nasales des personnes où se situent des filaments olfactifs capables d'initier des " signaux " vers certaines aires corticales spécialisées du cerveau .

A ce propos deux très belles expériences peuvent être réalisées :

1 -Prenons une gorgée de café que nous garderons en bouche en la savourant . Les molécules aromatiques du café vont venir se fixer sur les sites moléculaires des papilles olfactives situées dans les bourgeons du goût immergées dans la salive , et ainsi vont déclencher un signal qui cessera lors de la saturation de ces sites (plus aucun site ne sera libre pour permettre la " fixation" d'autres molécules , donc il y aura absence d'impulsion vers le cerveau et donc de perception de saveur . Il est important de signaler que certaines molécules, sont inodores ou insipides, car elles ne se dissolvent, ni dans le mucus qui tapisse la muqueuse nasale, ni dans la salive de la cavité buccale ) . A ce moment-là, la sensation savoureuse du café dans la bouche deviendra moins intense, puis cessera . Il suffira de boire plusieurs gorgées d'eau pure (pour se rincer la bouche) pour provoquer leur "départ" des sites . Si à ce moment là, vous absorbez une nouvelle gorgée de café, une intense sensation savoureuse de café se fera à nouveau sentir ; elle est due à la fixation de nouvelles molécules aromatiques sur les sites, qui à ce moment-là, sont de nouveaux libres après le "lessivage" produit par l'eau pure bue précédemment ; cette adaptation des molécules à ces sites va ainsi réactiver les signaux vers le cortex cérébral .

2 - Consommation de nombreux cafés " expresso "[très courts, un fond de tasse seulement] , que l'on pourrait considérer comme excessive, par les Italiens, en particulier .
Ils ne contiennent que très très peu de caféine, car cette dernière se dissous très lentement par rapport à la vitesse de dissolution des molécules odorantes . Les cinétiques , c'est-à-dire les vitesses de réaction, ici ,celles du passage de l'état solide à l'état de dilution dans le liquide à une température, à une pression donnée et une pureté donnée [une dissolution dans l'eau pure ou, dans notre cas, la salive, ne se produit pas d'une façon identique : rapidité et quantité] des deux molécules sont tout à fait différentes, d'où le phénomène relatif .

Attention , les couleurs de la bière, du sirop d'érable, appartiennent aux mêmes phénomènes de brunissement, mais dans le cas du caramel, il ne s'agit pas d'une réaction de Maillard car il n'y a aucun acide aminé en jeu .
Une grande partie des bruns et des noirs que l'on rencontre dans la nature peuvent être associés à une seule molécule : la mélanine, celle responsable du bronzage de la peau ; certains phénomènes sont liés à la présence ou à l'absence de ce pigment .


Le caféier est un arbuste de la famille des Rubiacées, proche du Quinquina, du Gardénia ou encore de la Garance . Une plantation de type Coffea Arabica se situera entre 600 et 2000 mètres, l'altitude favorisant une meilleure qualité du grain, alors que la plantation Coffea Canéphora (appellation commune :Robusta) , moins sensible à la chaleur et plus robuste, poussant à partir du niveau de la mer, jusqu'à 600 mètres . Cet arbuste tropical, est originaire d'Abyssinie .
L'arbuste Coffea est formé par des branches principales opposées deux à deux le long du tronc . Ses feuilles, persistantes, brillantes, toujours vertes, ovales, au relief gaufré et au bord ondulé présentent une similitude avec les feuilles de laurier . Elles apportent à l'arbrisseau des variations de tonalité du plus bel effet en devenant jaune-vert, vert-clair, puis vert-foncé au fil des semaines .Les fleurs blanches, à cinq lobes, au délicat parfum évoquant le jasmin, sont réunies en touffes sur les branches à la base des feuilles . Leur brève existence [quelques heures seulement] , suivie d'un rapide dessèchement, permet de les voir éclore puis se faner en laissant place à une minuscule cerise ou drupe, qui commence sa croissance pour arriver à maturité en huit, dix ou douze mois environ, suivant la variété du caféier . Sur un même arbuste comptant plusieurs floraisons par an, il n'est pas rare de trouver réunis des feuilles, des fleurs et des fruits, composant une splendide palette de couleurs vert, blanc et rouge .

" L'arbre du café est toujours vert et ne se dépouille jamais de ses feuilles à la fois ... Dans presque toutes les saisons de l'année, on voit un même arbre porter des fleurs et des fruits, dont les uns sont encore verts et les autres mûrs ou près de leur maturité . Les fleurs sont blanches et ressemblent beaucoup à celles du jasmin ... Aussitôt que la fleur est tombée, il naît, à sa place, un petit fruit fort vert d'abord, mais qui devient rouge en mûrissant, et de la forme à peu près d'une grosse cerise . Il est fort bon à manger . Il nourrit, il rafraîchit; sous sa chair on trouve, au lieu (place) du noyau, la fève ou graine que nous appelons Caffé ."

Jean de la Roque, Voyage de l'Arabie heureuse, 1715 .


Le fruit du caféier, la " cerise " se colore de rouge à la maturité ; débarrassée de sa parche, elle est séchée, puis torréfiée .


Torréfier les graines, les " fèves ", c'est simplement les faire "griller "! En fait l'opération est beaucoup plus complexe . Au titre d'une comparaison, il y a autant de différence entre les fèves simplement séchées et celles transformées à haute température, qu'entre des grains de blé broyés à l'état de farine et une croûte de pain juste dorée : que la torréfaction soit mal conduite, insuffisante ou excessive, et voilà, comme pour le pain, la meilleure matière première définitivement gâtée et tout juste bonne à jeter !

D'autre part, savez-vous que le marc de café, résidu obtenu après infusion [contenant un alcaloïde: la caféine, ainsi qu'une molécule aromatique ] de ces fèves grillées et moulues, peut-être utilisé pour soigner vos plantes, dans le compost, un terreau, un substrat riche en humus ; ce marc de café est riche en phosphates, il aide les graines à germer; on peut l'utiliser lors du rempotage de nos plantes vertes . On pourra déposer une cuillerée de marc sur la terre des pots ; l'eau d'arrosage permettra aux éléments nutritifs de descendre vers les racines .


Ci-dessus, le café, par Edmond Morin, vers 1860-1880 .

Le poème : Villanelle de Charles Monselet .
( Comme toujours, on peut agrandir l'image ci-dessus et ci-dessous, en vue de lire le texte , et toutes les autres, en réalisant sur elles un clic gauche) .


Planisphère( carte où l'ensemble du globe terrestre est représenté en projection plane) situant les plantations des caféiers dans le monde.

Les récits, les nouvelles concernant le café, sont abondantes :

En voici, parmi d'autres, deux très savoureuses, comme doivent l'être toujours les succulents et délectables breuvages, initiés à partir de ces divines fèves .

L'abbé Jacques Delille, poète français [1738-1813] . Il descendait de part sa mère du chevalier Michel de l'Hospital, enseigna la poésie latine et obtient une chaire au Collège de France, à Paris . Responsable de l'abbaye Saint-Séverin, d'où ce titre d'abbé qu'on lui donnait généralement . Amateur de café, il écrivit ces quelques vers à sa gloire :

" Il est une liqueur au poète bien chère
qui manquait à Virgile et qu'adorait Voltaire .
C'est toi, divin café, dont l'aimable liqueur,
sans altérer la tête épanouit le cœur !
Ainsi quand mon palais est émoussé par l'âge,
avec plaisir encore je goûte ton breuvage .
Que j'aime à préparer ton nectar délicieux :
sur le réchaud brûlant, moi seul, tournant la graine,
à l'or de ta couleur fais succéder l'ébène ."

L'illustre amateur de café qu'était Alexandre Dumas expliqua que la ville de Mokha en donne trois espèces :

" Le café extra-fin, celui qui se détache de lui-même de la tige, c'est le tribut que les Arabes du désert paient au sultans .
Quand la précieuse fève ne tombe plus d'elle-même, une étoffe est étendue sous l'arbre, on secoue fortement le tronc et on effectue une seconde récolte qui défraye la table des ministres et des pachas .
Tout le reste sur l'arbre est avorté, chétif, sans saveur et bon pour les goujats . Des mains mercenaires cueillent péniblement tous ces rebuts et voilà que nous autres Européens du café Procope en sommes réduits à savourer avec délices trop heureux encore quand ce n'est pas de la chicorée . "

Je ne sais si, à l'heure où vous prendrez connaissance de ce texte,[et si ce breuvage vous convient] le moment de déguster un " nectar de Mokha " sera le bienvenu pour l'apprécier?
De toute façon, si le café n'a pas votre préférence et que le thé a votre prédilection, dans un prochain billet , nous vous parlerons des jeunes pousses de ces arbustes, qui eux également ont joués un rôle important dans l'histoire de l'humanité .

Bien à vous, et : bon breuvage ! Gerboise .

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