samedi 7 mars 2009

Que faire devant cette boule inviolable ? L' air satisfait du hérisson après ce duel à mort n'est-il pas impudent, indécent ? Qu'en pense Gerboise ?


Duel à mort entre un hérisson et une vipère, que le serpent a perdu d'avance !


La réalité souvent rejoint la fiction . On écoute avec surprise les vieux contes qui nous présentent cette histoire incroyable en première lecture : la victoire glorieuse de ce petit hérisson sur cette vipère pleine de rage ! Et pourtant c'est bien elle qui figurera au menu pantagruélique de ce petit et piquant héros .
Lorsqu'au cours de ses sorties crépusculaires, il rencontre ce serpent qui glace d'effroi presque tous les mammifères, il s'en approche avec prudence et sagacité, lucidité . La vipère aussitôt devient agressive . Elle se dresse en sifflant, s'élance pour " mordre " ... et se pique au but, à cet être au sang chaud . L'expérience ne la rend pas plus sage . Ivre de rage, elle projette sans cesse ses redoutables crochets à venin contre les " mille dards "(piquants) de l'adversaire : c'est tout juste si, par chance, elle atteint le museau . Ce petit "oursin " ! , qui est immunisé, ne s'en porte pas plus mal . Il se borne à se mettre en boule et à s'offrir un quart d'heure de résistance passive, tandis que l'ennemie se déchaîne en furieuses attaques . Jusqu'à ce que, pour finir, un délicat claquement de langue révèle que le doux endormi a, d'un coup de dent, " énuqué " (tranché à hauteur de la nuque, " étêté " à l'aide de ses incisives coupantes comme des rasoirs) la folle épuisée .

Cette scène est très différente de celle de la bataille que ce livrent les vipères à cornes, dans les regs et les dunes sahariennes, et les Gerboises . Mais ici, la stratégie et la tactique sont de nature opposées . Le serpent, immergé partiellement dans le sable, reste stoïque, presque immobile (attentif à tous les instants aux contorsions de cet être déroutant, imprévisible,désarçonnant, déconcertant[qui jette dans l'incertitude de ce qu'il faut dire ou penser, ici pour le serpent, faire (!), ne faisant que tourner sa tête pour suivre les déplacements circulaires autour de lui de ce petit" kangourou miniature " ,qu'est ce petit mammifère qui lui tourne autour vivement, puis après de courts arrêts pour lisser ses grandes moustaches, reprend son " manège " giratoire . Ce duel à mort, où chaque belligérant ( celui qui prend part au combat) risque son existence, car ici les gerboises prennent de très grands risques malgré que l'issue ce combat à armes inégales, mais pipé (réglé à l'avance) , soit parfaitement prévisible, inéluctable, incontournable. Elles ne sont pas immunisées du venin de ces infernales et redoutables vipères sahariennes dont les piqûres sont toujours mortelles, autrement dangereuses que celles de nos vipères européennes ; et pourtant le reptile est perdu d'avance ! Au moment où l'on s'y attend le moins, lors d'une attaque fulgurante qui ne dure qu'une fraction de seconde, on aperçoit notre petite héroïne quitter l'arène de la rixe sans merci ... traînant le corps gigotant de l'être si redoutable il y a encore un instant .{ Attention, à la tête du serpent toute sanguinolente : ce " reste " de la bête infernale est capable, par réflexe nerveux, de vous infliger encore, une ultime morsure mortelle} .
Cette " intelligence " de la gerboise, qui lui permet de se " mesurer " à ce redoutable reptile aussi vif qu'elle dans sa détente brutale et mortelle . Les expressions de ces grands yeux noirs, " du regard extraordinaire de ce petit rongeur ", sont remarquables .
Chaque fois que j'ai eu l'occasion de croiser cette manifestation de l' " âme animale " , j'ai ressenti une étrange impression de communication, presque humaine !

On (?) raconte cette fable, qui a traversé tout le Moyen Âge avant de parvenir jusqu'à nous, ce soi-disant récit du naturaliste Pline l'Ancien qui écrivait déjà dans sa célèbre Histoire Naturelle, en 79 après J. C. , que le hérisson a coutume de se rouler la nuit sous les arbres fruitiers " pour cueillir " au bout de ses piquants et emporter ensuite les fruits qui s'y sont empalés .
Cette image idyllique et la poésie qui s'en dégage, ont propagé jusqu'à nous cette tradition ingénieuse, mais qui ne saurait avoir de fondement . En effet, les muscles " peauciers " rétractiles qui permettent au bien-nommé de " se hérisser ", se détendent dès que l'animal est sur le dos . Renard et grand-duc n'ignorent pas cette particularité et savent qu'en retournant la forteresse inexpugnable, que l'on ne peut prendre directement d'assaut, on la réduit à merci ( être à la merci de quelqu'un, être dans une situation où l'on dépend entièrement de sa volonté, de son bon plaisir, de ses caprices; ici dans ce contexte du règne animal, où les instincts, et les tendances innées dominent, être amené dans un état d'infériorité, de soumission, de destruction, d'anéantissement mortel inexorable) . Rencontre-t-on un hérisson, " cet oursin terrestre ! " garni de feuilles accrochées à ses piquants, ce ne peut être qu'une " tenue de hasard " , car c'est toujours dans la gueule qu'il transporte ce qui va garnir le nid où il passe ses journées - et aussi ses périodes de profond sommeil hivernal .
Sur la photographie ci-dessus l'auteur de la prise de vue s'est plu à illustrer la fable ancienne de Pline à la manière des graveurs d'autrefois, pour qui ce personnage hérissé de piquants était un sujet de prédilection (de préférence marquée , d'une certaine tendresse pour ce petit être enjôleur, séduisant !) .

Il existe dans toute vie deux possibilités de comportement, d'interaction entre les êtres et les choses, les évènements : la passivité stratégique, l'impassibilité, on subit la conjoncture (situation qui résulte d'une rencontre de circonstances) , la situation ; ou l'action tactique orientée révélant une capacité d'adaptation à toutes les situations, à évoluer .

L'attitude de la gerboise qui, bravant le danger, affronte avec sérénité l'adversaire est courageuse : la volonté d'agir au lieu de battre en retraite, de s'enfuir, d'esquiver l'affrontement est saisissant d'autant plus qu' elle est vulnérable ; celle du hérisson qui se sait à l'abri du danger, protégé, et qui attend que l'adversaire s'épuise avant d'agir, est peut-être astucieuse mais beaucoup moins estimable .

Ces deux comportements sont significatifs des attitudes humaines .
Le premier est de se croire au-dessus des conjonctures et des lois naturelles et de rester ainsi indifférents aux situations : croire à sa bonne étoile !
Le second , c'est aller de l'avant, prendre des risques maîtrisés et ainsi de vivre énergiquement sans indignité, ni faiblesse .

Nous voyons ici s'opposer deux façons de s'adapter au monde, parmi d'autres . La nécessité de prendre en considération ces us et coutumes est une question de survie en vue de passer à la postérité !

Vous devez, maintenant, comprendre mon estime pour ces gerboises car , au Sahara, elles nous ont souvent sauvé la vie en agissant, grâce à une sorte d'esprit critique dont elles sont capables de faire preuve . L'intitulé de ce blog est dédié à leur mémoire .(Ce billet répond aux interrogations de certains d'entre-vous ).

Bien à vous, Gerboise .

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