vendredi 19 décembre 2008
Premières clartés du matin : Quiproquo*. Ironie ** et spéculations*** . Propos d'actualité ? non, ne le pensez vous pas?, en cette fin d'année 2008 .
*) Méprise qui fait qu'on prend une personne ou une chose pour une autre, situation qui en résulte ; malentendu : divergence d'interprétation entre personnes qui croyaient se comprendre .
**) Manière de se moquer [de quelqu'un ou de quelque chose] en disant "autre chose" que ce qu'on paraît faire entendre .
***) - activités intellectuelles n'ayant pour but que la connaissance désintéressée, authentique, ou même [acception parfois péjorative] , sans rapport avec le réel .
- Opérations financières ou commerciales, fondées sur les fluctuations des marchés boursiers ou autres ; combinaisons et opérations boursières ou commerciales fondées sur la prévision des prix et/ou des événements .
Nous soumettons à votre jugement cette discussion fictive pleine d'esprit et aussi de réalisme du physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui dénonce avec réalisme, humour et finesse les confusions dont la science, les propos sur la connaissance et l'éducation sont souvent victimes .
SPÉCULATIONS
" X : Enfin, l'école va apprendre à nos enfants les bases de la spéculation !
Y : Oui, il n'est que temps qu'ils trouvent un réel intérêt à leurs études...
X :Il faut que leurs actions ( ) soient valorisées .
Y : ...Que leur travail (activités intellectuelles) les enrichisse .
X : Et que leurs obligations (leurs activités scolaires et personnelles) leur apportent une vraie gratification (ce qui donne des satisfactions et valorise l'esprit) .
Y : Pourtant, il me semblait que les réformes en cours ( ! ) allaient plutôt en sens inverse .
X : Que voulez-vous dire ?
Y : Eh bien, quand on dévalue (minimise, sous-estime) le rôle de la démonstration dans l'enseignement des mathématiques et celui de la dissertation dans l'enseignement du français, on ne peut pas prétendre en même temps favoriser l'esprit réflexif et critique .
X : Mais qui vous parle de ça ?
Y : Ne discutions-nous pas de la nécessité de développer les capacités de spéculation intellectuelle des enfants ?
X : Il y a maldonne, je parlais de spéculation financière ! Et quand nous évoquions richesse, intérêt, actions, obligations, etc., il ne s'agissait que de termes économiques ...
Y : Et moi qui les entendais (comprenais, interprétais) dans leur sens abstrait et moral !
X : D'ailleurs, comment se fait-il que ce mot, " spéculation ", ait deux sens aussi différents ?
Y : A l'origine, le mot latin speculum, " miroir " . Il va donner le verbe speculare, d'où en français médiéval savant " spéculer " , pour " observer ", surtout les astres, puis dans le vocabulaire philosophique " considérer en esprit, réfléchir " .
X : Ah, je vois (je comprend) , et les financiers vont s'emparer du mot, pour désigner cette activité hautement théorique aussi que constituent l'analyse des gains possibles sur le marché et la stratégie boursière !
Y : Mais oui, le sens du mot " spéculation " , en conformité avec son étymologie (science de la filiation, généalogie des mots, reconstitution de l'évolution du mot en remontant de l'état actuel à l'état le plus anciennement accessible) , tend un fidèle miroir (une image de ce qu'elle représente, de ce qu'elle est véritablement !) à notre société . Mais revenons à l'école : que vient y faire la bourse ?
X : Une grande banque propose aux élèves un concours de gestion financière à partir d'un portefeuille boursier virtuel (simulé à l'état de simple possibilité sans passer à l'acte : investir réellement sur un marché boursier !) . Les meilleurs gagnerons un voyage à Wall Street - et un vrai portefeuille .
Y : C'est évidemment plus " intéressant " ( cela va dépendre du point de vue auquel on se place: matériel, possession de valeurs financières ; curiosité de connaître une place boursière; enrichissement intellectuel par la possession et la compréhension de savoirs efficients) que le Concours général de philosophie ou de mathématiques .
X : Votre ironie est peut-être un peu rapide . Savez-vous que voici juste cent ans, en 1900, était soutenue en Sorbonne une thèse de mathématiques intitulée " Théorie de la spéculation " sous la direction - excusez du peu - de Henri Poincaré ? Son auteur, Louis Bachelier, est aujourd'hui considéré comme le père fondateur de la mathématique financière, et un important colloque à célébré son œuvre .
Y : soit, mais n'oubliez pas ce que le même Bachelier écrivait en 1912 dans son ouvrage ~Calculs des Probabilités~ : ~ Pour devenir très riche, il faut être favorisé par des concours de circonstances extraordinaires et par des hasards constamment heureux .
Jamais un homme n'est devenu très riche par SA valeur ~ (ici , son mérite)
X : Mais par SES valeurs, si ! ( céans, ici , il s'agit de ses valeurs sur les marchés boursiers !) "
Jean-Marc Lévy-Leblond
A bientôt, bien à vous, Gerboise .
**) Manière de se moquer [de quelqu'un ou de quelque chose] en disant "autre chose" que ce qu'on paraît faire entendre .
***) - activités intellectuelles n'ayant pour but que la connaissance désintéressée, authentique, ou même [acception parfois péjorative] , sans rapport avec le réel .
- Opérations financières ou commerciales, fondées sur les fluctuations des marchés boursiers ou autres ; combinaisons et opérations boursières ou commerciales fondées sur la prévision des prix et/ou des événements .
Nous soumettons à votre jugement cette discussion fictive pleine d'esprit et aussi de réalisme du physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui dénonce avec réalisme, humour et finesse les confusions dont la science, les propos sur la connaissance et l'éducation sont souvent victimes .
SPÉCULATIONS
" X : Enfin, l'école va apprendre à nos enfants les bases de la spéculation !
Y : Oui, il n'est que temps qu'ils trouvent un réel intérêt à leurs études...
X :Il faut que leurs actions ( ) soient valorisées .
Y : ...Que leur travail (activités intellectuelles) les enrichisse .
X : Et que leurs obligations (leurs activités scolaires et personnelles) leur apportent une vraie gratification (ce qui donne des satisfactions et valorise l'esprit) .
Y : Pourtant, il me semblait que les réformes en cours ( ! ) allaient plutôt en sens inverse .
X : Que voulez-vous dire ?
Y : Eh bien, quand on dévalue (minimise, sous-estime) le rôle de la démonstration dans l'enseignement des mathématiques et celui de la dissertation dans l'enseignement du français, on ne peut pas prétendre en même temps favoriser l'esprit réflexif et critique .
X : Mais qui vous parle de ça ?
Y : Ne discutions-nous pas de la nécessité de développer les capacités de spéculation intellectuelle des enfants ?
X : Il y a maldonne, je parlais de spéculation financière ! Et quand nous évoquions richesse, intérêt, actions, obligations, etc., il ne s'agissait que de termes économiques ...
Y : Et moi qui les entendais (comprenais, interprétais) dans leur sens abstrait et moral !
X : D'ailleurs, comment se fait-il que ce mot, " spéculation ", ait deux sens aussi différents ?
Y : A l'origine, le mot latin speculum, " miroir " . Il va donner le verbe speculare, d'où en français médiéval savant " spéculer " , pour " observer ", surtout les astres, puis dans le vocabulaire philosophique " considérer en esprit, réfléchir " .
X : Ah, je vois (je comprend) , et les financiers vont s'emparer du mot, pour désigner cette activité hautement théorique aussi que constituent l'analyse des gains possibles sur le marché et la stratégie boursière !
Y : Mais oui, le sens du mot " spéculation " , en conformité avec son étymologie (science de la filiation, généalogie des mots, reconstitution de l'évolution du mot en remontant de l'état actuel à l'état le plus anciennement accessible) , tend un fidèle miroir (une image de ce qu'elle représente, de ce qu'elle est véritablement !) à notre société . Mais revenons à l'école : que vient y faire la bourse ?
X : Une grande banque propose aux élèves un concours de gestion financière à partir d'un portefeuille boursier virtuel (simulé à l'état de simple possibilité sans passer à l'acte : investir réellement sur un marché boursier !) . Les meilleurs gagnerons un voyage à Wall Street - et un vrai portefeuille .
Y : C'est évidemment plus " intéressant " ( cela va dépendre du point de vue auquel on se place: matériel, possession de valeurs financières ; curiosité de connaître une place boursière; enrichissement intellectuel par la possession et la compréhension de savoirs efficients) que le Concours général de philosophie ou de mathématiques .
X : Votre ironie est peut-être un peu rapide . Savez-vous que voici juste cent ans, en 1900, était soutenue en Sorbonne une thèse de mathématiques intitulée " Théorie de la spéculation " sous la direction - excusez du peu - de Henri Poincaré ? Son auteur, Louis Bachelier, est aujourd'hui considéré comme le père fondateur de la mathématique financière, et un important colloque à célébré son œuvre .
Y : soit, mais n'oubliez pas ce que le même Bachelier écrivait en 1912 dans son ouvrage ~Calculs des Probabilités~ : ~ Pour devenir très riche, il faut être favorisé par des concours de circonstances extraordinaires et par des hasards constamment heureux .
Jamais un homme n'est devenu très riche par SA valeur ~ (ici , son mérite)
X : Mais par SES valeurs, si ! ( céans, ici , il s'agit de ses valeurs sur les marchés boursiers !) "
Jean-Marc Lévy-Leblond
A bientôt, bien à vous, Gerboise .
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