mardi 16 décembre 2008
Premières clartés du matin : L'opinion : redoutable abstraction nébuleuse ! surtout lorsqu'elle devient publique .
L'opinion : manière de penser, de juger, de "fonder" son esprit critique, son état d'esprit, ses points de vue, ses appréciations .
Adhésion de l'esprit n'excluant pas, comme la certitude, toute crainte d'erreur ; ce à quoi l'esprit adhère : jugement ou façon de voir que l'on adopte sans avoir la certitude d'être dans le vrai ; ce que l'on pense autour de nous, en particulier sur nous .
L'opinion publique
C'est-à-dire ce que l'on pense communément dans un groupe social donné, ou, plus exactement, ce qui passe pour être la pensée commune .
" Ainsi l'opinion est un arbitre, une conscience ; nous dirions presque que c'est un tribunal, dépourvu certes de pouvoir juridique, mais redouté . C'est le for intérieur d'une nation .
L'opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique, et cette force n'est prévue par aucune constitution . "
Alfred Sauvy
De quoi s'agit-il ?
C'est l'humeur variable d'un peuple, la moyenne instable de ses impressions, de ses sentiments et de ses préjugés, la formule de ses tendances . Rien de plus difficile à saisir et rien de plus trompeur dans ses manifestations de surface .
Les hommes mêmes qui n'ont d'autre fonction que de l'interpréter, les journalistes aveuglés , les enseignants abusés, les scientifiques dévoyés (!) et les politiciens trompés , s'y égarent . Quel journaliste oserait prédire le succès de son article ? Quel politicien ne craint les surprises électorales ? Quel enseignant ne désire t-il pas livrer à ses élèves les dernières notions à la mode ? Quel scientifique ne désire t-il pas être à la pointe du progrès ?
Aucun baromètre ( instrument de mesure) n'existe de l'opinion publique . On mesure tant bien que mal sa résistance sur un point donné . On ne saurait prévoir ni ses poussées ni ses réactions . Elle se colore différemment suivant les couches sociales, et un long calcul serait nécessaire pour fixer l'étendue de telle couche . Au jour le jour naît une opinion publique sur chaque sujet . L'opinion générale de la foule exprime mal les façons de voir particulières des individus . Elle nous donne l'illusion d'un équilibre qui se manifestera encore selon que le peuple sera interrogé de telle ou telle manière . L'observateur le moins averti peut le constater dans les votes politiques, les verdicts moraux de la foule, les courants de popularité ou d'impopularité .
Pourtant l'opinion a ses lois .
L'opinion oscille ( varie en passant par des alternatives, états opposés se succédant plus ou moins régulièrement) [ le phénomène est notoire en politique ; il existe pour tout le reste, même pour la morale : les crimes indignent le peuple, puis finissent par conférer une sorte d'auréole aux criminels ! ] .
L'opinion oscille dans des cadres plus ou moins résistants, qui sont les intérêts et les préjugés des différentes catégories de la population .
Les cadres ( les milieux, ce qui entoure un espace, une scène, une action , les contextes ) entre lesquels oscille l'opinion se déplacent plus ou moins lentement dans le sens de la moindre résistance des intérêts, des préjugés et des modes . Quand ils sont trop mobiles, l'opinion bat la campagne ; elle devient nomade ( qui n'a pas d'habitude fixe, qui est en déplacements continuels) . Si chaque poussée d'opinion, à propos de faits isolés, n'importe guère en soi, le déplacement des cadres, au contraire, entraîne des conséquences d'autant plus profondes que la foule, faute d'une vue d'ensemble, n'en a pas conscience et ne saurait réagir .
Ainsi se forment peu à peu un nouveau milieu et une nouvelle tradition qui dénaturent un peuple . Telle, par exemple, la diffusion, chez nous, depuis presque un siècle, d'une morale mercantile fort différente de ce qu'on appelait autrefois la " conscience professionnelle " .
Le déplacement des cadres de l'opinion publique obéit aux rythmes combinés de trois influences (actions morales, intellectuelles qu'exercent quelqu'un, une chose, un phénomène, une situation , les gens, la société, sur quelqu'un ou quelque chose ) : l'influence de l'école, l'influence de la femme et l'influence de la presse .
Nous poursuivrons dans un prochain billet, cette réflexion en analysant les conséquences de ces trois influences .
Bien à vous, Gerboise .
Adhésion de l'esprit n'excluant pas, comme la certitude, toute crainte d'erreur ; ce à quoi l'esprit adhère : jugement ou façon de voir que l'on adopte sans avoir la certitude d'être dans le vrai ; ce que l'on pense autour de nous, en particulier sur nous .
L'opinion publique
C'est-à-dire ce que l'on pense communément dans un groupe social donné, ou, plus exactement, ce qui passe pour être la pensée commune .
" Ainsi l'opinion est un arbitre, une conscience ; nous dirions presque que c'est un tribunal, dépourvu certes de pouvoir juridique, mais redouté . C'est le for intérieur d'une nation .
L'opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique, et cette force n'est prévue par aucune constitution . "
Alfred Sauvy
De quoi s'agit-il ?
C'est l'humeur variable d'un peuple, la moyenne instable de ses impressions, de ses sentiments et de ses préjugés, la formule de ses tendances . Rien de plus difficile à saisir et rien de plus trompeur dans ses manifestations de surface .
Les hommes mêmes qui n'ont d'autre fonction que de l'interpréter, les journalistes aveuglés , les enseignants abusés, les scientifiques dévoyés (!) et les politiciens trompés , s'y égarent . Quel journaliste oserait prédire le succès de son article ? Quel politicien ne craint les surprises électorales ? Quel enseignant ne désire t-il pas livrer à ses élèves les dernières notions à la mode ? Quel scientifique ne désire t-il pas être à la pointe du progrès ?
Aucun baromètre ( instrument de mesure) n'existe de l'opinion publique . On mesure tant bien que mal sa résistance sur un point donné . On ne saurait prévoir ni ses poussées ni ses réactions . Elle se colore différemment suivant les couches sociales, et un long calcul serait nécessaire pour fixer l'étendue de telle couche . Au jour le jour naît une opinion publique sur chaque sujet . L'opinion générale de la foule exprime mal les façons de voir particulières des individus . Elle nous donne l'illusion d'un équilibre qui se manifestera encore selon que le peuple sera interrogé de telle ou telle manière . L'observateur le moins averti peut le constater dans les votes politiques, les verdicts moraux de la foule, les courants de popularité ou d'impopularité .
Pourtant l'opinion a ses lois .
L'opinion oscille ( varie en passant par des alternatives, états opposés se succédant plus ou moins régulièrement) [ le phénomène est notoire en politique ; il existe pour tout le reste, même pour la morale : les crimes indignent le peuple, puis finissent par conférer une sorte d'auréole aux criminels ! ] .
L'opinion oscille dans des cadres plus ou moins résistants, qui sont les intérêts et les préjugés des différentes catégories de la population .
Les cadres ( les milieux, ce qui entoure un espace, une scène, une action , les contextes ) entre lesquels oscille l'opinion se déplacent plus ou moins lentement dans le sens de la moindre résistance des intérêts, des préjugés et des modes . Quand ils sont trop mobiles, l'opinion bat la campagne ; elle devient nomade ( qui n'a pas d'habitude fixe, qui est en déplacements continuels) . Si chaque poussée d'opinion, à propos de faits isolés, n'importe guère en soi, le déplacement des cadres, au contraire, entraîne des conséquences d'autant plus profondes que la foule, faute d'une vue d'ensemble, n'en a pas conscience et ne saurait réagir .
Ainsi se forment peu à peu un nouveau milieu et une nouvelle tradition qui dénaturent un peuple . Telle, par exemple, la diffusion, chez nous, depuis presque un siècle, d'une morale mercantile fort différente de ce qu'on appelait autrefois la " conscience professionnelle " .
Le déplacement des cadres de l'opinion publique obéit aux rythmes combinés de trois influences (actions morales, intellectuelles qu'exercent quelqu'un, une chose, un phénomène, une situation , les gens, la société, sur quelqu'un ou quelque chose ) : l'influence de l'école, l'influence de la femme et l'influence de la presse .
Nous poursuivrons dans un prochain billet, cette réflexion en analysant les conséquences de ces trois influences .
Bien à vous, Gerboise .
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