jeudi 6 septembre 2007

Méconnaissance des concepts scientifiques : constat et conséquences .

"Il est étrange, en effet, qu'une société connaissant aussi bien que la nôtre la force des concepts et des méthodes de la science, n'ait pas utilisé ces concepts et ces méthodes dans l'organisation de sa propre vie . La science nous avait donné la maîtrise de presque tout ce qui se trouve à la surface de la terre . Elle pouvait nous donner aussi la maîtrise de nous-mêmes et assurer la réussite de notre existence individuelle et sociale . Mais nous avons préféré à ses clairs et simples concept les jeux de la pensée philosophique du dix-huitième siècle .

Nous avons stagné dans les abstractions au lieu de nous avancer vers la réalité concrète . Certes, la réalité concrète est difficile à saisir et notre esprit aime le moindre effort . Peut-être la paresse naturelle de l'homme lui fait-elle choisir la simplicité de l'abstrait, plutôt que la complexité du concret . Il est moins ardu de psalmodier (réciter sur un ton monotone sans marquer d'intérêt pour ce que l'on dit) des formules ou de somnoler (être inactif , ne pas s'exprimer) sur des principes que de chercher laborieusement comment les choses sont faites et par quels procédés il faut les manier . Observer est moins facile que raisonner . Comme on le sait, peu d'observations et beaucoup de raisonnements conduisent à l'erreur ; beaucoup d'observations et peu de raisonnements, à la vérité . Mais il y a un plus grand nombre d'esprits capables de faire des syllogismes (raisonnement déductif rigoureux fonctionnant sur lui-même et sans lien avec le réel) que de saisir exactement le concret . C'est pourquoi l'humanité s'est toujours plu à jouer avec les abstractions, bien que ces abstractions lui donnent une vision incomplète et parfois totalement fausse de la réalité . Une chose logiquement vraie peut être pratiquement fausse . La cosmologie d'Aristote (philosophe grec , -384 à -322 , qui créa le Lycée à Athène) et celle de Saint Thomas d'Aquin (théologien et philosophe italien , 1225 à 1274 ) ne sont-elles pas tout à fait erronées ? La géométrie de Rieman (théoricien et mathématicien allemand ,1826 à 1866) n'est pas moins logique que celle d' Euclide (mathématicien grec , -325 à -265) ; néanmoins elle ne s'applique pas à notre monde . Pour ne pas se tromper dans la poursuite du réel, il importe de se baser, non sur des vues de l'esprit mais sur les résultats de l'observation et de l'expérience .

Les nations démocratiques méconnaissent la valeur des concepts scientifiques dans l'organisation de l'existence collective . Elles mettent leur confiance dans les idéologies ; surtout l'idéologie libérale et l'idéologie marxiste, ces filles jumelles du rationalisme du siècle des lumières .
Or, ni le libéralisme (ensemble des doctrines économiques fondées sur la non intervention de l'état dans les entreprises, les échanges, le profit) , ni le marxisme (ensemble des conceptions élaborées par Marx et Engels, centré sur la critique de l'économie politique bourgeoise et l'étude scientifique du mode de production capitaliste) ne se sont basés sur une observation exhaustive de la réalité .
Les Pères du libéralisme , Voltaire et Adam Smith (philosophe et économiste écossais , 1723 à 1790) , avaient du monde humain une conception aussi arbitraire et incomplète que Ptolémée (géographe, astronome et astrologue grec, ,90 à 168) du monde sidéral . Il en était de même des signataires de la déclaration d'indépendance et des auteurs de la déclaration des Droits de l' Homme et du Citoyen, de même aussi de Karl Marx (activiste politique, philosophe et théoricien allemand , 1818 à 1883 ) et de Engels (philosophe et théoricien allemand , 1820 à 1895) ( ... ) Les encyclopédistes avaient un profond respect pour les possédants et méprisaient les pauvres . Nos ancêtres de la Révolution française croyaient sincèrement à l'existence des droits de l'homme et du citoyen . Ils ne se doutaient pas que de tels droits n'ont jamais été constatés par l'observation, qu'ils sont seulement des constructions de l'esprit . A la vérité, l'homme n'a pas de droits, mais il a des besoins . Ces besoins sont observables et mesurables . Il est nécessaire à la réussite de la vie qu'ils soient satisfaits . Le droit est un principe philosophique, le besoin, un concept scientifique .
Dans l'organisation de notre vie collective, nous avons préféré nos caprices (disposition de l'esprit à des enthousiasmes passagers, à des changements brusques dans l'humeur, les résolutions ou les sentiments, inconstance) intellectuels aux données de la science et le triomphe des idéologies (ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe , et qui oriente l'action) consacre la défaite de la civilisation" .

Docteur Alexis Carrel .

Nous insérerons ces réflexions lors de nos prochaines discussions concernant les rôles de la Science dans notre société .
A bientôt, Gerboise .

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