vendredi 22 mai 2009
Réflexions sur l'histoire de la progression et du cheminement du langage écrit, ainsi que sur les incidences de sa montée en puissance, puis ... !
L'écriture , cette conquête déconcertante, exceptionnelle, précieuse, qui va permettre à l'Homme , à toute l'Humanité, entre autres spécificités, de se distinguer des autres créatures vivantes . Elle est le complément naturel de la parole .
Elle a l'avantage de fixer les faits et les idées : de maintenir, de faire perdurer le souvenir ; d'obvier ( de prévenir, à faire obstacle) aux défaillances et aux erreurs de la mémoire, d'établir des communications faciles à travers le temps (la durée) et l'espace ( l'étendue) .
Pour communiquer entre eux, les hommes eurent d'abord recours à des procédés fort simples, encore utilisés de nos jours par les peuplades qui ne savent pas écrire . Les Malais de Sumatra envoyaient des paquets contenant des objets ou des substances symboliques ; du sel pour exprimer l'amour, du poivre pour exprimer la haine . Certains Peaux-Rouges correspondaient au moyen de perles de couleurs différentes enfilées sur des cordelettes . Les mélanésiens se servaient de bâtons portant des marques ou des encoches .
Ces moyens de communication ne pouvaient aboutir ( être amenés à leur terme, déboucher sur ... ) à une méthode générale .
C'est du dessin que dérive ( provient) l'écriture .
L'homme primitif créa assez rapidement l'art de reproduire par le dessin ou la gravure ce qu'il voyait . Il commença par représenter des objets et des êtres .
Plus tard il arriva à figurer des actes et même à exprimer des sentiments .
La Pictographie primitive (système d'écriture utilisant des pictogrammes : dessins figuratifs stylisés, qui s'attachent à la représentation de l'objet [opposé à l'art abstrait, ou non figuratif ] fonctionnant comme signes dans l'écriture et sans rapport avec la langue parlée ) évolua ainsi vers l'Idéographie (se dit d'une écriture, d'un système de signes à idéogrammes, c'est-à-dire composé de signes graphiques indécomposables qui représentent à eux seuls un mot, par opposition au signe phonétique qui représente un son ) . Pour indiquer un combat on dessinait deux bras tenant l'un une pique, l'autre un bouclier ; pour exprimer la joie, on représentait un homme qui danse .
L'idéographie n'était pas susceptible d'une grande extension . Mais une transformation se fit, se réalisa, véritable révolution qui devait avoir l'influence la plus heureuse sur le développement de l'écriture et, par conséquent, sur le développement intellectuel de l'humanité . L'image éveillait le nom de l'objet ou de l'être représenté ; elle était donc évocatrice d'un son .
Le trait de génie fut de comprendre qu'on pouvait figurer des sons comme on figurait des idées .
A l'idéographie succédait la phonétographie (phonème : élément sonore du langage articulé, considéré comme une unité distinctive ; phonétique : qui a rapport aux sons du langage ; ...graphie : élément qui signifie tracer, dessiner, enregistrer, désigne l'action ou le procédé) . C'est le système qu'avaient adopté les Aztèques du Mexique et qu'on utilise de nos jours dans les représentations phonétiques que nous dénommons les rébus .
L'objet dessiné évoque le nom, c'est-à-dire le son qui lui est attaché ; comme les langues primitives étaient monosyllabiques, l'évocation aboutissait à un son unique . Prenons pour fixer les idées un mot d'une syllabe et, cela va de soi, un mot français, le mot chat par exemple . L'idéographie représente l'animal ayant une signification réelle ou symbolique ; la phonétographie, par le même dessin, représente le son " cha " .
Bientôt, les voyelles ne jouant dans les langues primitives qu'un rôle restreint, on ne retient que la consonne ; la figure du chat signifia, dès lors, " ch " . ainsi naquit et évolua l'écriture hiéroglyphique utilisée par quatre peuples anciens, les Chinois, les Chaldéens et Assyriens, les Égyptiens, les Hittites .
La langue chinoise étant monosyllabique, se prêtait à merveille à l'emploi des hiéroglyphes . Avec 214 clefs ou idéogrammes, représentant des catégories d'objets ou symbolisant des idées générales, et avec un millier de signes phonétiques, on put attribuer un sens exact à des séries d'hiéroglyphes homophones constituant les 44.449 caractères de l'écriture chinoise .
L'évolution du langage conduisit à transformer les idéogrammes primitifs en syllabaires . Alors les signes se simplifièrent . Ils aboutirent chez certains peuples asiatiques, parmi lesquels les Chaldéens et les Assyriens, à l'écriture cunéiforme, ressemblant à des paquets de clous et, chez les Égyptiens, à l'écriture hiératique (sacrée) qui, entre les XVIe et XVe dynasties, se simplifia encore pour donner naissance à l'écriture populaire ou démotique (qui concerne le peuple) .
Un nouveau progrès fut accompli par les Phéniciens, qui empruntèrent aux Égyptiens leurs hiéroglyphes . Mais ils supprimèrent les signes idéographiques et réduisirent le nombre des signes syllabiques, dont ils ne conservèrent que 22 . Les voyelles étant assez indistinctes dans le langage parlé, ne furent pas figurées .
Les 22 signes qu'on avait choisis représentèrent 22 consonnes .
Ainsi l'alphabet était créé .
L'invention des Phéniciens se répandit dans le bassin de la Méditerranée et se propagea à l'intérieur de l'Europe . Elle subit de nombreuses et profondes modifications pour aboutir aux alphabets actuels .
L'écriture n'eut d'abord et ne pouvait avoir qu'un rôle restreint . On s'en servit pour des inscriptions sur les monuments et les pierres, puis sur des tablettes d'argile .
Un progrès considérable fut accompli par l'emploi des papyrus, des peaux tannées, du parchemin, ce qui aboutit à une nouvelle création, le livre . Puis vint l'invention du papier, invention chinoise, qui fut propagée et perfectionnée par les Arabes . Enfin, au milieu du XVe siècle, fut faite l'invention qui devait avoir la plus grande influence sur la diffusion de la pensée humaine, je veux dire l' IMPRIMERIE .
A partir de ce moment, les livres qui jusqu'alors étaient de véritables objets de luxe, recopiés en petit nombre, furent reproduits facilement à des centaines et des milliers d'exemplaires . Vendus à des prix modiques, ils devinrent les agents les plus actifs du progrès ; ils propagèrent les idées nouvelles, permirent les controverses, favorisèrent la lutte contre les erreurs et les préjugés ; ils diffusèrent les œuvres littéraires et les découvertes scientifiques et contribuèrent ainsi à l'éducation des masses et à l'élévation du niveau intellectuel ; ils servirent à l'émancipation des esprits et préparèrent souvent les mouvements révolutionnaires .
On peut dire, sans exagération, que l'imprimerie a été le grand facteur de l'évolution moderne .
Le développement de l'écriture a eu pour conséquence de diminuer notre pouvoir mnémonique (qui a rapport à la mémoire) . Nous inscrivons ce que nous devons faire et nous avons la sensation que ce qui est fixé sur le papier s'efface de notre mémoire .
Dans les temps antiques certains hommes étaient capables de réciter sans une erreur de longs poèmes, de retire de grands discours, de rapporter des textes difficiles . Les prophètes juifs, contrairement à ce qu'on dit souvent, n'étaient pas les commentateurs de la Loi, car la Loi écrite n'existait pas encore ; ils en étaient les auteurs et se transmettaient les textes oraux que leur mémoire savait retenir . En Grèce, les rhapsodes ( chanteurs de la Grèce antique qui allaient de ville en ville récitant des poèmes épiques : qui racontent en vers une action héroïque) récitaient les poèmes homériques . C'est aux Indes qu'on trouve les exemples les plus saisissants du pouvoir de la mémoire, quand elle ne se repose pas sur les relais écrits . Ce qui contribua à favoriser le développement de la tradition orale, c'est qu'on aurait cru commettre une profanation en révélant la parole de Brahma à quiconque savait lire .
Les moines se transmettaient la tradition et gardaient exactement le souvenir des nombreux textes . Ce fut seulement à la fin du XVIIIe siècle ou au commencement du XIXe que les Védas ( nom donné en Inde aux quatre livres " révélés " par les divinités aux sages de l'époque védique et censés contenir toute la sagesse divine : ce sont les livres sacrés des Hindous) furent consignés par écrit .
Aujourd'hui encore, l'enseignement oral est celui qui a le plus de succès . L'homme instruit s'appelle bahuçrata, celui qui a beaucoup entendu . De nombreux conteurs parcourent les villages et, le soir, récitent de longs poèmes . C'est d'ailleurs un usage fort répandu en Orient . J'ai entendu, à Smyrne, ou plutôt j'ai vu, car je ne comprenais guère, dans les cafés indigènes le conteur assis sur une haute chaise, faire pendant des heures, des narrations qui semblaient charmer les nombreux auditeurs : survivance d'un autre âge, remplacée aujourd'hui par le poste de T.S.F., par le poste de Télévision, et par l'Ordinateur .
A bientôt, nous poursuivrons nos réflexions sur l'abstraction en rapport avec le langage , dans un prochain billet .
Bien à vous, cordialement, Gerboise .
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