mercredi 27 mai 2009
Le goût des mots ." Y a un peu plus, je laisse " ? ; " ça a été " ? ... Expressions savoureuses et pleines de sous-entendus igorées, négligées *
* et qui pourtant participent à ce qui devrait faire, constituer, le sel de notre vie ! Des expressions, des mots auxquels nous ne faisons plus attention ,mais qui pourraient nous apprendre beaucoup de choses et qui cependant parfois nous échappent ... !
Extrait d'un merveilleux petit ouvrage de Philippe DELERM, " Ma grand-mère avait les mêmes : " Les dessous affriolants des petites phrases, publié aux Éditions Points, 2008 ,[ 11 euros] .
Pour vous extraire des " rigueurs " de notre vie trépidante, vous devez vous plonger dans cette humble narration, vivante, ironique, pleine de subtilités qui concernent la Vie [ de tous les jours ! ] exprimée dans une langue française remarquable . Vous en sortirez plein d'allégresse, d'enthousiasme , entièrement ragaillardi , prêt " à reprendre du poil de la bête " , en liesse .
L'éditeur nous dit : " Philippe Delerm décrit comme personne les instants familiers à chacun de nous, et restitue, presque intacts, nos petits agacements, nos plaisirs furtifs, les grands moments de solitude et les émerveillements ...
Au fil de ces petites phrases toutes faites, faussement anodines, il démasque les sentiments enfouis et met à nu l'émotion .
Écrivain et " maître confiseur " de la collection " Le Goût des mots " , cet auteur, né en 1950 à Auvers-sur-Oise, voue son écriture à la restitution d'instants fugitifs, à l'intensité des sensations d'enfance . "
Voici parmi d'autres, en vue de vous mettre "l'eau à la bouche " !, deux savoureuses anecdotes trouvées au fil des pages :
" Y a un peu plus, je laisse ? [1ère anecdote (petite histoire curieuse ou amusante) de l'auteur]
"Parfois c'est seulement " y a un peu plus " . Mais même alors, le " je laisse ? " est sous-entendu, y compris la montée interrogative . Le commerçant est devant sa balance, le regard rivé à l'écran, les mains légèrement écartées en l'air, comme un prêtre à l'offertoire, candide et concentré . Il s'est donné du mal pour satisfaire vos désirs avec exactitude ; au milieu de quelques phrases enjouées, son sérieux est devenu légèrement ostentatoire (qui est fait, montré avec ostentation, c'est-à-dire avec une mise en valeur excessive et indiscrète d'un avantage ) .
Pas si simple de jouer devant lui le rôle du pointilleux ( exigeant, sourcilleux, de celui qui " coupe les cheveux en quatre " ! ) , non j'avais dit une livre, je n'en veux pas davantage . Bien sûr, on pourrait surjouer ( en parlant d'un acteur qui joue son rôle avec exagération, qui en fait trop ! ) l'amabilité du ton pour composer la rigueur des propos, vous seriez gentil de m'en enlever un peu s'il vous plaît . Mais on le sait . On est coincé . De toute manière, on en serait réduit à jouer le rôle du casse-pieds, et ce serait tellement peu dans la note, l'effervescence bon enfant du marché, la bonhomie (la simplicité) de ce rapport humain que vous êtes venu chercher ici . Car vous avez un cabas (sac à provisions) à la main, ou un panier, pas un caddie . . Vous n'arpentez pas des couloirs symétriques (ceux d'un supermarché) ; vous déambulez (flânez en vous promenant) , le nez en l'air, sourire aux lèvres . Vous ne remplissez pas vous-même des sacs de plastique difficiles à ouvrir . Il vous faut un officiant (celui qui vous servira lui-même) ; la qualité du rapport que vous entretenez avec lui est l'essence de ce commerce authentique (celui des petites épiceries) et déclinant (qui se perd) dont vous vantez les mérites - moi, j'adore faire mon p'tit marché (dans le petit commerce) .
"Alors il faut laisser, bien sûr, et même davantage . Manifester par votre attitude que vous ne soupçonnez pas le marchand de mauvaise foi, même si vous gardez pour vous quelques idées dont l'aigreur (le ressentiment, la mauvaise humeur) n'est pas de mise, c'est curieux, il n'y a jamais moins, depuis le temps qu'il pèse son beurre ou son fromage, il doit commencer à maîtriser son truc (ce type d'activité, son stratagème, sa combine, sa ruse) , à trente euros le kilo, il ne s'embête pas ( heureusement il n'en est pas toujours ainsi !) .
"Mais le regard s'est détaché de la balance . pour prolonger sa déférente (respectueuse) interrogation (discours, non plus avec des mots, mais avec des regards et des gestes dignes du " mime M arceau ") , il plonge dans vos yeux . Vous faites semblant d'y lire la fraîcheur du produit, non la rouerie (la malice) du commerçant . Des clients attendent à vos côtés, vous savez bien ce que le public espère . C'est l'heure de la jouer grand seigneur, avec cette infime réticence qui vous sauve à vos propres yeux, je ne suis pas dupe (crédule) mais je connais mon rôle . Une moue appréhensive des lèvres, une oscillation approbative du chef (de la tête) , un battement de paupières . ~Ça ira ~ ."
Oui, ce sont des petites saveurs de l'existence, de la vie ; le plaisir d'aller faire ses courses chez le petit commerçant du coin ! Où des situations truculentes se produisent ; situations ,chers lecteurs, que vous ne rencontrerez jamais dans un Supermarché, " une grande surface " ! Où la rationalité inhumaine règne . Il paraît même que ce petit îlot : intervalle d'humanité ! présent auprès de certaines de ces caissières, dans ces hangars matériels, va disparaître au profit d'une " mécanique logicielle " anonyme qui vous dominera de toute son intransigeance électronique, sans sourires, ni traces d'humanité .
Admettre ces petites vicissitudes qu'à soulignées avec bonheur, Philippe Delerm, n' est-ce pas le " prix à payer " pour avoir des relations humaines, en admettant ce " petit jeu " du commerçant de quartier ?
Oui, cela nous permet de voir rompu cet état d' indifférence de notre monde actuel . Avons-nous perdu définitivement l'habitude de ces contacts entre personnes de "bon aloi ? dans notre douce France ?
C'est pour cela qu'il est nécessaire d'opter entre un lieu où règne l'agitation désordonnée et l'indifférence presque absolue, et un ailleurs plus convivial, mais où il est nécessaire de se soumettre à certains rituels, parfois un peu agaçants, presque exaspérants, mais qui sont pleins d'interactions bienveillantes et réconfortantes .
"Ça a été ? [ 2eme anecdote de l'auteur]
" Bien sûr, il y a le patron sûr de lui, dans son restaurant plutôt cher et branché, qui vous accueille avec un " Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? " légèrement outrecuidant (content de soi, qui a une confiance excessive dans ses jugements et ses paroles) . En l'occurrence (en cette circonstance) , " ce qui vous ferait plaisir " n'est pas l'absolu gratuit de vos désirs, mais un choix bien délimité et tout à fait payant que vous trouverez sur la carte .
" J'avoue préférer de loin la serveuse peut-être socialement plus maladroite, dans un établissement beaucoup plus simple, qui s'enhardit (qui prend de l'assurance,qui se lance, qui sort de sa réserve ) en débarrassant la table : " Ça a été ? " Étrange formule, dont l'intonation interrogative bon enfant s'accompagne d'un empilement d'assiettes dynamique ,bientôt suivi d'une proposition familière : " Un p'tit fromage ? Un p'tit dessert ? Un p'tit café ? " Pour un peu, vous écoperiez ( recevriez) d'un " pour la p'tite dame, pour le p'tit monsieur ? " qui (pourrait ...si ...) vous ferait ~ ruer dans les brancards ~ (se révolter, refuser quelque chose ...) .
" Mais non . Elle s'en tient à ce " ça a été ? " qui n'est après tout que la forme passée du " ça va ? " lancé d'habitude en préambule par des proches ou des amis . Mais si "ça va ? " permet de s'enquérir très formellement de votre accord à la vie, " ça a été ? " s'adresse non seulement à votre approbation de la nourriture engloutie, mais au confort de son ingestion, à votre plaisir de vous trouver là . Il ne s'agit pas de se lancer dans des échanges philosophiques, ni même météorologiques, elle est toute seule pour vingt couverts . Mais c'est plutôt gentil, juste en passant, pour humaniser les choses, " ça a été très bien, merci ."
Ici également, nous devons accepter certains "us et coutumes " (usages) ancrés dans nos habitudes sociales pour ne pas se laisser entraîner dans un contexte artificiel, en quelque sorte, inhumain, dans lequel on reste anonyme, en dehors de la vie !
N'est-ce pas plus convivial que l'activité trépidante des ruches bourdonnantes telles que les salles de certaines chaînes de " fast food " , même intitulées " bio " ? dans lesquelles vous ne seriez même pas plus considéré que le serait un meuble anonyme ! un pion !
Oui, comme le précise au verso de l'ouvrage l'éditeur,
" Philippe Delerm décrit comme personne les instants familiers à chacun de nous, et restitue, presque intacts, nos petits agacements, nos plaisirs furtifs, les grands moments de solitude et les émerveillements ...
Au fil de ces petites phrases toutes faites, faussement anodines, il démasque les sentiments enfouis et met à nu l'émotion . "
A bientôt, cordialement votre, Gerboise .
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