jeudi 6 août 2009
La musique, principales apparences et configurations
Un clown et son instrument à vent .
Un autre clown et son instrument à cordes .
" Imagine, maintenant : un piano . Les touches ont un début . Et les touches ont une fin . Toi, tu sais qu'il y en a quatre-vingt-huit, là-dessus personne ne peut te rouler . Elles ne sont pas infinies, elles . Mais toi, tu es infini, et sur ces touches, la musique que tu peux jouer, elle, est infinie . Elles, elles sont quatre-vingt-huit . Toi, tu es infini . "
Alessandro BARICCO, Novocentro .
" Le plaisir étant éphémère et le désir durable, les hommes sont plus facilement guidés par le désir que par le plaisir ."
Gustave LE BON
Plaisirs, infinités de la musique : ses configurations, ses apparences .
On sait que les vagues qui se dressent, qui se soulèvent à la surface de la mer, ne sont pas d'une forme simple, et que chacune d'elles est constituée de petites " vaguelettes " distinctes, surajoutées de façon à constituer un relief et un mouvement d'ensemble .
En acoustique, ce fait sert habituellement de comparaison quand on veut expliquer comment se décompose une onde sonore ; mais l'esthéticien et le psychologue peuvent employer la même image pour donner une idée des phénomènes très nombreux, de nature différente, qui entrent comme une série d'harmoniques ( son musical simple dont la fréquence [ nombre de périodes ou de cycles complets de variations d'un mouvement périodique qui se succèdent en une seconde ; fréquence d'un son par laquelle il est aigu ou grave, nombre de vibrations sonores par unité de temps, dont dépend la sensation de hauteur] est un multiple entier de celle d'un son de référence [son fondamental] indéfinie dans l'expression musicale ) et y trouvent leur unité .
La musique est un souffle qui passe, une vague de l'air ... une succession de compressions, puis de décompressions périodiques du milieu matériel, du fluide constitué par l'air !
Si on ne considérait que la sensation produite, rien ne serait plus éphémère et plus décevant ; mais dans ce souffle, peut parler avec éloquence l'âme d'un Beethoven : il est capable de porter, avec la mise en œuvre d'une technique spéciale et la projection au dehors de lui-même, d'une personnalité d'élite, une représentation de la vie sociale, de l'ethnie, de l'humanité, de certaines lois de la nature, avec quelque chose de supérieur encore, ou d'autre .
Si on les connaissait seulement par l'oreille matérielle, l'éloquence verbale, la poésie déclamée, seraient, elles aussi, une brève et vaine caresse des sens ; comme elles, la musique doit à une complexité très grande sa magique puissance d'émotion .
Interprète et créatrice d'états psychiques profonds, fine émanation de l'esprit, dynamisme subtil de la vie morale, elle est sentiment et pensée à la fois .
Dans l'enchantement des sons elle met une logique pour l'intelligence, un langage d'amour pour le cœur, une architecture et une plastique pour l'imagination .
Elle est le point de rencontre de la loi des nombres qui régit le monde et de la libre fantaisie qui crée des possibles . Déterminée de tous côtés par la vie de relation, elle est, en même temps, un bel exemple de cette spontanéité de la raison qui atteint
" plus haut que la théologie et la philosophie " [ Beethoven]
Par l'accord de ces contraires, elle représente et fait agir sur nous, en élargissant le petit domaine du moi , l'harmonie de mondes différents .Les grands musiciens n'emploient pas, comme les poètes, l'intermédiaire du verbe : ils connaissent par intuition directe et ils voient plus loin . On a pu dire que, devant le sublime intérieur où ils nous élèvent, le sublime extérieur de l'océan était vulgaire, et celui des étoiles, glacé .
Pour expliquer cette vague sonore formée de tant d'autres vagues, cette chose aérienne et fugace, si complexe et riche de sens - dont il faudra renoncer à pénétrer entièrement le secret - on doit faire intervenir plusieurs sciences .
Nous pouvons en compter jusqu'à sept . Occupant des domaines aux frontières indécises, elles se partagent le travail et essaient de résoudre des séries de problèmes distincts .
Et chacune d'elles ouvre une perspective de merveilles .
D'abord, qu'est-ce qu'un son ?
Comment mesure-t-on les sons ?
De quoi dépendent leurs qualités de force, de timbre, d'acuité ?
Quelle différence essentielle y a -t-il entre ceux que produisent la voix humaine, les instruments à cordes, ceux à tuyaux sonores, et ceux que produisent les membranes, les plaques, les verges métalliques ?
Voici les différents domaines à explorer :
1 - l' acoustique .
Les sons une fois émis objectivement, suivant des lois indépendantes de notre volonté, comment les percevons-nous ?
Quel est le mécanisme de l'oreille ?
Notre appareil auditif s'accommode-t-il, dans sa totalité, aux impressions sonores, ou bien a-t-il un organe de perception tout prêt pour chacune d'elles ?
Qu'est-ce que la consonance et la dissonance ?
Voici un ensemble de questions pertinentes, auxquelles il sera nécessaire d'apporter une ou des réponses !
2 - la physiologie .
Les principes dégagés par ces deux sciences peuvent-ils être expliqués, comme le voulaient Pythagore, Descartes, Euler, par des rapports de nombre plus ou moins simples ?
Faut-il dire avec Leibnitz, que " la musique est un exercice inconscient de calcul ? "
Voilà encore deux questions qui demandent des réponses précises !
3 - les mathématiques .
Ces dernières, lorsqu'elles ont pénétré en nous pour être saisies et ramenées à l'unité par la conscience, que deviennent les impressions sonores ?
Qu'en font la mémoire, la sensibilité, l'imagination, l'intelligence ?
A quels états psychiques donnent-elles lieu ?
Par quels processus d'abstractions le musicien s'élève-t-il à une manière de penser toute différente de celle du poète et des autres artistes ?
Quelle part faut-il faire ,en lui, à l'inconscient ?
Ici, encore, sont posées " un flot de questions essentielles " très judicieuses !
4 - la psychologie .
Nous n'avons plus affaire à des sons, mais à des synthèse de sons, à une œuvre : que signifie cette œuvre ?
Y a-t-il un critérium pour en déterminer la valeur ?
5 - l'esthétique .
Ce n'est pas seulement une œuvre , c'est l'ensemble de toute les œuvres, leur genèse et leur enchaînement à travers les âges, que nous voulons connaître .
Comment les divers genres de composition se sont-ils formés ?
Quel fut le rôle de la musique dans la civilisation, depuis ses plus humbles débuts ?
Ici intervient l'histoire, avec ses annexes : l'archéologie et l'étude des monuments figurés pour la période primitive où les documents notés font défaut ; la philologie ( étude historique d'une langue, par l'analyse critique des textes) , indispensable, puisque, pour la seule musique occidentale, tous les traités antérieurs au XVIe siècle, sont écrits, sauf de rares exceptions, en latin ou en grec ; la paléographie, qui a pour objet le déchiffrement des écritures musicales de l'antiquité et du Moyen âge .
Enfin, quel est le rôle de la vie collective dans la formation des divers types de musiques ?
Les éléments de ce qu'on pourrait appeler la grammaire du langage des sons [ et, a fortiori, les caractères généraux des œuvres fondées sur cette base, leur signification et leur évolution] ne supposent-ils pas une société qui leur impose des formes provisoires, et sans laquelle les règles techniques n'existeraient pas ?
Questions réservées à la sociologie, qui, pour l'essai de ses forces, trouverait difficilement de plus beaux sujets que ceux-ci : l'incantation primitive, le plain-chant, le contre-point, la fugue, la symphonie .
C'est un programme un peu déconcertant par son ampleur ! Mais c'est aussi l'apprentissage de l'art de savoir se poser des questions qui, vont provoquer notre réflexion et nous faire progresser dans la compréhension de nos connaissances et , plus intéressant encore, nous permettre de développer notre esprit critique et nous donner l'occasion d'apprendre à " jauger " les informations qui nous parviennent de toute part, plus ou moins bien vulgarisées, surtout les réponses à ces dernières qui concernent des sujets, des concepts, que nous ne dominons pas parfaitement et qui parfois nous dépassent.
A bientôt pour les réponses à ces interrogations . Cordialement, Gerboise .
Un autre clown et son instrument à cordes .
" Imagine, maintenant : un piano . Les touches ont un début . Et les touches ont une fin . Toi, tu sais qu'il y en a quatre-vingt-huit, là-dessus personne ne peut te rouler . Elles ne sont pas infinies, elles . Mais toi, tu es infini, et sur ces touches, la musique que tu peux jouer, elle, est infinie . Elles, elles sont quatre-vingt-huit . Toi, tu es infini . "
Alessandro BARICCO, Novocentro .
" Le plaisir étant éphémère et le désir durable, les hommes sont plus facilement guidés par le désir que par le plaisir ."
Gustave LE BON
Plaisirs, infinités de la musique : ses configurations, ses apparences .
On sait que les vagues qui se dressent, qui se soulèvent à la surface de la mer, ne sont pas d'une forme simple, et que chacune d'elles est constituée de petites " vaguelettes " distinctes, surajoutées de façon à constituer un relief et un mouvement d'ensemble .
En acoustique, ce fait sert habituellement de comparaison quand on veut expliquer comment se décompose une onde sonore ; mais l'esthéticien et le psychologue peuvent employer la même image pour donner une idée des phénomènes très nombreux, de nature différente, qui entrent comme une série d'harmoniques ( son musical simple dont la fréquence [ nombre de périodes ou de cycles complets de variations d'un mouvement périodique qui se succèdent en une seconde ; fréquence d'un son par laquelle il est aigu ou grave, nombre de vibrations sonores par unité de temps, dont dépend la sensation de hauteur] est un multiple entier de celle d'un son de référence [son fondamental] indéfinie dans l'expression musicale ) et y trouvent leur unité .
La musique est un souffle qui passe, une vague de l'air ... une succession de compressions, puis de décompressions périodiques du milieu matériel, du fluide constitué par l'air !
Si on ne considérait que la sensation produite, rien ne serait plus éphémère et plus décevant ; mais dans ce souffle, peut parler avec éloquence l'âme d'un Beethoven : il est capable de porter, avec la mise en œuvre d'une technique spéciale et la projection au dehors de lui-même, d'une personnalité d'élite, une représentation de la vie sociale, de l'ethnie, de l'humanité, de certaines lois de la nature, avec quelque chose de supérieur encore, ou d'autre .
Si on les connaissait seulement par l'oreille matérielle, l'éloquence verbale, la poésie déclamée, seraient, elles aussi, une brève et vaine caresse des sens ; comme elles, la musique doit à une complexité très grande sa magique puissance d'émotion .
Interprète et créatrice d'états psychiques profonds, fine émanation de l'esprit, dynamisme subtil de la vie morale, elle est sentiment et pensée à la fois .
Dans l'enchantement des sons elle met une logique pour l'intelligence, un langage d'amour pour le cœur, une architecture et une plastique pour l'imagination .
Elle est le point de rencontre de la loi des nombres qui régit le monde et de la libre fantaisie qui crée des possibles . Déterminée de tous côtés par la vie de relation, elle est, en même temps, un bel exemple de cette spontanéité de la raison qui atteint
" plus haut que la théologie et la philosophie " [ Beethoven]
Par l'accord de ces contraires, elle représente et fait agir sur nous, en élargissant le petit domaine du moi , l'harmonie de mondes différents .Les grands musiciens n'emploient pas, comme les poètes, l'intermédiaire du verbe : ils connaissent par intuition directe et ils voient plus loin . On a pu dire que, devant le sublime intérieur où ils nous élèvent, le sublime extérieur de l'océan était vulgaire, et celui des étoiles, glacé .
Pour expliquer cette vague sonore formée de tant d'autres vagues, cette chose aérienne et fugace, si complexe et riche de sens - dont il faudra renoncer à pénétrer entièrement le secret - on doit faire intervenir plusieurs sciences .
Nous pouvons en compter jusqu'à sept . Occupant des domaines aux frontières indécises, elles se partagent le travail et essaient de résoudre des séries de problèmes distincts .
Et chacune d'elles ouvre une perspective de merveilles .
D'abord, qu'est-ce qu'un son ?
Comment mesure-t-on les sons ?
De quoi dépendent leurs qualités de force, de timbre, d'acuité ?
Quelle différence essentielle y a -t-il entre ceux que produisent la voix humaine, les instruments à cordes, ceux à tuyaux sonores, et ceux que produisent les membranes, les plaques, les verges métalliques ?
Voici les différents domaines à explorer :
1 - l' acoustique .
Les sons une fois émis objectivement, suivant des lois indépendantes de notre volonté, comment les percevons-nous ?
Quel est le mécanisme de l'oreille ?
Notre appareil auditif s'accommode-t-il, dans sa totalité, aux impressions sonores, ou bien a-t-il un organe de perception tout prêt pour chacune d'elles ?
Qu'est-ce que la consonance et la dissonance ?
Voici un ensemble de questions pertinentes, auxquelles il sera nécessaire d'apporter une ou des réponses !
2 - la physiologie .
Les principes dégagés par ces deux sciences peuvent-ils être expliqués, comme le voulaient Pythagore, Descartes, Euler, par des rapports de nombre plus ou moins simples ?
Faut-il dire avec Leibnitz, que " la musique est un exercice inconscient de calcul ? "
Voilà encore deux questions qui demandent des réponses précises !
3 - les mathématiques .
Ces dernières, lorsqu'elles ont pénétré en nous pour être saisies et ramenées à l'unité par la conscience, que deviennent les impressions sonores ?
Qu'en font la mémoire, la sensibilité, l'imagination, l'intelligence ?
A quels états psychiques donnent-elles lieu ?
Par quels processus d'abstractions le musicien s'élève-t-il à une manière de penser toute différente de celle du poète et des autres artistes ?
Quelle part faut-il faire ,en lui, à l'inconscient ?
Ici, encore, sont posées " un flot de questions essentielles " très judicieuses !
4 - la psychologie .
Nous n'avons plus affaire à des sons, mais à des synthèse de sons, à une œuvre : que signifie cette œuvre ?
Y a-t-il un critérium pour en déterminer la valeur ?
5 - l'esthétique .
Ce n'est pas seulement une œuvre , c'est l'ensemble de toute les œuvres, leur genèse et leur enchaînement à travers les âges, que nous voulons connaître .
Comment les divers genres de composition se sont-ils formés ?
Quel fut le rôle de la musique dans la civilisation, depuis ses plus humbles débuts ?
Ici intervient l'histoire, avec ses annexes : l'archéologie et l'étude des monuments figurés pour la période primitive où les documents notés font défaut ; la philologie ( étude historique d'une langue, par l'analyse critique des textes) , indispensable, puisque, pour la seule musique occidentale, tous les traités antérieurs au XVIe siècle, sont écrits, sauf de rares exceptions, en latin ou en grec ; la paléographie, qui a pour objet le déchiffrement des écritures musicales de l'antiquité et du Moyen âge .
Enfin, quel est le rôle de la vie collective dans la formation des divers types de musiques ?
Les éléments de ce qu'on pourrait appeler la grammaire du langage des sons [ et, a fortiori, les caractères généraux des œuvres fondées sur cette base, leur signification et leur évolution] ne supposent-ils pas une société qui leur impose des formes provisoires, et sans laquelle les règles techniques n'existeraient pas ?
Questions réservées à la sociologie, qui, pour l'essai de ses forces, trouverait difficilement de plus beaux sujets que ceux-ci : l'incantation primitive, le plain-chant, le contre-point, la fugue, la symphonie .
C'est un programme un peu déconcertant par son ampleur ! Mais c'est aussi l'apprentissage de l'art de savoir se poser des questions qui, vont provoquer notre réflexion et nous faire progresser dans la compréhension de nos connaissances et , plus intéressant encore, nous permettre de développer notre esprit critique et nous donner l'occasion d'apprendre à " jauger " les informations qui nous parviennent de toute part, plus ou moins bien vulgarisées, surtout les réponses à ces dernières qui concernent des sujets, des concepts, que nous ne dominons pas parfaitement et qui parfois nous dépassent.
A bientôt pour les réponses à ces interrogations . Cordialement, Gerboise .
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