lundi 3 août 2009
Le cadre, les fondements de l'oeuvre d'art: l'apparence*,l'arrangement# la forme ; le discernement**, la signification, l'esprit, l'émotion# le sens .
.
*apparence : l'aspect qui nous apparaît de quelque chose, ce qu'on perçoit ou ressent d'une personne ou d'une chose, des sons, des bruits, de tout ce qui nous entoure dans notre environnement en se faisant remarquer d'une façon ou d'une autre ; la manière dont cet " élément " se présente à nos yeux, à nos oreilles, à notre nez, à notre palais, à la perception tactile de l'extrémité de nos doigts ; le caractère, le trait propre à cet ensemble , qui permet de le distinguer d'un autre, de le caractériser,de le juger . Parfois, l'aspect trompeur des choses : se défier des apparences, se distingue de phénomène .
** discernement : discerner, voir en séparant, distinguer ; voir distinctement une chose, entendre précisément un son de manière à connaître en quoi il diffère d'autres " bruits " ! ; disposition naturelle à discerner avec justesse, avec plus de finesse, de subtilité, de délicatesse .
La sensibilité (opposé à l'action ou à la réflexion) le sentiment esthétique ( la connaissance intuitive , l'émotion) peuvent se décrire comme l'harmonieuse exaltation ( l'enthousiasme, la griserie, l'effervescence, la grande excitation de l'esprit) qu'introduit dans le jeu de nos facultés la contemplation ( le fait de s'absorber dans l'observation attentive de quelqu'un, de quelque chose ) d'une œuvre dont la signification nous saisit, en même temps que son eurythmie ( harmonie dans la composition, bel ordre, belle proportion entre les parties) nous enchante .
Cette œuvre s'offre à nous comme un assemblage de lignes, de couleurs, de sons ou de mots,dont nous subissons dès le premier abord le pouvoir séducteur ; mais ces formes qui lui donnent son aspect sensible ne sont pas des formes vides : il s'en dégage un sens qui s'adresse à notre esprit .
De ces deux éléments de l'œuvre d'art, lequel a le poids déterminant dans sa valeur esthétique ?
- La signification, la ferveur, l'harmonie .
Dans toutes les situations, à toutes les époques, aucune esthétique ( science du beau dans la nature et dans l'art ; conception particulière du beau, qui a un certain caractère de beauté) n'a soutenu que la valeur d'une œuvre n'ait rien à voir avec sa forme : il n'y a pas de valeurs esthétiques en dehors de ces réalités que sont les œuvres, et une œuvre n'existe pas hors de la forme qui la réalise . Mais on peut dire qu'elle n'existerait pas non plus sans une idée pour l'inspirer, et les doctrines de l'époque classique tendaient à donner la prééminence à cette idée inspiratrice : la sublimité ( caractère de ce qui est sublime : qui est très haut, dans la hiérarchie des valeurs morales et esthétiques) d'un discours, comme on disait au XVIIe siècle, suppose d'abord la sublimité de la pensée, et le travail de de l'art consiste à donner à cette pensée une forme qui en assure la parfaite expression .
Est-ce là cependant toute l'activité de l'art ?
S'il en était ainsi, il n'y aurait pas de différence entre la poésie et la prose . Ce qui les distingue radicalement ( essentiellement, parfaitement) , c'est que, dans la poésie, intervient un élément inutile à l'expression, mais indispensable à l'existence de la poésie comme telle : ce que Paul Valéry appelait " le physique du discours " , ce par quoi le poème agit immédiatement sur nos sens, le son, le rythme, la musique des mots, l'effet séducteur de leur harmonie .
Comme l'a écrit l'abbé Henri Brémond [ 1855-1933, auteur d'une histoire littéraire et d'études critiques extrêmement fines dans lesquelles il a tenté de définir l'essence de la poésie, membre de l'Académie française] , la poésie est, comme la prose, un discours, mais un discours qui revêt la forme d'un chant .
Pourtant, nous retrouvons en tout art un facteur analogue à ce qu'est le chant en poésie, et, en tout art, cet élément d'harmonie apparaît comme nécessaire à la beauté .
- Essence, nature de l'harmonie de pure forme, structurelle .
Il est laborieux, ardu, périlleux de l'analyser . Les symétries, les rythmes y tiennent certainement une place essentielle : notre corps retrouve en eux ses lois de structure et de fonctionnement, et leur régularité répond aux exigences d'ordre de notre esprit .
Ce qui est régulier étant exprimable par des relations mathématiques simples, on a parfois voulu faire consister la beauté dans ces relations, identifier le plaisir esthétique à leur perception plus ou moins consciente, et fonder sur leur connaissance la création artistique, qui deviendrait affaire de calcul . Mais ce qu'il y a de quantitatif dans une œuvre n'en est que l'épure ( ébauche, esquisse) .Faite sans doute, pour une part, de régularités mesurables, dont l'importance est évidente en architecture et en musique, l'harmonie est faite aussi de pures qualités sensibles, qui échappent à tout calcul . Comme Paul Valéry le disait à propos de la poésie :
" Nous avons beau compter les pas de la déesse, en noter la fréquence et la langueur moyenne, nous n'en tirons pas le secret de sa grâce instantanée "
- Le conventionnel, le formalisme esthétique .
Cette composante, dont l'analyse n'éclaircit pas totalement le mystère, revêt une valeur telle aux yeux de certains artistes et de certains esthéticiens, qu'ils inclinent ( prédisposent) à en faire le tout de l'œuvre d'art . C'est là ce que l'on appelle le " formalisme " esthétique .
Le peintre, décorateur, dessinateur, graveur et écrivain français, Maurice Denis , 1870-1943, en indiquait l'esprit dans une boutade devenue célèbre :
" N'oublions pas qu'avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées . "
Paul Valéry, nous le verrons, a fortement subi la tentation du formalisme, et le grand historien de l'art et esthéticien français Henri Focillion, 1881- 1943, " La vie des formes " , 1939 , en a été l'un des doctrinaires .
Faut-il croire avec ceux-ci que l'eurythmie formelle ( harmonie dans la composition,, bel ordre, belle proportion entre les parties) soit le tout de la beauté ?
Elle est le tout des arts décoratifs . Mais, dès leurs premières origines, les arts supérieurs se sont constitués comme des langages . C'est les diminuer singulièrement, semble-t-il, que de prétendre que leur seul rôle soit de jouer avec des formes vides .
Parlant de son art, Delacroix [ Eugène, peintre, aquarelliste, dessinateur et lithographe français, 1798-1863 ] s'écriait :
" Domaine précieux de la peinture ! Silencieuse puissance qui ne parle d'abord qu'aux yeux, mais qui gagne et s'empare de toutes les facultés de l'âme ! "
C'est lorsque toutes les facultés de l'âme sont ébranlées par une œuvre que nous sommes, à ce qu'il semble, vraiment en présence du tout de l'art et de la beauté .
- La force expressive,le pouvoir, le don évocateur des formes esthétiques .
Comment l'art peut trouver dans les formes sensibles des moyens d'expression, il est relativement facile de le comprendre . Les mots qu'emploie le poète sont chargés du sens que l'usage leur confère (leur attribue, leur donne, leur accorde en vertu d'une autorité) . Les formes dont se servent les autres arts ont, elles aussi, des sens, qui leur sont naturellement liés : les unes, celles des êtres et des objets que le peintre figure sur sa toile, sont immédiatement significatives ; d'autres le sont métaphoriquement, en vertu de certaines analogies d'ordre affectif ou, comme disait Baudelaire [Charles, écrivain français, 1821-1867 ] , de certaines " correspondances " qu'attestent les métaphores dont la langue usuelle est parsemée .
C'est le propre de la sensibilité artistique, de percevoir ces correspondances .
Par leur découverte s'est constitué le langage des arts, que chaque artiste enrichit de ses propres trouvailles .
Sans doute sommes-nous maintenant mieux à même de voir sous son véritable aspect la question dont nous sommes partis : en cours de route, en effet, s'est effacée la distinction, esthétiquement artificielle, entre une forme et un sens qui ne se saisit que dans cette forme, tandis que s'affirmait en même temps la différence entre les qualités d'harmonie des formes et leurs vertus d'expression .
A l'une ou à l'autre de ces deux valeurs, chaque artiste, chaque amateur, selon son tempérament, accorde la préférence . Mais le grand art ne résulte-t-il pas de leur union ?
C'est une conclusion qu'a proposée René Huyghe [historien d'art français, académicien , 1906- 1997, il obtint la chaire de psychologie des arts plastiques au Collège de France en 1950, et a été conservateur du Louvre, ] , en offrant à nos réflexions cette définition de la beauté :
" Une signification spirituelle s'exprimant dans une harmonie formelle ."
Nous poursuivrons, ce thème en vous présentant les facteurs du sentiment esthétique développés dans un texte de Henri Delacroix [ Psychologue et philosophe français, 1873-1937 ] , Psychologie de l'art, essai sur l'activité artistique, 1927 .
Bien à vous, cordialement, Gerboise .
*apparence : l'aspect qui nous apparaît de quelque chose, ce qu'on perçoit ou ressent d'une personne ou d'une chose, des sons, des bruits, de tout ce qui nous entoure dans notre environnement en se faisant remarquer d'une façon ou d'une autre ; la manière dont cet " élément " se présente à nos yeux, à nos oreilles, à notre nez, à notre palais, à la perception tactile de l'extrémité de nos doigts ; le caractère, le trait propre à cet ensemble , qui permet de le distinguer d'un autre, de le caractériser,de le juger . Parfois, l'aspect trompeur des choses : se défier des apparences, se distingue de phénomène .
** discernement : discerner, voir en séparant, distinguer ; voir distinctement une chose, entendre précisément un son de manière à connaître en quoi il diffère d'autres " bruits " ! ; disposition naturelle à discerner avec justesse, avec plus de finesse, de subtilité, de délicatesse .
La sensibilité (opposé à l'action ou à la réflexion) le sentiment esthétique ( la connaissance intuitive , l'émotion) peuvent se décrire comme l'harmonieuse exaltation ( l'enthousiasme, la griserie, l'effervescence, la grande excitation de l'esprit) qu'introduit dans le jeu de nos facultés la contemplation ( le fait de s'absorber dans l'observation attentive de quelqu'un, de quelque chose ) d'une œuvre dont la signification nous saisit, en même temps que son eurythmie ( harmonie dans la composition, bel ordre, belle proportion entre les parties) nous enchante .
Cette œuvre s'offre à nous comme un assemblage de lignes, de couleurs, de sons ou de mots,dont nous subissons dès le premier abord le pouvoir séducteur ; mais ces formes qui lui donnent son aspect sensible ne sont pas des formes vides : il s'en dégage un sens qui s'adresse à notre esprit .
De ces deux éléments de l'œuvre d'art, lequel a le poids déterminant dans sa valeur esthétique ?
- La signification, la ferveur, l'harmonie .
Dans toutes les situations, à toutes les époques, aucune esthétique ( science du beau dans la nature et dans l'art ; conception particulière du beau, qui a un certain caractère de beauté) n'a soutenu que la valeur d'une œuvre n'ait rien à voir avec sa forme : il n'y a pas de valeurs esthétiques en dehors de ces réalités que sont les œuvres, et une œuvre n'existe pas hors de la forme qui la réalise . Mais on peut dire qu'elle n'existerait pas non plus sans une idée pour l'inspirer, et les doctrines de l'époque classique tendaient à donner la prééminence à cette idée inspiratrice : la sublimité ( caractère de ce qui est sublime : qui est très haut, dans la hiérarchie des valeurs morales et esthétiques) d'un discours, comme on disait au XVIIe siècle, suppose d'abord la sublimité de la pensée, et le travail de de l'art consiste à donner à cette pensée une forme qui en assure la parfaite expression .
Est-ce là cependant toute l'activité de l'art ?
S'il en était ainsi, il n'y aurait pas de différence entre la poésie et la prose . Ce qui les distingue radicalement ( essentiellement, parfaitement) , c'est que, dans la poésie, intervient un élément inutile à l'expression, mais indispensable à l'existence de la poésie comme telle : ce que Paul Valéry appelait " le physique du discours " , ce par quoi le poème agit immédiatement sur nos sens, le son, le rythme, la musique des mots, l'effet séducteur de leur harmonie .
Comme l'a écrit l'abbé Henri Brémond [ 1855-1933, auteur d'une histoire littéraire et d'études critiques extrêmement fines dans lesquelles il a tenté de définir l'essence de la poésie, membre de l'Académie française] , la poésie est, comme la prose, un discours, mais un discours qui revêt la forme d'un chant .
Pourtant, nous retrouvons en tout art un facteur analogue à ce qu'est le chant en poésie, et, en tout art, cet élément d'harmonie apparaît comme nécessaire à la beauté .
- Essence, nature de l'harmonie de pure forme, structurelle .
Il est laborieux, ardu, périlleux de l'analyser . Les symétries, les rythmes y tiennent certainement une place essentielle : notre corps retrouve en eux ses lois de structure et de fonctionnement, et leur régularité répond aux exigences d'ordre de notre esprit .
Ce qui est régulier étant exprimable par des relations mathématiques simples, on a parfois voulu faire consister la beauté dans ces relations, identifier le plaisir esthétique à leur perception plus ou moins consciente, et fonder sur leur connaissance la création artistique, qui deviendrait affaire de calcul . Mais ce qu'il y a de quantitatif dans une œuvre n'en est que l'épure ( ébauche, esquisse) .Faite sans doute, pour une part, de régularités mesurables, dont l'importance est évidente en architecture et en musique, l'harmonie est faite aussi de pures qualités sensibles, qui échappent à tout calcul . Comme Paul Valéry le disait à propos de la poésie :
" Nous avons beau compter les pas de la déesse, en noter la fréquence et la langueur moyenne, nous n'en tirons pas le secret de sa grâce instantanée "
- Le conventionnel, le formalisme esthétique .
Cette composante, dont l'analyse n'éclaircit pas totalement le mystère, revêt une valeur telle aux yeux de certains artistes et de certains esthéticiens, qu'ils inclinent ( prédisposent) à en faire le tout de l'œuvre d'art . C'est là ce que l'on appelle le " formalisme " esthétique .
Le peintre, décorateur, dessinateur, graveur et écrivain français, Maurice Denis , 1870-1943, en indiquait l'esprit dans une boutade devenue célèbre :
" N'oublions pas qu'avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées . "
Paul Valéry, nous le verrons, a fortement subi la tentation du formalisme, et le grand historien de l'art et esthéticien français Henri Focillion, 1881- 1943, " La vie des formes " , 1939 , en a été l'un des doctrinaires .
Faut-il croire avec ceux-ci que l'eurythmie formelle ( harmonie dans la composition,, bel ordre, belle proportion entre les parties) soit le tout de la beauté ?
Elle est le tout des arts décoratifs . Mais, dès leurs premières origines, les arts supérieurs se sont constitués comme des langages . C'est les diminuer singulièrement, semble-t-il, que de prétendre que leur seul rôle soit de jouer avec des formes vides .
Parlant de son art, Delacroix [ Eugène, peintre, aquarelliste, dessinateur et lithographe français, 1798-1863 ] s'écriait :
" Domaine précieux de la peinture ! Silencieuse puissance qui ne parle d'abord qu'aux yeux, mais qui gagne et s'empare de toutes les facultés de l'âme ! "
C'est lorsque toutes les facultés de l'âme sont ébranlées par une œuvre que nous sommes, à ce qu'il semble, vraiment en présence du tout de l'art et de la beauté .
- La force expressive,le pouvoir, le don évocateur des formes esthétiques .
Comment l'art peut trouver dans les formes sensibles des moyens d'expression, il est relativement facile de le comprendre . Les mots qu'emploie le poète sont chargés du sens que l'usage leur confère (leur attribue, leur donne, leur accorde en vertu d'une autorité) . Les formes dont se servent les autres arts ont, elles aussi, des sens, qui leur sont naturellement liés : les unes, celles des êtres et des objets que le peintre figure sur sa toile, sont immédiatement significatives ; d'autres le sont métaphoriquement, en vertu de certaines analogies d'ordre affectif ou, comme disait Baudelaire [Charles, écrivain français, 1821-1867 ] , de certaines " correspondances " qu'attestent les métaphores dont la langue usuelle est parsemée .
C'est le propre de la sensibilité artistique, de percevoir ces correspondances .
Par leur découverte s'est constitué le langage des arts, que chaque artiste enrichit de ses propres trouvailles .
Sans doute sommes-nous maintenant mieux à même de voir sous son véritable aspect la question dont nous sommes partis : en cours de route, en effet, s'est effacée la distinction, esthétiquement artificielle, entre une forme et un sens qui ne se saisit que dans cette forme, tandis que s'affirmait en même temps la différence entre les qualités d'harmonie des formes et leurs vertus d'expression .
A l'une ou à l'autre de ces deux valeurs, chaque artiste, chaque amateur, selon son tempérament, accorde la préférence . Mais le grand art ne résulte-t-il pas de leur union ?
C'est une conclusion qu'a proposée René Huyghe [historien d'art français, académicien , 1906- 1997, il obtint la chaire de psychologie des arts plastiques au Collège de France en 1950, et a été conservateur du Louvre, ] , en offrant à nos réflexions cette définition de la beauté :
" Une signification spirituelle s'exprimant dans une harmonie formelle ."
Nous poursuivrons, ce thème en vous présentant les facteurs du sentiment esthétique développés dans un texte de Henri Delacroix [ Psychologue et philosophe français, 1873-1937 ] , Psychologie de l'art, essai sur l'activité artistique, 1927 .
Bien à vous, cordialement, Gerboise .
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