Ci-dessus :Sommaire du tome 1
* Bernard Maris (voir ci-dessous, à la fin de la présentation de l'éditeur au verso du tome 1 de l'ouvrage )
** Tome 1 : les Fourmis
**Tome 2 : les Cigales
Voici ci-dessus le sommaire du Tome I : Les Fourmis , du livre de Bernard Maris : ANTIMANUEL D'ÉCONOMIE, publié aux Éditions Bréal, 2003 . Nous pensons que cet ouvrage apportera aux lecteurs de notre blog un point de vue très original de cette science très particulière située à l'interface, à la frontière entre les sciences dites "dures " (physique, chimie, sciences de la Terre et de la Vie) et les sciences humaines .
En vue de vous inciter à vous procurer les deux tomes de ce livre dans lequel vous trouverez énoncés des problèmes vitaux, nous vous présentons les deux introductions de l'auteur qui vous permettront de comprendre les enjeux, les connaissances de cette discipline aussi ancienne que l'Humanité .
(Vous pourrez agrandir les images des deux sommaires en y effectuant un clic gauche)
Mais auparavant, il est important de situer l'ouvrage tel que le présente l'éditeur au verso du tome 1 :
Peut-on échapper à l'économie ?
Elle imprègne l'art, le sport,le sexe et la guerre ; elle engage le quotidien de la ménagère comme celui du manager .
La « marchandisation de la vie » devient l'hymne de l'époque ,et les économistes sont ces farauds (malins,fiers, prétentieux, qui cherchent à se faire valoir) apôtres, capitaines autoproclamés à la proue du «progrès» de l'humanité . Le rationnel est leur sextant ( instrument de mesure en toute chose) , le quantifiable est leur boussole (instrument d'orientation) .
Entre loi de la jungle et productivisme acharné, cartels et stock-options, la statistique quadrille leur parcours . Des kilos d'équations lestent leur « raison raisonnante » .
Tout juste admettent-ils qu'une main invisible leur vient parfois en aide, altruiste ou impérieuse selon les cas .
C'est oublier que l'homme n'est pas, mais alors pas du tout, rationnel . Et que l'économie est avant tout une réflexion sur le partage . Qui regarde le gâteau, qui tient le couteau ?
Une autre économie est-elle possible ?
L'espéranto économique est-il le jargon d'une science dure, le sabir d'une science molle, ou le cache-misère d'une science nulle ?
Traquant les fioritures et les pseudo- concepts, cet Antimanuel permet à chacun de s'armer pour comprendre la harangue des chefs de la guerre économique . Car dans le monde des comptes, il ne faut pas s'en laisser conter .
Sur un ton léger mais incisif, Bernard Maris convoque tour à tour des économistes , de Keynes à Stiglitz , mais aussi, plus inattendus, des philosophes ou des romanciers : Montesquieu, Swift, Jarry, Maupassant, Orwell ou Houellebecq …
Qui osera désormais dire que l'économie est ennuyeuse ?
* Bernard Maris [ doctorat en sciences économiques à l'Université de Toulouse ; il devient professeur des universités par concours d'agrégation en 1994 ; il a enseigné la micro-économie à l'Université d'Iowa (USA) et à la Banque Centrale du Pérou] a publié de nombreux ouvrages d'économie, ainsi que des romans[Prix Leclerc des libraires en 2003 pour L'Enfant qui voulait être muet ].Professeur d'université en France et aux États-Unis , il anime la page économie de Charlie- hebdo,sous le nom d' Oncle Bernard.Doté en 1995 du titre de "meilleur économiste ",connu par des ouvrages comme Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles , Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie ! ou encore La Bourse ou la vie, ne dédaignant ni l'anthropologie , ni la sociologie, ni la psychologie, l'économie qu'il révèle et que nous vivons nous permet de réfléchir à un au-delà de «l'horreur économique». Il écrit pour différents journaux : Marianne, Le Nouvel Observateur, Le Figaro Magazine, Le Monde et Charlie Hebdo . Il intervient dans des émissions de radios et de télévisions .
Introduction du tome 1 :
"" Faut-il lire des économistes ?
Faut-il en rire ?
Oh non ! Ils sont bien trop sérieux ! Tellement sérieux que « l'économie, moi je n'y comprends rien », avouent la plupart des gens .
« Je n'y comprends rien »… N'est-ce point la phrase que l'on entend sans cesse lorsque l'on est confronté à un problème économique ?
Suivie aussitôt de : « Au fait, la Bourse… Vous pensez que ça va continuer à baisser ? »
Eh bien, nous allons chercher à comprendre.
Que l'économie soit très compliquée paraît un gage de sérieux. Et si les économistes se cachaient derrière un jargon ?
Car de quoi parlent-ils au juste ?
Les physiciens débattent, entre autres, de la chute des corps et de l'expansion de l'univers, les chimistes des explosifs, les biologistes des mutations génétiques, des OGM qu'ils fabriquent, du clonage et du sida…
Mais les économistes ? Sont-ils tellement différents des sociologues, des psychologues, des philosophes ?
« Et comment donc ! » Crient-t-ils alors, arguant des nouveaux quartiers de noblesse de leur discipline, sanctifiée par un prix Nobel .En vérité, ce prix est offert par la banque de Suède en l'honneur d'Alfred Nobel et n'est pas un vrai prix, décerné par la Fondation Nobel . Mais cela n'y change rien ! Ils ont des Nobel [ mais il est vrai qu'il n'existe pas de prix Nobel de mathématiques, ce qui est dû à d'obscures raisons de jalousie ou d'adultère, Alfred Nobel détestant un certain mathématicien célèbre…]
Les économistes- des professeurs d'université ou du Collège de France, des experts, analystes, des journalistes économiques qui font des pages économiques et des suppléments - aimeraient beaucoup ressembler aux physiciens . Sont-ils pour autant de vrais savants ? En tout cas, il s'agit d'hommes très important, on le voit bien au moment des discussions du budget, des lois sur l'allongement du travail des actifs ou de la baisse des impôts pour certains, des élections, des grèves, des crises . Ils sont même de plus en plus influents, si l'on en juge par l'explosion des suppléments et des émissions économiques . Même un hebdomadaire comme Charlie hebdo possède sa page économique !
Théories économiques et café du commerce .
Alors, de quoi parlent les économistes ? «Oikos Nomos » : de la gestion de la maison . De la « ménagère », d'où vient le « manager » des Anglo-Saxons . Pour mémoire, Sully ( 1560-1641, conseiller très écouté du roi Henri IV, il fut chargé de superviser les finances royales ) était le « bon mesnager » du doux royaume de France …
Mon ami Alain (?) , directeur d'une grande revue très appréciée des professeurs d'économie, grand amateur d'économie, dit toujours que rien ne l'amuse autant que les « théories » économiques, qui consistent à dire, avec quelques kilos d'équations et un jargon incompréhensible pour 99 % des économistes professionnels eux-mêmes d'ailleurs, ce qu'on raconte entre deux bourrades au café du commerce : « demain ça ira mieux, à condition que ça n'aille pas plus mal, si la confiance revient, et si les gens ont envie de consommer et de travailler, pas vrai mon gars, remets-moi un canon . » L'une des grandes excroissances de la casuistique économique de ces dernières années est la « théorie des incitations» .Elle a dû remplir quelques bibliothèques d'articles impénétrables et laborieux autant que sublimes, qu'on pourrait résumer ainsi : pour produire mieux,il faut de la confiance et de la transparence .
Chapeau !Au Moyen Âge et jusqu'aux Lumières, la casuistique a fait vivre pendant des générations des milliers de clercs dévoués à une « science » qui a fini par disparaître,tout comme il se peut que l'économie disparaisse un jour .D'ailleurs,n'a-t-elle pas déjà disparu ? Le meilleur économiste n'est-il pas le chef d'un État quand il désarme un conflit social et rétablit la « confiance » de ses concitoyens dans l'avenir ?
Le général De Gaulle menait sa politique sans prêter beaucoup d'attention aux coassements de Cassandre des économistes et disait :
« Rétablissons la confiance et l'intendance suivra ! »
Jacques Attali,grand économiste s'il en est,définit un économiste comme
«celui qui est toujours capable d'expliquer magistralement le lendemain pourquoi il s'est trompé la veille»
Keynes disait à peu près la même chose et recommandait à ses pairs une place modeste,subalterne, comparable à celle des dentistes, capables de soigner avec des instruments, des médicaments et des méthodes qu'ils n'ont pas inventés .Il affirmait que demain «simplement,on ne sait pas» .
L'économiste se heurte et se heurtera à jamais au mur d'airain de l'incertain .
D'ailleurs,s'il savait,s'il anticipait le futur économique mieux que d'autres, il serait milliardaire .
Mais regardons-le s'agiter,entre deux heures supplémentaires à l'université, dans les journaux ou à la radio,lorsqu'on lui demande « oui,d'accord,mais demain ? Ça s'arrange ? » On comprend alors qu'il ne peut pas grand-chose pour nous .
D'autres économistes [ Kondratieff, Schumpeter,Marxou encore l'historien Braudel] croyaient en de grandes «pulsations» économiques,de grandes phases d'expansion et de récession .Mais il s'agit aussi plus de croyances que de vraies lois car il n'y a pas de lois économiques.
Prégnance de l'économie .
Pourtant,peut-on échapper à l'économie ?
Existe-t-il un seul domaine social qui ne soit imprégné d'économie ? Le sport ,Le sexe ? La guerre ?
«Combien coûterait une guerre avec l'Irak ?»Titrait en une Le Monde du 4 janvier 2003 .Quand on parle de sport ou de sexe,surgissent illico les aspects économiques du problème : salaires, ventes, marchandisation de la vie .Tout aspect de la vie des hommes en société a toujours un aspect monétaire et quantitatif ; mais désormais cet aspect est essentiel et tend à expliquer ou impliquer tous les autres. Il existe toujours une «raison économique» des choses. Le pétrole pour l'Irak,l'argent pour l'édition,le marché de la pub pour la télé…
Les deux grands systèmes de pensée dont à accouché le capitalisme,à savoir le socialisme et le libéralisme,
colorent tout des couleurs de la raison et de la quantité .L'un et l'autre s'abreuvent à la source utilitariste [Jeremy Bentham, 1748-1832 , fut le père de l'école " utilitariste " à l'origine de la théorie économique dite néo- classique, la seule enseignée aujourd'hui . En bref : un individu est rationnel et il acquiert, dans la limite de ses revenus, les biens qui lui apportent le plus d'utilité possible afin de satisfaire des besoins .D'où sortent les besoins,le revenu ? Mystère .On remarque que c'est un principe de rareté qui fonde l'économie : revenu limité, besoins théoriquement infinis] . La«rationalisation» du monde et sa «quantification»portées par les lumières,puis l'expansion de la science,de la recherche et de l'expérimentation,voguent de concert avec sa marchandisation .
Notre économiste,quantificateur et rationnel, se tient,faraud, à la proue du «progrès»de l'humanité.
Il explique,rationalise et calcule, et d'ailleurs explique en termes de calcul rationnel .
Est-il plus ou moins rentable d'être un criminel qu'un honnête homme,nous demande le prix Nobel 1991 GaryBecker .Plus ou moins rentable,pour un ménage,avoir un enfant de bonne qualité que deux de mauvaise.
Est-il plus ou moins rentable pour un homme politique,d'être corrompu qu'honnête,questionne le prix Nobel 1986 James Buchanan .
L'ouverture des frontières de tel pays était-elle plus ou moins rentable pour ce pays, étant donné ses pesanteurs politiques et culturelles, analyse magnifiquement a posteriori le prix Nobel 1993 Douglass North .
Comment expliquer rationnellement,en termes le coûts - avantages , l'autarcie de la Chine et l'expansion de l'Europe ?
Nul doute qu'on puisse toujours rationnellement et économiquement expliquer le retard de l'Afrique, l'avance des États-Unis ou la stabilité de la demande de camembert, «étant donné le contexte» ou «toutes choses égales par ailleurs» .
Mais la raison résonnante des économistes est en train d'en prendre un sacré coup.
Il y a deux signes qui ne trompent pas .
- Le premier est l'aveu du prix Nobel 2001 Joseph Stieglitz concernant son passage à la banque mondiale,et la politique économie orthodoxe d' icelle et du FMI [ lire La grande Désillusion,Fayard,Paris,2002 . Pour la première fois,un économiste sort de sa tour d'ivoire et avoue qu'il peut être à l'origine…d'émeutes . Il raconte que les experts sont d'une ignorance crasse, manipulés par les politiques, ou le plus souvent, par des idéologues primaires ] .
- Le second concerne l'attribution du prix Nobel d'économie 2002 à un psychologue, Daniel Kahneman, qui raconte ce que mon copain Alain et son idole Keynes savaient depuis toujours : à savoir que les hommes ne sont pas,mais alors pas du tout, « économiquement rationnels» .
Que faut-il enseigner ?
Ces pensées nous conduisent aux programmes de sciences économiques et sociales .On me reproche souvent :
«Mais,vous,totalement critique,qui n'arrêtez pas de fustiger l'économie et les économistes, que pouvez-vous bien enseigner ?»
Je réponds « d'abord, l'histoire économique» . Et avec quel plaisir ! Les faits économiques . On peut raconter l'affaire Enron (mise en faillite le 2-12-2001 - la plus grosse faillite de l'histoire américaine est une sorte de travail pratique de l'économie, exemplaire du fonctionnement du capitalisme) de deux façons :
1) comme une affreuse histoire de malhonnêteté, de transparence non respectée, de dissimulation,d'asymétrie d'information,et renvoyer à la face des ignorants une volée d'équations de la théorie de l'information . On peut geindre sur l' « éthique des affaires », sans se rendre compte qu'on pleurniche sur un oxymore ( figure qui consiste allier deux mots de sens contradictoires pour leur donner plus de force expressive : ex. , une douce violence) .
2) on peut aussi raconter l'histoire d' Enron - et elle devient passionnante - comme celle de la politique énergétique des États-Unis et les relations du Parti républicain avec certains milieux d'affaires ; également comme l'histoire des pratiques des banques d'affaires, des analystes , des agences de notation, et même des journalistes ! Il y a de quoi faire !
Ensuite,un économiste doit raconter l'histoire sociale .Évoquer l'économie indépendamment de la sociologie,de la psychologie ,de l'anthropologie est un leurre pour laisser croire que l'économie est la matrice,la science supérieure, le moule explicatif dans lequel doit se dissoudre la complexité sociale . Heureusement les programmes du secondaire font [encore] beaucoup de place aux disciplines analysant la société .
-Le secondaire enseigne les «sciences économiques et sociales» : on démarre avec Max Weber, on n'oublie pas Marx et on consacre beaucoup de temps à ce que l'on appelle le lien social,avec ses conflits,ses inégalités . On réfléchit sur le travail,la richesse .
-Dans l'enseignement supérieur,tous ces mots disparaissent et sont remplacés par des signes,des graphiques, des équations .
Il ne s'agit plus de dire ce qui est,mais ce qui doit être : l'économie de marché .
À l'esprit de finesse,lié à la pluridisciplinarité du champ secondaire, succède l'esprit de géométrie,qui ne prétend plus comprendre le monde, mais le métrer, le formater selon le calcul économique et l'idéologie du calcul .
Pourquoi ?
Pour fabriquer de bons petits soldats de la « guerre économique», cette guerre de tous contre tous qui vous occupera de longues années avant une maigre retraite .Certes,de jeunes professeurs dénoncent [enfin !] cet « autisme» de l'enseignement universitaire .
Mais «la tendance est lourde», comme dirait l'autre[économètre] ! En 2003, un changement de programme,le douzième en 10 ans,prévoit de privilégier,en supprimant certains auteurs du programme,comme Pierre Bourdieu, " une approche normative des objets d'études au détriment des questionnements ".
L'économie dit ce qui doit être,et non ce qui est .
Ouvrant l'oeil .Dans le monde des comptes,il ne faut pas s'en laisser compter ; et inversement .
Mais de quoi parle de l'économie ?
Ah, vous êtes têtu ! Les belles analyses ne vous suffisent pas ! Les équations ! Les modèles ! Vous voudriez savoir ce qu'il y a derrière…
De quoi parle de l'économie ?
Du partage .Du partage de la richesse . Qui regarde le gâteau, qui tient le couteau ?
C'était le but octroyé à l'économie politique par le grand Ricardo, dans son ouvrage Des principes de l'économie politique et de l'impôt [Garnier-Flammarion, Paris, 1993, première édition 1817 . David Ricardo, 1772-1823, est considéré comme le père de l'économie "déductive" ou " analytique "] , et depuis on n'a pas dit mieux .
L'économie, c'est fondamentalement la question de la répartition .
Pourquoi? Parce que la question du partage est liée à celle de la rareté, il n'y a pas de problème économique ( ... ) .
(...) Certes, " comment fabrique-t-on le gâteau ? " est aussi une belle question que peuvent accaparer les économistes .
Quels sont les ingrédients du gâteau ?
Des voitures, de la pollution, des médicaments, des logiciels, des livres ? De la terre ? Des paysages ? Nous nous y intéresserons à la fin de cet Antimanuel . Avec quelles énergies fabrique-t-on ce gâteau ?
Du travail, du capital, de l'argent, des techniques, du savoir ...
Les économistes ont occulté la question du partage .
Ils parlent de marché, de besoins, de services, d'offre et de demande, sans se demander d'où viennent ces biens, ces services, ces besoins, ces marchés, ni pour qui ils ont été créés . Ils ont aussi occulté la question du pouvoir .Ils parlent de contrats quand ils évoquent le marché, et qui dit contrat dit réciprocité .Malheureusement,le monde est incertain .Très incertain .C'est pourquoi ceux qui ont quelques clés de l'avenir [ les initiés,les fabricants d'information,les diffuseurs de statistiques,les connaisseurs de la situation exacte des finances de l'entreprise] ont un pouvoir sur les autres . Ont un pouvoir sur les autres également ceux qui peuvent leur racheter leur temps à travers leur contrat de travail (...) .
(...) Nous allons découvrir comment les économistes ont «naturalisé »l'économie,l'ont soumise à de pseudo- lois naturelles ou immanentes, pour éviter les sujets clés :
Qui fabrique l'argent permettant aux gens de vivre ?
Qui crée l'opacité sur le marché ?
Pourquoi occulter le rôle néfaste et l'inefficacité des marchés ?
Pourquoi occulter le rôle majeur joué par l'altruisme et la gratuité dans le processus économie ?
Qui a intérêt à ce que le problème économique [le problème de la rareté] ne soit jamais résolu, dépassé, remisé à arrière- plan , comme le souhaitait Keynes ? ( John Maynard, économiste et financier britannique, 1883-1946) .
Commentaires de l'éditeur situé au verso du second tome .
Le premier tome de cet Antimanuel racontait la rareté, l'offre, la demande , la concurrence , le commerce , l'argent … C'était le tome des fourmis : raisonneuses,rationnelles , égoïstes ,épargnantes , bref ,calculatrices. Le lecteur découvrait, un peu étonné,que la compétition n'était pas le vrai moteur des échanges et qu'elle laissait souvent la place aux phénomènes de pouvoir,de mimétisme et de foule.
Voici venu la revanche des cigales!
Et si l'inutile, la gratuité, le don,l'insouciance,le plaisir,la recherche désintéressée,la poésie,la création hasardeuse engendraient de la valeur? Et si les marchands dépendaient - Ô combien ! des poètes ? Et si la fourmi n'était rien sans la cigale?
Voici venu le temps d'affirmer,contre les économistes , que l'inutile crée de l'utilité , que la gratuité crée de la richesse , que l'intérêt ne peut exister sans le désintéressement.
On verra que ce livre ne dédaigne en rien les marchands . Mais pourquoi sont-ils devenus la classe dominante ? Pourquoi sommes-nous sortis de ces sociétés ,de chasseurs-cueilleurs ,qui« marchaient dans la beauté» , comme le chantent certaines tribus.Nous sommes passés du côté de l'utile et du laid .Et en même temps, le capitalisme fait partie de notre vie,tout simplement,et ne mérite pas d'être méprisé , sauf à mépriser la vie .
Si l'on veut approcher l'essence du capitalisme , il faut sortir des sentiers de l'économie et musarder avec l'histoire , l'anthropologie et la psychologie.
Ce second tome se situe aux frontières ou au-delà de l'économie .""
Tome II : Les cigales
Ci-dessus : Sommaire du tome 2
Présentation de l'ouvrage par l'auteur lui-même :
"" Disons que tout naît de la rareté .
Il n'y a de problème économique que par ce qu' il y a de la rareté .
La rareté implique le calcul, organisation, le partage, bref, l'économie .
À partir de la rareté, les économistes ont cru résoudre une question fondamentale posée à l'humanité :
Celle de la valeur des choses .
Valeur monétaire s'entend . Les économistes la mesurent par les prix, après un détour par l'offre et la demande .
Le premier tome de cette Antimanuel prétendait raconter la rareté et le partage
[ qui fait le gâteau ? qui tient le couteau ?], l'offre, la demande, la concurrence, le commerce, argent, la raison, l'égoïsme .
C'était le tome des fourmis : raisonneuses, rationnelles, logiques, égoïstes, épargnantes, bref, calculatrices .
Aux termes du tome I , le lecteur avait à peu près compris comment fonctionne une économie . Et il découvrait, un peu étonné, que la concurrence, la compétition, n'étaient pas vraiment le moteur des échanges et que le calcul laissait souvent la place à la politique, aux phénomènes de pouvoir, de mimétisme et de foule .
L'éloge de la gratuité, qui achevait le livre, laissait entendre que la valeur, cette fameuse valeur que les économistes associent à l'offre et à la demande et que d'autres[Marx, Keynes] relient au travail, pouvait naître du désintéressement, du plaisir, de l'inutile… En vérité, les économistes, classiques ou non, ne voient que la face émergée de l'iceberg de l'économie, et le tome I de cet Antimanuel ne considérait que cette face trop visible .
Or, voici venu la revanche des cigales !
Et si l' inutile, la gratuité, le don, l'insouciance, le plaisir, la recherche désintéressée, la poésie, la création hasardeuse engendraient de la valeur ?
Et si les marchands dépendaient - ô combien ! - des poètes ?
Et si la fourmi n'était rien sans la cigale ?
Voici maintenant venu le temps d'affirmer, contre les économistes, que l'inutile crée de l'utilité, que la gratuité crée de la richesse [de la vraie : sonnante et trébuchante] , que l'intérêt ne peut exister sans le désintéressement .
La raison de ce second tome tient en cette phrase :
La gratuité engendre de la richesse [ encore une fois, non pas une richesse abstraite, mais bel et bien une richesse monétaire] .
Voilà, me semble-t-il, un champ que n'ont jamais osé labourer les économistes, trop mesquins, coincés dans le carcan de leurs calculs .
Je dois avouer que ce second tome se propose aussi de lever une insatisfaction tout à fait personnelle . Au lecteur d'en juger, au moins aurai-je ouvert quelques pistes .
En effet, j'ai toujours été fasciné par cette question : « Pourquoi le capitalisme ? » ou, pour le dire autrement, : « Pourquoi un monde dominé par les marchands ? » Pourquoi l'humanité s'est-elle condamnée à barboter et à claquer des dents dans « les eaux glacées du calcul égoïste »[Marx] ?
La réponse à ces questions n'a rien d'évident. On verra que ce livre ne dédaigne en rien les marchands, les intermédiaires, les gens qui sont dans « l'intérêt » [étymologiquement, entre les êtres]
Mais pourquoi les marchands sont-ils devenus la classe dominante ?
Pourquoi sommes-nous sortis de ces sociétés de chasseurs-cueilleurs, qui « marchaient dans la beauté » , comme le chantent certaines tribus ?
Nous sommes passés à côté de l'utile et du laid . « Tout ce qui est utile est laid »[ Théophile Gautier] . Et en même temps, le capitalisme est notre grande aventure, notre vie tout simplement, et ne mérite pas d'être méprisé, sauf à mépriser la vie .
Les économistes peuvent difficilement répondre à la question
« Pourquoi le capitalisme ? »
Ils peuvent partiellement évoquer - et c'est beaucoup, c'est toute l'économie moderne - comment une valeur marchande peut naître à partir du gratuit . Mais si l'on veut approcher l'ontologie du capitalisme, il faut sortir des sentiers de l'économie et musarder avec l'histoire, l'anthropologie et la psychologie .
L'histoire nous dit pourquoi l'Europe, l'anthropologie nous dit pourquoi le contrat et l'argent, et la psychologie nous souffle, en sourdine, pourquoi tout finira mal . Ayant choisi l'aventure capitaliste, avons-nous choisi de nous autodétruire ?
De grands économistes, passionnés de psychologie[ Keynes, Schumpeter] , l'ont pensé .
Ce second tome se situe aux frontières ou au-delà de l'économie .
Nous y rencontrerons des économistes et des penseurs peu ordinaires : Nicolas Georgescu-Roegen et les penseurs de la technoscience ( Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Ivan Illitch] , Serge Latouche et la décroissance, Jean-Pierre Dupuy] et le mimétisme Girardien - René Girard sera un des fils conducteurs de ce livre - et des valeurs sûres, comme Keynes et Schumpeter .
Le lecteur ( certains sûrement) sera déçu de ne pas croiser plus souvent Karl Marx, alors que les historiens[Fernand Braudel, David S. Landes…] , les sociologues [ Max Weber, Raymond Boudon…] Et les anthropologues[Marcel Mauss] sont abondamment cités .
J'ai sans doute eu tort . Peut-être l'ai-je trop lu, et il reste certainement l'un des plus grands . Cependant des concepts essentiels de l'économie moderne comme ceux de synergie ou de réseau, largement utilisés dans ce second tome, sont absents de son oeuvre . De même, à tort, je ne parle pas assez de Friedrich Hayeck, le plus antilibéral des libéraux .
Au risque de faire hurler les plus grands économistes de ma génération et de la précédente, je ne pense pas que Léon Walras et son concept d'équilibre général aient apporté grand-chose à l'économie . Walras, hélas, a momifié l'économie, l'a congelée . Il a posé un problème mathématique, résolu par Broüwer, que Nash a énoncé en d'autres termes forts intéressants et forts destructeurs pour la pensée libérale . Mais un problème mathématique est un problème mathématique, c'est tout[et c'est déjà beaucoup] .
D'ailleurs, la loi de Say[ l'offre qui crée sa propre demande] pose la question de l'équilibre en des termes autrement plus profonds que l'équilibre simultané walrassien . Quant à l'économie libérale, ou néoclassique, je pense franchement, avec le recul, qu'elle n'a pas grand intérêt, au-delà de ce que le calcul économique peut apporter à des gestionnaires d'entreprise .
La micro-économie, l'individualisme méthodologique me paraissent des aberrations ou les excroissances de la pensée, du même tonneau que la casuistique .
Aux termes de cet Antimanuel, j'ose encore exprimer ma fascination pour Keynes . Et pourtant, il eut peu de certitudes… Mais peut-être, tout simplement, l'économie a-t-elle peu à dire sur la vie des hommes en société .
Il me reste maintenant à reconnaître des dettes, énormes, et sans doute mal employées ! …
Cordialement vôtre, Gerboise .
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